Régularisation des « sans-papiers »

Déblocages

d'Lëtzebuerger Land vom 24.01.2002

Les journalistes commençaient à fermer leurs blocs-notes et leurs stylos, voulaient embobiner leurs câbles de micro, mettaient leurs vestes, devenaient impatients. Calmement, le ministre de la Justice, Luc Frieden, installa devant soi les micros rouges, bleus ou noirs des radios et de la télévision. « Bien. S'il n'y a plus de questions, je tiens à profiter de l'occasion pour lancer un appel à tous ceux dont les dossiers ont été refusés de quitter le pays de leur plein gré. Repartir volontairement est le seul moyen pour éviter une expulsion. » Et de continuer : « le gouvernement a décidé de faire appliquer ses décisions d'expulsion, s'il le faut par la force ; c'est notre seul moyen de faire appliquer les lois sur l'immigration et le séjour au Luxembourg. Sans ces sanctions, la procédure de régularisation ne ferait aucun sens. » 

Pour la première fois depuis le début de la procédure de régularisation, au printemps 2001, Luc Frieden avait accompagné le ministre du Travail et de l'Emploi, François Biltgen, pour une conférence de presse de bilan de cette régularisation, points d'information que François Biltgen faisait régulièrement. Et ce lundi 21 janvier, au sortir d'une réunion avec des représentants des ONGs regroupées dans la Plate-forme de régularisation, François Biltgen put à nouveau faire part d'avancées considérables. 

Car si en novembre 2001 encore, six mois après la clôture des dépôts de dossiers à la Cellule de régularisation, beaucoup de problèmes persistaient toujours - de nombreux demandeurs n'avaient pas encore leur passeport, les patrons se plaignaient d'une inadéquation entre l'offre d'emplois dans leurs secteurs respectifs et le profil des demandeurs - les nouvelles étaient nettement meilleures lundi. Ainsi, sur les 1 544 dossiers représentant 2 856 personnes, la moitié a été clôturée, 628 personnes ayant même déjà trouvé un emploi (contre 319 en novembre dernier ; 109 refus de régularisation concernant 218 personnes). 

Ces emplois sont surtout créés dans les secteurs fortement demandeurs de main d'oeuvre, à savoir la construction (152 personnes), l'hôtellerie et la restauration (152 personnes) ainsi que les services de nettoyage, soit dans des entreprises (62 personnes) ou auprès d'employeurs privés (29 personnes). L'agriculture, rangée parmi les secteurs potentiellement demandeurs, a offert 21 postes, dont seulement une dizaine d'ouvriers en agriculture, les autres travaillant dans l'horticulture.

Comme par le passé, François Biltgen joue la carte de l'ouverture et veut faire preuve de toute la bonne volonté, de tout l'engagement social du gouvernement. Ainsi, aussi bien le ministre que les fonctionnaires de la Cellule de régularisation s'attacheraient à trouver des solutions pratiques à tous les problèmes ponctuels encore rencontrés. 

Franco Barilozzi, ayant assisté à la réunion en tant que représentant du Clae (Comité de liaison et d'action des étrangers) et, par là, de la Plate-forme de régularisation, acquiesce : « C'est vrai, en général, la Cellule travaille bien, nous avons un bon contact, bien qu'on aimerait parfois que cela aille plus vite. » Pour le ministre, le Luxembourg garde néanmoins une large avance sur la Belgique, souvent citée en exemple. Deux ans après l'adoption de la loi qui y régularisait les sans-papiers, tous les dossiers n'étaient même pas encore traités en octobre dernier. Il est vrai aussi qu'en Belgique, il y avait 36 800 demandes.

Si François Biltgen veut faire preuve de largesse et d'ouverture d'esprit, Franco Barilozzi toutefois regrette l'absence de flexibilité du ministère sur certains points, notamment les exigences en matière de contrats de travail. Ainsi, il faut un contrat de travail d'un an au moins, emploi qui soit en plus rémunéré du salaire minimum - « pour que ces personnes en voie de régularisation ne soient pas exploitées, elles n'oseraient certainement pas réclamer, » fait remarquer le ministre. Pour l'homme de terrain, ces emplois sont de plus en plus rare, il faudrait peut-être aussi permettre le cumul d'emplois à temps partiel, dix heures par-ci et dix heures par-là. Un cas de figure qui se présenterait avant tout dans le domaine des ménages par exemple. 

En plus, les anciens clandestins n'ont pas le droit de démissionner durant la première année, sous peine de perdre leur permis de travail. Pour le Clae, cette clause est injuste, car dans l'urgence, les candidats à une régularisation acceptent le premier emploi qui leur est offert, mais avec le temps, ils auraient peut-être une possibilité de décrocher un job qui corresponde plus à leur formation ou à leurs capacités, mais ils n'auront alors plus le droit de changer, au moins durant un an. Les employeurs par-contre peuvent licencier, le demandeur d'emploi pouvant alors changer de patron ; dans ce cas, la garantie bancaire ne devrait plus être déposée.

Si le travail des cas-types a avancé assez rapidement, ce sont maintenant les dossiers plus compliqués qui doivent être réglés au cas par cas. « Nous constatons dans cette procédure que la législation de 1972 sur le séjour des étrangers devrait être d'urgence réformée, notamment en ce qui concerne le regroupement familial » constate Franco Barilozzi. « La législation actuelle crée toujours de nouveaux sans-papiers. »

François Biltgen pour sa part informera les membres de la Commission juridique de la Chambre des députés la semaine prochaine, mais il a déjà été convenu que la Cellule de régularisation sera prolongée au-delà du 1er mai 2002. Un débat d'actualité sur toute la procédure de régularisation devrait avoir lieu cette année encore au parlement. 

josée hansen
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