Ciel ouvert

Les accords « Ciel ouvert » restent en vigueur

d'Lëtzebuerger Land du 07.11.2002

« Le monde ne va pas s’arrêter de tourner avec les arrêts de la Cour de Justice et les avions ne vont pas rester cloués au sol ». Sans minimiser la portée des arrêts de la Cour européenne de Justice tombés mardi,  Henri Klein, directeur de l’aviation civile, en a tout de même relativisé l’impact immédiat pour le Luxembourg, qui avec sept autres États membres (Danemark, Suède, Finlande, Belgique, Autriche, Allemagne et Royaume-Uni), a été condamné en manquement pour avoir contracté et maintenu en vigueur un accord de transport aérien avec les États-Unis de 1986, amendé en 1995, accord dit « ciel ouvert » : « Les accords ne sont pas totalement nuls, même s’il faudra les revoir sur certains points », a-t-il estimé en écho aux propos de la commissaire européenne aux transports Loyola de Palacio qui elle n’a pas hésité à les déclarer « nuls » quelques heures après que la décision de la Cour soit tombée. Les interprétations sur la portée des arrêts divergent donc beaucoup. Les autorités luxembourgeoises ne souhaitent pas encore, pour l’heure, commenter dans le détail les décisions de la Cour : « Nous sommes en train d’en analyser l’impact », a souligné M. Klein. Dans ces arrêts, la juridiction européenne estime que les accords bilatéraux signés par les huit États membres sont contraires au droit communautaire, et violent notamment le droit d’établissement en créant des discriminations entre les compagnies aériennes européennes: « La clause relative à la propriété et au contrôle des compagnies aériennes permet aux États-Unis d’Amérique de révoquer, de suspendre ou de limiter les licences d’exploitations ou les autorisations techniques d’une compagnie aérienne désignée par le Grand-Duché de Luxembourg mais dont une part substantielle de la propriété et le contrôle effectif n’appartiennent pas à cet Etat membre ou à des ressortissants luxembourgeois », expliquent les juges de la CEJ dans l’arrêt concernant le Luxembourg. « Les compagnies aériennes communautaires peuvent toujours être exclues du bénéfice de l’accord de transport aérien liant le Grand-Duché de Luxembourg aux États-Unis d’Amérique, ce bénéfice étant en revanche acquis aux compagnies aériennes luxembourgeoises. Par suite, les compagnies aériennes communautaires subissent une discrimination qui les empêche de bénéficier du traitement national dans l’État membre d’accueil, à savoir le Grand-Duché de Luxembourg », poursuit l’arrêt. « Cela est de la théorie, car dans la pratique, nous n’avons jamais rien refusé », commente Henri Klein. Il faut dire que le Luxembourg n’a jamais non plus été sollicité par une compagnie aérienne.      La CEJ considère par ailleurs que la signature de tels accords aériens relève de la compétence exclusive de la Communauté sur  plusieurs points : fixation des tarifs sur les liaisons intracommunautaires, engagements en matière de systèmes informatisés de réservation et allocation de créneaux horaires. Des domaines relativement limités selon des sources officielles américaines citées par l’AFP.   Au Luxembourg, l’accord ciel ouvert de 1995 a surtout servi les intérêts de la compagnie de fret Cargolux en lui permettant de multiplier ses vols et ses dessertes aux États-Unis et fait sauter les limitations de capacités qui étaient inscrites dans l’ancien accord de 1986. Auparavant, faute d’accord bilatéral, les compagnies établies au Luxembourg devaient opérer vers les États-Unis en vertu de permis administratifs révocables. La question est maintenant de savoir si le Conseil de l’UE donnera mandat à la Commission européenne, comme elle en rêve depuis plus d’une décennie, de négocier un accord commun aux Quinze avec les États-Unis. 

Véronique Poujol
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