Lux-Airport

New Kid in Town

d'Lëtzebuerger Land vom 27.11.2003

Le premier contact fait un peu désordre. C’est en effet en entrant sur un des parkings de l’aéroport du Findel que le grand public entre, sans le savoir, une première fois en relation avec Lux-Airport, la nouvelle société de droit privé chargée d’exploiter l’aéroport national. Et comme les parkings sont les premiers à souffrir du grand chantier dans lequel a été transformé le Findel, l’impression n’est pas nécessairement la meilleure. Mais, la Société de l’aéroport de Luxembourg - nom officiel de Lux-Airport - aura encore bien des chances pour se racheter : d’abord au printemps prochain avec l’inauguration du terminal « petits porteurs » et, surtout,  fin 2006 avec la mise en service de la nouvelle aérogare, appelée à mettre fin aux « conditions africaines » des installations actuelles. L’aviation luxembourgeoise et l’aéroport en particulier vivent depuis plusieurs années des restructurations profondes - et elles sont loin d’être toutes des accidents. Une des plus importantes était sans doute en 1998, la transformation en catastrophe, sous menace des autorités américaines, du service ad hoc fonctionnant au ministère des Transports en Direction de l’aviation civile (DAC). Il s’agissait de remédier à une situation où « les compétences de l’autorité chargée de l’aviation civile, faute de moyens, se limitaient au strict nécessaire », selon le projet de loi qui a donné par après une réelle base à la nouvelle DAC. Depuis, se reposant sur des experts étrangers, elle essaie de se hisser à niveau. Le prochain rapport sur l’accident du 6 novembre 2002 d’un vol Luxair répondra d’une manière de savoir ou d’une autre aussi à la question si la mue a réussi. En attendant, d’aucuns appellent la DAC soit une entreprise familiale soit une monarchie héréditaire. Le premier attaché n’est en effet autre que le fils du directeur, Henri Klein. Une situation laissant une impression de népotisme qui mettra un jour, peut-être bientôt, très mal à l’aise un ministre du Transport - qui expliquera alors qu’il n’y est pour rien. Avec l’arrivée de Lux-Airport, le nombre d’acteurs publics au Findel est entre-temps monté à trois : outre la nouvelle société anonyme et la DAC, logée au ministère du Transport, aussi l’Administration de l’aéroport. Les changements les plus fondamentaux concernent cependant un quatrième acteur : la compagnie d’aviation Luxair. Marc Faber, un ancien de la Chambre de commerce depuis début 2002 directeur de Lux-Airport, parle néanmoins d’une « atmosphère jusqu’ici très coopérative et nous avons été bien accueillis par les autres acteurs du Findel ». L’Administration de l’aéroport est en charge du volet technique de l’aéroport, de l’état de la piste au fonctionnement de la tour de contrôle et de la station météorologique. La nouveauté est que l’État a transféré l’exploitation de ses immeubles au Findel à la Lux-Airport. Sous la ministre Mady Delvaux (LSAP), il était encore prévu de créer un établissement public. Sous l’impulsion de Henri Grethen (DP), l’option de la s.a. a finalement été retenue. C’est ainsi Lux-Airport qui signe responsable pour les grands chantiers du Findel, même si elle les a en partie hérités dans un état avancé : le terminal pour les petits avions commerciaux, la nouvelle aérogare, un parking sous-terrain de 4 000 emplacements, un terminal pour l’aviation d’affaires (comprenant un salon VIP utilisé par les hôtes du gouvernement) ou encore une centrale de cogénération d’électricité et de chaleur. Bien que société de droit privé, son directeur précise que « Lux-Airport ne peut pas être considérée comme indépendante de l’État. Nous transposons en fin de compte la volonté politique de notre actionnaire. » Le conseil d’administration, composé de fonctionnaires, est présidé par Paul Schmit du ministère du Transport. L’État est de même fortement impliqué dans le financement des différents projets. « Notre métier de base, explique Marc Faber, sera l’exploitation de l’aérogare. » C’est le plus grand changement. Jusqu’ici, l’État était certes le propriétaire de l’aérogare, mais l’exploitation était confiée à Luxair, aussi principal utilisateur. Une