Art contemporain

Millefeuille

d'Lëtzebuerger Land du 08.06.2018

Paul Kirps travaille toujours par trames et par grilles, juxtapose les aplats de couleurs, assemble des images mentales. Sa nouvelle exposition chez Nosbaum-Reding Projects est dans la continuité de son travail ardu, mais se termine par une note plus libre

Cette rencontre-là devait avoir lieu. Entre l’artiste Paul Kirps et le galeriste Alex Reding, tous deux épris de formes pures, de complexités géométriques, d’écriture. On se demande juste pourquoi cela a tant tardé. Alors voilà, c’est fait, avec cette première exposition à l’espace Projects de la galerie du Fëschmaart.

Un petit retour en arrière s’impose néanmoins pour dire l’impatience d’en arriver là et la satisfaction de Paul Kirps. Poulain de Marie-Claude Beaud, il émergea en 2005-2006, ce qui lui a ouvert la voie de l’Amérique avec l’acquisition d’une de ses œuvres par le Moma. Certes entre temps, Kirps est passé au grand format dans l’espace public. On citera juste des œuvres récentes : peinture murale à l’intérieur du bâtiment administratif de l’École européenne II (EE2, commande de l’Administration des bâtiments publics), façade du bâtiment provisoire de la Commission européenne au Kirchberg (Global Village) commande du Fonds Kirchber, établissement public pour le siège duquel il a réalisé une autre œuvre, 54 pièces graphiques sur les 54 faces intérieures des stores du bâtiment, une œuvre cachée donc. Paul Kirps aime, de manière générale, cultiver le mystère, comme les titres même de ses expositions : Signals en 2014 à la galerie l’Indépendance de la Bil et, encore à voir jusqu’au 15 juin, Track (avec le graphiste Spike) chez GSK Stockmann.

L’exposition à la galerie Nosbaum-Reding Projects s’appelle Telemark, comme télécommande (on se souvient de ses travaux sur les objets électroniques liées au son et à l’image) et Mark, comme numéro de fabrication en série. C’est aussi le nom d’une fixation norvégienne utilisée sur les skis et voici donc un paysage de montagne, que l’on voit littéralement dans l’exposition (Mineral), qui signifie pour lui que son travail est aussi difficile, têtu et planifié que celui de l’alpiniste en ascension…

On retrouvera cette aridité de la pierre (à l’exposition de la Bil, c’était le monde végétal sous la forme d’un philodendron stylisé) comme une sorte de sous-texte tout au long de l’exposition, tout comme la grille du tapis de découpe. Ne pas oublier en effet que Paul Kirps, le peintre a une formation de graphiste. Autre métaphore, qui peut surprendre le visiteur, que de se retrouver, dès l’entrée de la galerie, face à des grilles de transfert. Elles sont adossées les unes aux autres, mais ce serait une erreur de croire qu’elles sont à vendre.

Alors quid des œuvres ? Telemark, c’est une vingtaine d’œuvres sur tapis de découpe montés sur bois (certains ayant servi dans l’atelier avec des marques d’usure, des taches, d’autres neuves) et des couches d’aplats d’acrylique, pour la plupart aux angles nets, parfois arrondis. Les couleurs sont simples : rouge, blanc et bleu, jaune vert et blanc, orange bleu et ocre. Quand Kirps utilise le noir, ce qui suggère des ombres, les formes architecturales qui en découlent sont certainement un leurre.

Car il s’agit bien ici et uniquement d’un travail en 2D, abstrait et conceptuel. Si relief il y a, c’est, comme on l’a vu au départ, pour suggérer l’aridité de la matière minérale des montages (transfert de toner sur toile). Une seule œuvre diffère de l’élaboration quasi mathématique : Sunrise, est un diptyque de format horizontal sur bois, où la forme du relief apparaît vraiment. C’est la partie non peinte, laquelle est auréolée de lignes rappelant l’arc-en-ciel… une métaphore du nouvel état d’esprit de Paul Kirps lui-même ?

L’exposition Telemark de Paul Kirps, à la galerie Nosbaum-Reding Projects, dure encore jusqu’au 22 juin ; ouvert du mardi au samedi de 10 à 18 heures ; 4, rue Wiltheim, Luxembourg-ville ; www.nosbaumreding.lu et http://paulkirps.com

Marianne Brausch
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