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Google lâche du lest pour éviter une amende de l’UE

d'Lëtzebuerger Land du 19.04.2013

Le géant de la recherche en ligne, dans le viseur de l’Union européenne pour abus de position dominante, a proposé à la Commission des solutions pour répondre à ses inquiétudes et par là éviter une amende de plusieurs centaines de millions d’euros. Celle-ci les a examiné, mais avant de rendre son verdict et d’éventuellement rendre contraignants certains engagements, elle doit encore les soumettre aux autres acteurs de marché.

« Au cours des dernières semaines, la Commission a bouclé son évaluation préliminaire des propositions détaillées de Google soumises fin janvier indiquant formellement ses préoccupations, et sur cette base, Google a soumis ses engagements formels », a indiqué le porte parole du commissaire en charge de la concurrence, Joaquin Almunia, le 12 avril. « Nous préparons maintenant le lancement de tests pour voir quel sera la réaction des acteurs du marché, y compris les plaignants, sur ces propositions d'engagements », a-t-il encore expliqué.

La gardienne de la concurrence dans l’UE a ouvert en novembre 2010 une enquête sur les pratiques de Google (qui détient 90 pour cent du marché de la recherche sur l’internet en Europe), car elle craint qu’il ne favorise ses propres services au détriment d’autres éditeurs. Quatre sujets la préoccupent : le traitement préférentiel des services de recherche verticale de Google, spécialisés dans un domaine spécifique (voyages ou restaurants) ; la copie de contenus de services de recherche verticaux concurrents, comme des commentaires d’utilisateurs ; les accords d’exclusivité que Google impose à ses partenaires pour faire paraître des annonces publicitaires ; des griefs touchant à la portabilité de la plateforme publicitaire de Google Adwords.

Google récuse l’accusation d’abus de position dominante, dans la mesure où il ne verrouille pas le marché, et en veut pour preuve l’existence de concurrents. De plus, la firme prétend que le secteur de l’internet rend impossible un tel abus. Elle est néanmoins prête à certaines concessions pour éviter une amende de cinq pour cent de son chiffre d’affaires, sans pour autant modifier l’algorithme de ses moteurs de recherche. Aussi les engagements proposés, qui seront contraignants pendant une durée encore à définir (entre trois à cinq ans), répondent à cette priorité.

La proposition qui consiste à recourir à un indicateur visuel pour distinguer ses propres résultats – pour les recherches de voyages ou de restaurants par exemple – des autres fournisseurs de services en ligne avait déjà été dévoilée. La contrainte liée à ce label varie selon les profits générés par le service, autrement dit, Google serait davantage contraint au respect de cette identification dans les services de vente en ligne que pour les pages de météorologie par exemple.

Les concurrents avaient déjà exprimé des réserves sur ce procédé. Ils devraient davantage adhérer à une autre proposition qui leur accorderait davantage de visibilité. Selon des proches du dossier, Google se serait engagé à assurer un affichage en bonne position d’au moins trois liens de ses rivaux. Pour répondre aux critiques, notamment des sites de presse ou de plateformes d’avis sur les restaurants ou les hôtels qui accusent Google d’utiliser leurs contenus sans contrepartie, la firme de Mountain View a proposé de laisser aux autres sites la possibilité de supprimer leur contenu des moteurs de recherche spécialisés de Google. Cette faculté avait déjà été négociée avec l’autorité de la concurrence américaine, la FTC, en janvier dernier dans une affaire similaire dont Google était sorti blanchi. Le géant de l’internet a également proposé de mettre en place un outil visant à ce que les sites concernés puissent choisir quel(s) contenu(s) ils souhaitent voir repris par Google.

Aux dires de plusieurs personnes impliquées dans le dossier, ces engagements satisfont la Commission. Reste à voir si les acteurs de marché confirmeront cette appréciation. L’exécutif européen a toujours affirmé vouloir privilégier une approche à l’amiable pour éviter des procédures interminables avec les entreprises des secteurs de nouvelles technologies.

Une approche que contestent dix-sept sociétés spécialisées dans les high-tech et la recherche en ligne – parmi lesquelles Microsoft, Nokia, Oracle, mais aussi Expedia ou TripAdvisor – opposées à Google et regroupées au sein de l’association FairSearch, à l’origine de plusieurs plaintes contre cette dernière. Peu convaincus des bonnes intentions affichées de la firme, ils militent pour une condamnation en bonne et due forme.

La Commission entend aboutir autour de l’été prochain à une solution avec Google sur ce dossier. Mais elle aura à gérer un autre volet relatif au système d’exploitation mobile Androïd de la firme américaine équipant les téléphones mobiles et les tablettes. Selon Fair-Search, Google utiliserait Androïd comme un « cheval de Troie » destiné à étendre son emprise, obligeant les fabricants de mobiles et tablettes utilisant son système, qui est gratuit, à préinstaller sur les appareils les icônes de lancement de ses applications.

Sophie Mosca
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