situation qui arrangeait très longtemps tout le monde. Les règles européennes exigent cependant entre-temps plus de transparence de même qu’une réelle égalité de chances pour toutes les compagnies aériennes actives à un aéroport. Luxair sort a priori perdante de cette nouvelle distribution des cartes. Le parking, avec ses revenus, ne tombe ainsi plus sous la responsabilité de la compagnie aérienne. D’autres services, par exemple le restaurant de l’aérogare ou le magasin tax free, seront désormais soumis à de nouvelles règles. Il est cependant peu probable que Lux-Airport veuille s’en occuper elle-même. « Certains volets de l’exploitation de la nouvelle aérogare seront attribués après soumission publique à des tiers, explique le directeur. Le premier appel d’offre concerne le nouveau restaurant. Nous voulons savoir qui l’exploitera avant de planifier la cuisine, par exemple. » Chez Luxair, on n’a pas d’autre choix que d’accepter la nouvelle donne : « Sur beaucoup d’activités, nous avions une concession ou étions les sous-traitants et bénéficions d’un monopole, explique Marc Gerges, porte-parole de Luxair. Cette époque est maintenant révolue, mais nous voulons, en principe, rester aussi présents que possible dans l’aéroport. » Luxair participera a priori à tous les appels d’offres pour des services que la compagnie assurait jusqu’ici - si les conditions pour une exploitation profitable lui semblent réunies. L’opérateur national a cependant déjà souffert une première défaite sensible : l’exploitation du nouveau terminal d’aviation d’affaires, à construire, lui a échappé face à un concurrent allemand. Pour la compagnie aérienne, la perte de certains privilèges n’est pas nécessairement directement une perte nette d’un point de vue des revenus. Cela lui enlève surtout une certaine flexibilité dans ses relations avec ses clients. L’exemple type est le parking. En tant qu’exploitant, Luxair pouvait offrir à ses clients Luxair Tours le stationnement gratuit pendant leurs vacances. Maintenant, il faudra payer Lux-Airport pour ces places. Puisque la zone sera de toute façon réduite pendant le chantier de l’aérogare, une solution provisoire sur un autre terrain plus proche de Sandweiler (nécessitant des navettes) a été trouvée. Après la mise en service du nouveau parking souterrain, il faudra à nouveau négocier. D’ici là, beaucoup de travail attend encore Lux-Airport. Pour l’instant l’équipe est limitée à cinq personnes. C’est possible parce que la gestion des chantiers « petits porteurs » et de la nouvelle aérogare a été confiée à des bureaux externes spécialisés. « En ce qui concerne le volet gestion de projets et marchés publics, nous avons déjà beaucoup appris, estime Marc Faber. Pour le volet ‘exploitant d’un aéroport’, beaucoup reste par contre à faire. Nous allons profiter du temps de construction de l’aérogare pour acquérir ces compétences. » La taille exacte de l’équipe en 2007 ou 2008, quand la société atteindra sa vitesse de croisière, est difficile à prédire. Tout dépend du degré de sous-traitance que la société décidera. Une chose est sûre, avec la nouvelle aérogare, de nouveaux emplois seront créés. Lancée vraiment qu’en 2003, Lux-Airport est un des rares acteurs du Findel à échapper aux polémiques autour de l’accident de 2002. Sur d’autres dossiers, il est peu probable que la société ait autant de chance. Ça commence avec les conflits autour des procédures « commodo » pour les nouvelles constructions, dont Lux-Airport a hérité. Le terminal « petit porteur » fait ainsi toujours l’objet d’un recours du Mouvement écologique devant le Tribunal administratif. Pour d’autres projets, il est indispensable que le fameux POS (plan d’occupation du sol) du Findel soit d’abord adopté par le gouvernement. Il y a donc fort à parier, peu importe les bonnes volontés de l’équipe,  que les passions que peut déclencher l’aéroport au Luxembourg rattraperont aussi tôt ou tard Lux-Airport – ne serait-ce que parce que, comme cette semaine, des chevreuils se baladent dans l’enceinte. Lux-Airport est, outre le concept de sécurité, aussi en charge de la clôture du site.

Jean-Lou Siweck
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