Le million, le million !

d'Lëtzebuerger Land vom 16.07.2021

Le nom de Melody Funck ne vous dit peut-être rien si vous ne comptez pas TikTok parmi vos applications mobiles. Mais si tel est le cas, vous avez probablement dû voir passer l’une ou l’autre vidéos de cette Luxembourgeoise pendant vos longues minutes d’errance sur le réseau phare du moment qui compte plus de 800 millions d’utilisateurs actifs dans le monde et des pics records de téléchargement durant la pandémie. Un chiffre qui donne le vertige et surtout, qui fait rêver Melody : à 25 ans, dotée de 200 000 abonnées récoltés en moins de six mois, cette Luxembourgeoise entre dans la catégorie des influenceuses et, par la même occasion, réalise son rêve. « Ça a toujours été mon but ultime et aujourd’hui, j’ai atteint mon objectif. J’ai toujours voulu être importante, faire partie d’une société ultra VIP et sortir du lot », assume la jeune femme.

Robes de princesses en soie, en plumes ou à sequins, jupons de tulle colorés, brushing maîtrisé et émerveillement affiché : les vidéos de Melody baignent dans un univers enchanteur et luxueux. Toujours parfaitement apprêtée, la jeune femme se filme dans ses tenues, tant dans le jardin de ses parents, au Luxembourg, qu’à bord d’une voiture avec chauffeur dans les rues de Paris ou depuis un yacht dans la baie d’Istanbul. « Mon but c’est de vendre du rêve aux gens qui me suivent, de les motiver à arriver aux leurs et de les rendre heureux avec ma joie naturelle. Je suis 100% authentique quand je me filme. Je suis comme ça », justifie celle dont certaines vidéos d’unboxing (ouverture de colis, une catégorie spécifique de vidéos, avec son hashtag, ndlr) comptent jusqu’à quatre millions de vues, ce qui, forcément, attire de plus en plus les marques nationales et internationales. Car c’est bien sûr là tout l’enjeu pour les influenceurs... « Je reçois énormément de robes de luxe de plein de pays différents, mon dressing a explosé, je n’ai presque plus de place pour les ranger. Et j’ai aussi des propositions de partenariat avec des marques locales qui veulent gagner en visibilité à travers moi ».

Si l’image gentiment naïve et enfantine renvoyée par la jeune femme peut doucement faire sourire, sa tête dans les nuages ne l’empêchent pas d’avoir les pieds sur terre et un parcours bien ficelé. Passionnée par le dessin et la peinture, Melody passe par l’Athénée avant de quitter le pays pour étudier en France. « Quand j’étais au lycée, je n’avais pas du tout ce look, j’étais beaucoup plus relax, plutôt en jogging. Puis je suis allée à l’université à Paris, pour passer une licence de graphisme, où j’ai notamment appris la photo. J’ai commencé à sortir, à voir d’autres filles toujours super bien habillées, ça a réveillé quelque chose en moi », se souvient-elle, influencée, si l’ont peut dire, depuis son plus jeune âge par le style et l’allure de sa mère. « Ma maman c’est la Miranda du film Le diable s’habille en Prada, mais en plus sympa. Elle a toujours été élégante, classe et habillée au top ».

Son intérêt et son style grandissant, Melody poursuit ses études dans le management des marques de luxe, un cursus qui l’emmène dans la capitale de la mode, à Milan et sur le chemin de la fashion week. Pour pénétrer ce milieu très fermé, la jeune femme écrit à des dizaines et dizaines de magazines pour leur proposer ses services. Un seul lui répondra positivement : le Melbourne my style, un magazine australien pour lequel elle est autorisée de jouer la photographe. « J’avais des pass pour voir les backstages, puis pour accéder au pool photos avec les professionnels pendant les défilés. Rien que les invitations étaient waouh et si précieuses, je les ai toutes gardées. J’ai fait ça durant deux ans à côté de mes études, c’était énormément de travail mais c’était incroyable, j’ai rencontré plein de créateurs italiens et ai vu des tonnes de stars ».

Entre ses images d’équitation, la jeune femme commence alors à poster quelques photos de ses aventures italiennes sur Instagram, espérant décoller via ce réseau qui pullule d’influenceurs qu’elle admire. Mais rien ne se passe et Melody rentre alors au Luxembourg pour chercher un travail en tant que graphiste, aujourd’hui encore son activité principale. « En septembre 2020, j’ai essayé TikTok, j’ai posté une vidéo et bim, 100 000 vues en une fois. J’étais très étonnée, puis j’en ai posté d’autres qui n’ont pas eu le même succès. Alors j’ai essayé de comprendre comment fonctionnait l’algorithme, ce qu’il fallait poster comme contenu et quand il fallait le poster. Il m’a fallu cinq mois. En janvier, tout à coup, ça a décollé : les fans, les vues, les collaborations, la célébrité dans la rue, tout est arrivé. J’ai parfois été découragée par des commentaires moqueurs ou méchants, mais j’ai persévéré et, aujourd’hui, j’ai toute une communauté derrière moi, qui me défend d’ailleurs quand quelqu’un écrit quelque chose de négatif. Maintenant je suis trop heureuse, j’ai réalisé mon rêve ». Et que faire quand son rêve se réalise ? S’en imaginer un autre, évidemment. Pour Melody, ce sera celui d’atteindre le million d’abonnés. Rien que ça.

Salomé Jeko
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