Cinéma

Rébellion à la Redneck Riviera

d'Lëtzebuerger Land du 29.03.2013

La transgression est le maître mot d’Harmony Korine. Dépasser les bornes du convenu tant dans le fond que dans la forme. Originaire du quartier défavorisé The Nations, à Nashville, le quadragénaire qui ne veut rentrer dans aucun schéma a fait un premier grand pas dans le cinéma avec le scénario de Kids, mis en scène par Larry Clark. Avec ce dernier, il partage la passion pour les excès juvéniles et les images provocatrices.

C’est ainsi que son nouveau long-métrage, Springbreakers, s’ouvre sur des gros plans d’étudiantes dénudées qui se font arroser les seins de jets de bière, le tout au ralenti sur fond de dubstep signé Skrillex. Désormais, il est clair que l’on est loin de la teenage comedy cracra moyenne. Korine ne se contente pas seulement de nous confronter à cette esthétique clip bien familière, mais il nous en entarte. C’est le Springbreak, les vacances de printemps, et les jeunes affluent de tous les coins et recoins des États-Unis sur les plages de la Floride pour s’adonner à toutes sortes de plaisirs légaux et moins légaux.

Or, Faith (Selena Gomez), Candy (Vanessa Hudgens), Brit (Ashley Benson) et Cotty (Rachel Korine) ne sont pas de la partie, ce qui les frustre sévèrement. Désespérées, elles décident finalement de braquer un fast-food afin de se payer le voyage à ce que certains surnomment la Redneck Riviera. Une fois arrivées, leur (més)aventure ne fait que commencer. Après avoir été arrêtées pour consommation de substances illicites, c’est Alien (James Franco) un petit caïd local qui repère les quatre nymphes en bikini et décide de payer leur caution. Désormais, Alien leur fait partager son style vie qu’il essaye de leur vendre comme un Springbreak éternel.

On apprécie des idées de mise en scène comme le braquage filmé en un travelling depuis la voiture qui fait le tour du restaurant. On se réjouit de la caricature hilarante de la culture pop américaine, culminant dans une chanson de Britney Spears, interprétée au piano par Alien sur sa somptueuse terrasse et d’images comme celles des college girls cagoulées en maillot de bain dansant sur ce même numéro. On est également intrigué par des stars disney comme Selena Gomez et Vanessa Hudgens visiblement décidées à changer de direction dans leurs carrières, ainsi que par les boucles sonores et visuelles avec la répétition des mots « Springbreak forever ».

Mais plus le film avance, plus on peine à voir le sens dans ce délire grandiose et grotesque. Le réalisateur va certes jusqu’au bout du fantasme adolescent d’une vie sans lois en délaissant délibérément et progressivement toute forme de réalisme. Pourtant, on est étonné que tout cela ne vaut que pour soi-même et que sous les aspects d’un coup de maître sur la trivialité et la sexualisation excessive se cache finalement un film qui se contente d’enchaîner les sensations fortes.

Présenté au festival de Venise et en séance spéciale du Discovery Zone Luxembourg City Film Festival, Springbreakers n’a certainement pas fini de surprendre et de polariser.

Fränk Grotz
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