Ce dimanche

Référendum

d'Lëtzebuerger Land vom 05.06.2015

Ce dimanche, ce n’est pas barbecue, ce n’est pas jogging, ce n’est pas piscine, ce n’est pas city shopping. En tout cas, ce n’est pas que cela. C’est référendum. Pour ceux qui ont le droit de voter, évidemment, donc quartier libre – peut-être pour la dernière fois – pour les moins de 18 ans et les étrangers. Les trois questions posées concernent, cette fois-ci, des sujets un peu moins techniques que la ratification d’un traité européen d’une bonne centaine de pages. Le rapport entre ces trois questions ne semble pas évident, mais chacun devrait pouvoir se faire une opinion personnelle à leur sujet, indifféremment des convictions politiques. Ce qui est toujours l’occasion des débats les plus passionnés : « Beatles ou Rolling Stones ? », « Messi ou Ronaldo ? », « Boîte manuelle ou boîte automatique ? ». Il n’y a sans doute pas de vérité absolue, donc autant se rallier à l’avis de la majorité.

Dans l’histoire des référendums, si l’on regarde chez nos voisins, on s’aperçoit que les consultations populaires ont été assez variées : Faut-il adopter le russe comme langue officielle ? (Lettonie, 2012, rejeté) Faut-il supprimer l’armée ? (Suisse, 1989, rejeté) Peut-on interdire le Parti Communiste ? (Australie, 1951, rejeté) Devrait-on interdire l’usage des voitures un dimanche tous les mois ? (Suisse encore, 2003, rejeté) Faut-il limiter la construction de résidences secondaires ? (Suisse toujours, 2012, accepté) Faut-il remplacer la monarchie par une république ? (Luxembourg en 1919, bien sûr, mais aussi Australie en 1999, rejetés tous les deux). Certaines fois, on s’est repris à plusieurs fois pour vérifier si les électeurs n’avaient pas changé d’avis (les Irlandais ont d’abord dit non au traité de Lisbonne en 2008 avant de l’approuver en 2009).

En effet, comme toute question qui appelle une réponse par oui ou par non, il est probable que la personne qui pose cette question aura une influence non nulle sur la réponse. On pensera par exemple au plus classique des référendums, « voulez-vous m’épouser ? » qui requiert l’unanimité des suffrages exprimés, même si le corps électoral y est par nature réduit. Pour le référendum du 7 juin, à part les élus qui sont susceptibles de ne plus cumuler les mandats, on pourra d’ailleurs noter que ce ne sont pas les plus concernés par le changement qui vont donner leur avis, mais que cela n’influencera pas forcément le résultat. Ainsi, en 1992, seuls les blancs ont pu répondre à la question sur la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, ce qui n’a pas empêché le « oui » de l’emporter. De même, on peut raisonnablement penser qu’il n’y a pas que des homosexuels qui ont été favorables à l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe lors du récent référendum irlandais.

Le point sur lequel le référendum de dimanche aurait pu sembler, par contre, être amélioré, concerne les questions posées. Quitte à se déplacer aux urnes et à avoir droit aux analyses électorales et à de longs articles, autant poser des questions qui intéressent vraiment le peuple. Par exemple : « Faut-il interdire les selfies sticks (ces dispositifs pour portables insupportables, destinés aux gens dont les nombreux amis sont malheureusement trop éloignés pour les prendre en photo) ? » Ou encore plus d’actualité, « Êtes-vous satisfaits de la réorganisation des autobus en vigueur depuis lundi dernier ? » Au vu de l’état des usagers errants à la recherche du bon arrêt entre le boulevard Royal, l’avenue Monterey et Charly’s Gare, tels des zombies désorientés dans un remake grand-ducal de Walking Dead, on peut douter que l’issue soit très satisfaisante.

Pourtant, à bien y réfléchir, c’est sans aucun doute un coup de génie des autorités politiques : en créant un réseau de transport apparemment dénué de toute logique, on crée les conditions d’une acceptation massive par la population du futur tracé du tramway, qui sera ainsi vécu comme une amélioration grandiose des conditions de transport. On peut juste déplorer qu’il reste quelques bus directs entre la gare et le Kirchberg, alors qu’ils auraient tous pu transiter par le P+R Bouillon ou le Rollingergrund. À part ce bémol, tout semble avoir été parfaitement orchestré pour aboutir au chaos le plus parfait : les plans distribués à l’avance ont été soigneusement rendus incompréhensibles, comme cela a été salué par un site Internet spécialisé dans l’analyse de plans de réseaux de transport (tout le monde ne passe pas son temps à faire des selfies ou à liker ceux de ses amis, il y a aussi des personnes pour qui les plans de métro sont une passion, chacun sa drogue…). Certaines lignes ont gardé le même numéro et le même terminus, mais en modifiant subtilement leur parcours, ce qui interdit par exemple dorénavant aux usagers de la ligne 16 de descendre à Bonnevoie, ce qui constitue toujours une surprise désagréable quand vous vous rendez compte que le chauffeur en train de prendre la bretelle d’autoroute ne vous laissera pas descendre à moins d’un kilomètre de votre domicile. Des arrêts ont été déplacés, histoire de favoriser l’exercice physique des habitants, de préférence aux endroits déjà les plus fréquentés (gare, boulevard Royal), pour contribuer à tisser du lien social entre victimes. Et, cerise sur le gâteau, la promiscuité des occupants comprimés dans chaque véhicule est rendue encore un peu plus insupportable par les températures estivales.

À part ça, dimanche, vous pouvez prendre le moyen de transport de votre choix pour aller voter.

Cyril B.
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