La Chambre irréductible de Martine Feipel

Chambre à part

d'Lëtzebuerger Land vom 18.03.2010

Une chambre est concassée sur le sol de l’espace d’exposition. Il s’agit de La Chambre irréductible, une nouvelle installation réalisée au Centre des arts pluriels d’Ettelbruck (Cape) par l’artiste Martine Feipel (née en 1975). Ce projet entre dans le cycle d’expositions intitulé Portraits de jeunes artistes luxembourgeoises. Dans la continuité du travail et de la démarche de Martine Feipel, l’œuvre est réalisée suite à la visite du lieu et intègre bien l’espace vaste de la grande salle d’exposition, proportionnellement à son volume. Et pourtant, l’art de Martine Feipel n’a rien de mathématique ni même de systématique, il interroge le tangible du monde et de son quotidien, le mystère et les faits inexpliqués.

Posée au sol, La Chambre irréductible semble sortie de l’univers de science-fiction, une capsule spatiale échouée après un voyage turbulent, au cours duquel il est possible de s’imaginer des péripéties intergalactiques et des voyages à remonter le temps, une chambre fantastique remplie de secrets. Cependant, il n’en est rien, l’œuvre réalisée suite à une installation créée en collaboration avec Jean Bechameil à la Biennale Kunst [&] Zwalm (2009), une maison à demie immergée reconstruite en version réduite d’après un modèle photographique d’une maison luxembourgeoise, a les pans disloqués, ceci provoqué par un réaménagement de ses éléments et semble avoir été démolie, chiffonnée comme une boule de papier et jetée au sol. Cette anti-chambre de l’inconnu est faite d’une structure métallique et recouverte de papiers imprimés sous la forme de fragments accidentés représentant des fenêtres, volets, murs, et portes d’un habitat commun et multiple.

Pourquoi démolir le refuge humain ? Pourquoi partir d’un élément architectural de la réalité pour lui faire subir cette transformation-destruction ? Peut-être le secret se situe à l’intérieur, car il s’agit d’un pénétrable. Or, rien, si ce n’est une myriade de panneaux brillants réfléchissants éclairés par des spots de théâtre ne s’offre au regard du visiteur. Une déception. Aucune trouvaille ni trésor, aucune onde de sensation ou de perception n’est déclenchée par l’intrusion physique. Où est la clé de cette situation de réinvention du quotidien ? Pas de réponse et réaction, aucune théâtralité, pourtant récurrente dans le travail de l’artiste. Au-dehors, une série de trois tableaux-reliefs reprennent, en détail, l’image photographique de fenêtres à volets, cinématographiquement appelés Fe-nêtre sur cours. Une série de six dessins brouillons de chaises aux pieds cassés est accrochée sur un autre mur. Un fond sonore s’échappe d’un amplificateur, mais il est difficile de déterminer s’il fait partie de l’œuvre et si oui, ce qu’il apporte au reste.

Martine Feipel a fait des études d’arts plastiques à l’Université Marc Bloch de Strasbourg, à l’Université des arts de Berlin sous la direction de Christiane Möbus et au Central Saint Martins College of Art [&] Design à Londres, où elle a obtenu un Master en arts plastiques en 2002. Boursière à deux reprises et membre fondatrice de la compagnie Pandora, elle crée en 2007 le projet hétéroclite The Game of Life (Belgique, Allemagne, Luxem­bourg). La même année, elle est invitée par l’Aica (Association internationale des critiques d’art) à faire une proposition pour le Kiosk dans la capitale, est sélectionnée au Prix d’art Robert Schuman à Trèves et au Forum des pépinières européennes pour jeunes artistes. En 2008, elle participe à l’exposition Résonances au Musée de la Cour d’Or à Metz, à diverses autres expositions collectives (dont Mixed Season et Single Rooms) et en 2009, au Salon du Cercle artistique.

La Chambre irréductible, malgré un titre intriguant et plein de promesses, s’avère être une proposition décevante, manquant de perfectionnisme dans la réalisation un peu brouillonne, dont les différents éléments de l’ensemble peinent à fonctionner et faire un tout et n’ayant comme innovation que la participation des employés du centre d’art à sa réalisation. Or, il faudrait mener l’univers fantastique et pertinent de Martine Feipel à terme, avec davantage d’exigence, afin de réussir le passage de l’idée, à une production finale techniquement irréprochable et irréductible.

La Chambre irréductible de Martine Feipel est visible jusqu’au 25 mars au Centre des arts pluriels, ouvert tous les jours sauf dimanche de 14 à 20 heures ; 1, place Marie-Adélaïde, Ettelbruck ; téléphone : 26 81 21-1, Internet : www.cape.lu.
Didier Damiani
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