« Take it or leave it » : C'est l'ultimatum lancé à la Grèce par les institutions

Négociation finale

d'Lëtzebuerger Land vom 19.06.2015

Dialogue de sourds Après quatre mois de négociations – paradoxalement à la fois « ultimes » et répétitives – l’enjeu actuel des pourparlers entre la Grèce et les institutions est une controverse concernant les retraites et les taxes : le gouvernement Tsipras refuse d’accepter la mesure exigée par les créanciers de diminuer encore les retraites et d’augmenter la TVA des médicaments et de l’électricité. Par ailleurs, que ce soit la Commission européenne ou le gouvernement grec, les uns démentent constamment les déclarations des autres et modifient leur position en fonction des interviews, comme s’ils ne participaient pas aux mêmes discutions, ou comme s’ils n’avaient plus d’objectif commun.

Évaluations relatives Pour évaluer une proposition ou les résultats d’une recherche, il faut au préalable évaluer les données sur lesquelles celle-ci est basée. Données qui proviennent toujours d’un champ de recherche prédéfini par le chercheur – il est normalement à la fois quantitatif, qualitatif et inscrit dans un contexte temporel. Ce qui signifie qu’une étude peut être considérée comme exhaustive ou, pire, comme objective par certains et instrumentalisée ou, pire, instrumentaliste par d’autres. Mais encore, un sondage, une mesure économique, une coupe budgétaire, peuvent être extrêmement bénéfiques selon un point de vue (par exemple mathématique) et insoutenables selon un autre point de vue (par exemple social). Finalement, ce qui est en train de se passer depuis l’élection du gouvernement Syriza est peut-être très simple. Les créanciers de la Grèce, dont certains sont ses partenaires européens, ne comprennent pas ce que dit le gouvernement grec – le vote du peuple grec en janvier – et le gouvernement grec refuse ce qu’exigent ses créanciers – la perpétuation de l’austérité. Reste que toutes les parties impliquées, des décideurs politiques et économiques aux peuples, semblent être arrivés au bout de leur patience et de leurs capacités.

Les suicides Si la psychologie du peuple grec a été décrite à plusieurs reprises au sein du Carnet grec, les études qui préciseront l’impact sur le long terme des bouleversements provoqués par la crise, par exemple l’augmentation de plus de 35 pour cent des suicides en Grèce après 2010 – évoqués même par Timothi Garton Ash, professeur à Oxford, dans un article récent publié par The Guardian – vont tarder. Il faut dire que les suicides, quel que soit leur nombre et même s’ils frappent notamment les « âges productifs » (et ensuite les retraités), pour utiliser la terminologie du marché, ne sont pas inclus dans les données sur lesquelles se basent les négociations. Ces données proprement humaines n’intéressent pas ceux qui, pour « sauver » un pays, travaillent avec et pour des chiffres – que leur raisonnement mathématique soit juste ou faux. Ce type de données constitue en effet pour les économistes les simples « dommages collatéraux » d’une guerre sociale qui, si elle n’a pas encore été déclarée officiellement, est dorénavant attendue.

« Take it or leave it » C’est l’ultimatum lancé à la Grèce par les institutions. Or, la situation actuelle est la preuve indéniable de l’échec du mémorandum et c’est la raison pour laquelle le gouvernement Tsipras persiste sur ses « lignes rouges » infranchissables. Les Grecs auxquels la Commission, le FMI et la Banque centrale européenne demandent une augmentation des taxes tout en diminuant leur retraite – 1,8 milliards de recettes attendus à travers la hausse de la TVA et 1,8 milliards à travers la diminution des retraites – n’ont, quant à eux, plus rien à perdre. Leurs comptes en banque sont vides – les milliards des riches déplacés dans des comptes à l’étranger et les petites sommes cachées sous les sommiers dans les foyers ne sont plus calculables. Or, quand l’une des parties n’a plus rien à perdre – ligne rouge du compte vide – et l’autre risque sa crédibilité même – car les effets d’un Grexit éventuel sur le développement de la monnaie unique ont été décrits par les plus grands économistes de la planète – on se demande alors qui a le choix réel. C’est probablement ce qui explique l’ambiance en Grèce : suicidaire ou indifférente.

Sofia Eliza Bouratsis
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