Chroniques de l’urgence

Jeunes femmes aux avant-postes

d'Lëtzebuerger Land du 13.08.2021

Lorsqu’elles ont fait irruption dans l’actualité comme avocates indomptables de l’action climatique, la Suédoise Greta Thunberg, l’Américaine Alexandria Villaseñor, l’Allemande Luisa Neubauer et la Belge Anuna de Wever (pour n’en citer que quatre) ont signalé la montée en puissance des jeunes femmes dans la lutte pour la survie de la civilisation humaine. Emily Atkin et Mary Annaïse Heglar, deux jeunes autrices américaines qui ont placé cette cause au centre de leur vie, fournissent la preuve qu’on assiste aussi dans le monde des médias à l’émergence d’un engagement féminin fort en faveur de la justice climatique.

Leurs démarches ne sont pas de tout repos. Fin juillet, Emily Atkin confessait aux lecteurs de sa newsletter Heated avoir souffert d’un burnout. En cause, un plan de carrière ambitieux où elle se voyait frappée de cette maladie du stress à cinquante ans, après avoir gravi les échelons du métier et décroché un prix Pulitzer à 45 ans. Or, c’est à 31 ans qu’elle y a eu droit. Et la bouillonnante jeune femme, native de New York et établie à Washington, de comparer sa démarche personnelle, fondée sur « une utilisation insoutenable d’énergie », au comportement des entreprises d’énergies fossiles, qui « minimisent et nient la douleur causée par l’extraction ». Conclusion : Sa newsletter, créée en 2020 et quasi-quotidienne jusque-là, deviendra hebdomadaire, ce qui lui permettra, espère-t-elle, de proposer de meilleurs reportages. Dans Heated, Emily Atkin se montre combative, capable tant d’aller sur le terrain et de rendre compte avec talent du combat d’activistes tentant d’empêcher la construction de l’oléoduc Line 3 dans le Minnesota que de pourfendre à chaud les manigances du lobby pétrolier dans la capitale fédérale.

Le combat de l’essayiste Mary Annaïse Heglar, une Afro-Américaine née dans l’Alabama, est centré sur le lien profond entre les injustices historiques et la crise climatique. Après avoir travaillé cinq ans au NRDC (Natural Resources Defense Council) comme directrice des publications, elle a fait une pause pour rejoindre l’Earth Institute à l’université de Columbia en tant qu’animatrice d’un nouveau programme explorant les points de jonction entre la science climatique et l’art en tant que moyen de toucher un public plus vaste. Heglar veut croire qu’au-delà des faits scientifiques, nécessaires mais insuffisants, les histoires personnelles et le storytelling émotionnel doivent aussi trouver leur place dans le combat pour le climat. « De notre côté, nous n’avons que les faits, En face, ils n’ont que des sentiments et des mensonges. Donc je pense que nous serions beaucoup plus forts en ayant des sentiments et des faits face aux sentiments et aux mensonges », avance-t-elle.

Aussi passionnées que déterminées, Atkin et Heglar ont déjà réussi à rafraîchir quelque peu le paysage médiatique consacré à l’action climatique, qui reste embryonnaire, et à faire en sorte que ceux qui s’y engagent se sentent un peu moins seuls.

Jean Lasar
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