Let’s talk about sex, baby

d'Lëtzebuerger Land du 10.06.2022

Une femme blonde en tutu rose se promène dans les rue de New-York, quand tout un coup, un bus vient l’éclabousser… On est en 1998 et la célèbre Carrie Bradshaw accompagnée de ses trois copines apparaissaient sur les écrans dans la série devenue culte Sex and the City. Si aujourd’hui la série a quelque peu vieilli, embourbée dans des adaptations cinématographiques sans fin et sans grand intérêt, les quatre copines ont tout de même réussi à porter à l’écran de manière explicite le sujet brulant de la sexualité et du désir féminin. Le sujet est abordé sous quatre angles différents, correspondant à la personnalité de chacune des protagoniste. Samantha est la plus extravertie et franche sur sa sexualité débridée, tant avec des partenaires en chair et en os qu’avec de nombreux jouets, dont elle n’hésite pas à vanter les louanges. La série a alors littéralement fait exploser les ventes des répliques de cet adjuvant le plus célèbre : le Rabbit !

Pour ceux qui l’ignorent encore, le Rabbit est un objet en silicone, muni de deux oreilles le faisant ressembler à un lapin dont la fonction principale est de donner du plaisir aux femmes. La série a mis sur la table un sujet encore largement tabou. Elle a été suivie depuis lors par un mouvement de libération de la parole des femmes sur leur sexualité et leur plaisir. Là dessus, la pandémie et les confinements successifs ont littéralement fait exploser les ventes de sex-toys, tant pour madame que pour monsieur et pour les couples de toutes les configurations possibles : les chiffres ont été multipliés par trois dans le monde en 2020. Selon une étude de l’IFOP, la proportion des utilisateurs en France a dépassé la barre symbolique des cinquante pour cent en 2020 (51 pour cent exactement).

Retour sur un phénomène jouissif qui puise ses sources à l’ombre des Pyramides. Il semble que c’est à la célèbre reine d’Égypte Cléopâtre que l’on doit la création du tout premier vibromasseur. Selon les experts de la reine, elle avait recours à un rouleau de papyrus qu’elle faisait remplir d’abeilles afin de profiter du bourdonnement. Après cette première création, on perd toute trace de jouets pour satisfaire le plaisir féminin jusqu’à la fin du 19e siècle, lorsque le médecin anglais Joseph Mortimer Granville invente… le marteau de Granville ! Le nom ne fait pas rêver, on est d’accord, mais selon la légende urbaine il s’agissait d’un outil pour « soigner » les femmes atteintes d’« hystérie ». Sur cette invention les avis divergent largement et la grande spécialiste, l’historienne Hallie Lieberman a remis les pendules à l’heure dans un article publié dans le New York Times en 2020. Toute plaisante que soit l’idée selon laquelle des femmes allaient se faire soigner chez le médecin par la masturbation, le tout payé par leurs chers maris, cette version contribue à une vision de la femme n’est pas maître de son anatomie et de son plaisir et qu’une personne extérieure (ici le médecin) doit systématiquement intervenir. Le docteur Granville n’a pas inventé le vibromasseur pour le plaisir féminin, mais pour soulager d’autres maux. Accrochez-vous, ce sont en réalité les femmes elles-mêmes qui ont détourné cet appareil médical pour se procurer du plaisir ! Incroyable, mais vrai, les femmes sont en fait capables d’assumer leur sexualité et le plaisir qui en découle si on leur laisse la liberté de le faire. Il faudra ensuite attendre la révolution sexuelle dans les années 1930 pour que les sex-toys quittent le milieu médical pour les foyers. Il restera cependant longtemps caché au fond d’un placard ou du tiroir de la table de chevet, objet aux formes phalliques, qu’on cache aux yeux du monde.

Ce n’est qu’en 1983 avec l’invention du fameux Rabbit que le vibromasseur propose une stimulation interne ET externe ! Le monde découvre cette chose dont on a longtemps tu le nom: le clitoris ! Aujourd’hui et depuis maintenant près de vingt ans, la nouvelle révolution sexuelle est en marche, popularisée par des stars telles que la chanteuse Lilly Allen, les actrices Dakota Johnson, Emma Watson ou Gwyneth Paltrow qui proposent à la fois des messages forts pour inviter toutes les femmes à prendre le pouvoir de leur corps, de leurs plaisirs, sans culpabiliser. D’autres se sont même lancées dans la commercialisation de sex-toys et autres accessoires sexuels. Les sex-toys, il en existe maintenant sous tous les formes, à tous les prix, les tailles, les couleurs, connectés ou non, qui se jouent en solitaire, à deux ou plus. Des objets au design repensé (adieu monopole de la forme phallique) primé pour certains, à la technologie pointue et performante, que l’on arbore fièrement sur notre table de chevet, pour notre plus grand plaisir !

Mylène Carrière
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