Petits partis

Positionnement

d'Lëtzebuerger Land vom 23.09.1999

La relation entre les élections communales du 10 octobre prochain et les élections législatives de juin dernier est toute relative. Les élections communales se définissent avant tout comme autant de scrutins locaux plus ou moins indépendants les uns des autres. Dans les désormais 32 communes où le vote se fait par listes - Kopstal, Mondorf-les-Bains, Roeser, Schuttrange et Steinfort en font dorénavant partie -, la donne est cependant plus ambiguë. Pour les partis politiques, il s'agit de déterminer, avec le concours des sections locales, les listes à présenter. Les " grands " partis PCS, PDL et POSL bénéficient - à l'inverse des Gréng, de La Gauche et de l'ADR - d'un appareil logistique important Ces partis sont des " partis traditionnels ", leur présence à travers les sections locales est quasiment assurée sur le territoire national. Ainsi, ils n'ont, a priori, pas rencontré trop de problèmes pour présenter des listes complètes dans toutes les communes concernées (à l'exception de la commune de Kopstal où le POSL parraine une liste d'ouverture intitulée " Är Equipe "). Il en va tout autrement des " petits " partis Déi Gréng, Déi Lénk et ADR qui ne possèdent ni d'un appareil de parti important ni d'un véritable réseau de sections. Ainsi, les Gréng - pour lesquels il s'agit de la troisième véritable participation à un scrutin local - ne présentent des listes que dans 19 communes sur 32, l'ADR dans 18 communes et l'alliance entre le Parti communiste et la Nei Lénk, Déi Lénk, n'est présente que dans huit communes. La participation ou non d'un ou de plusieurs de ces partis dans telle commune est finalement purement aléatoire, le seul fait déterminant étant celui de rassembler assez de personnes pour constituer une liste, soit-elle partielle. Le fait que les Gréng sont absents du scrutin à Pétange, où ils comptent actuellement deux élus ; que l'ADR n'a pas réussi à composer une liste à Walferdange où le parti siège au conseil communal souligne cette situation. Aucun des trois partis n'a ainsi réussi, malgré les confirmations sur le plan national, de s'imposer véritablement au niveau local. L'absence de ces partis, qui ont connu des succès relatifs lors des élections législatives, dans des communes où la structure socioprofessionnelle devrait à première vue leur être favorable, peut ainsi être considérée comme échec. Ainsi, Déi Gréng connaissent, faute d'adhérents, des problèmes pour se positionner dans les agglomérations ceinturant la capitale telles que Bertrange (où Déi Gréng ont recueilli 8,99 pour cent des votes lors des élections législatives), Kehlen (11,44), Niederanven (8,56), Roeser (10,32), Schuttrange (10,07), Steinsel (8,78) ou encore Walferdange (9,64). À Kopstal (10,67), les Gréng ont connu toutes les peines du monde pour constituer une liste qui finalement n'est pas complète ; le scénario est le même à Junglinster (9,74) où les Verts comptent cependant trois élus. Certains adhérents des Gréng ont ainsi dû trouver refuge sur des listes indépendantes dans différentes communes, à l'exemple de la Alternativ Lëscht à Kehlen. Lors des dernières élections communales, les Verts s'étaient encore présentés sous le sigle Gap-Glei - une alliance avec le mouvement éphémère de Jup Weber. L'échec de cette alliance ne s'est cependant répercutée que sur le mouvement de Weber et après la bérézina de la nouvelle formation de ce dernier aux législatives de juin, les Gréng, sans véritable concurrence, avaient toutes les cartes en main pour ratisser large lors des communales. Ce d'autant plus que, et le programme cadre pour les élections locales le prouve, leur idéal politique se trouve dans la proximité et se concentre, au-delà du slogan du développement durable, sur un ancrage local de valeurs défendues. Mais il s'agit là d'une approche programmatique qui se retrouve, en fin de compte, aussi chez d'autres partis tels que, partiellement, le POSL et surtout Déi Lénk. Déi Lénk souffrent toujours de la scission intervenue au sein du mouvement communiste avant les élections communales de 1993. À l'époque, des divergences au sein du parti communiste (PCL) avaient fait naître le mouvement Nei Lénk. En 1993, les deux partis présentaient leurs propres listes, avec pour résultat que la mouvance communiste perdait en tout six sièges et n'est actuellement présente que dans les conseils communaux de Differdange et de Rumelange (PCL) ainsi que d'Esch-sur-Alzette et Sanem (Nei Lénk). Réunis à nouveau sous le sigle de Déi Lénk - qui n'est pas une pure alliance électorale, mais un nouveau départ pour la gauche selon les responsables - depuis le début de l'année, il faudra certainement encore du temps pour que les vieux antagonismes qui avaient provoqué la scission du PCL soient survécus. Pour l'instant, plusieurs listes de Déi Lénk en ont fait les frais, à commencer par Bascharage où la section locale du PCS a refusé de faire liste commune avec des candidats de la Nei Lénk. Résultat des courses, Déi Lénk n'y présentent pas de candidats et le PCL local appelle à voter pour le POSL en échange de quelques postes dans les commissions communales. À Esch-sur-Alzette, la liste était incertaine jusqu'au dernier moment à cause d'une exclusion demandée à l'encontre d'un membre du PCL, mais finalement les choses se sont arrangées " pour la cause ". Tel n'a pas été le cas à Sanem où la liste ne comporte aucun membre du PCL à cause d'une exclusion à l'encontre d'un des leurs demandée par la Nei Lénk. Déi Lénk se distingue cependant par un autre phénomène, celui de la régénération - ce qui pourra aider à dépasser les vieilles rancunes. Le nombre de jeunes sur les listes de La Gauche est important. Cela peut s'expliquer par un intérêt à nouveau croissant de la jeunesse à la politique, mais une certaine lassitude chez les " anciens " du PCL et, à un degré moindre, de la Nei Lénk n'y est pas étrangère non plus. Ce qui explique aussi l'absence - remarquée - de candidats de la gauche dans des communes où elle est historiquement ancrée, telles que Mondercange, Dudelange, Schifflange ou Kayl. Quant au programme cadre pour les communales de Déi Lénk, il n'y a pas de surprise. Celui-ci s'appuie en grande parti sur leur programme national, selon la devise que le but poursuivi reste le même, qu'il soit recherché au niveau international, national ou local. Cependant, le mouvement de la gauche est le seul, même si le POSL fait des premiers pas dans la même direction, a vouloir imposer la politique communale comme contrepoids à la politique gouvernementale. Ce qui a provoqué l'ire du Luxemburger Wort qui y voit une opposition extraparlementaire destructive. Reste l'ADR qui, fort de son aura de mouvement contestataire, n'arrive toujours pas à s'imposer dans les communes. Son problème est qu'il est né autour d'une revendication unique, le même système de pension pour tout le monde, qui de surcroît ne peut se réaliser uniquement au niveau national. Lors des élections de 1993, l'ADR avait ainsi essayé de jouer la carte de la xénophobie pour diversifier son contenu programmatique, mais connut un partiel échec. Cette année l'ADR semble essayer, à écouter leurs premiers spots électoraux (le programme cadre de l'ADR ne sera présenté que demain et est tenu secret pour l'instant), de greffer sa politique nationale sur la politique locale. L'appareil étatique accusé de tous les maux se retrouve à merveille dans l'administration communale. La justice sociale a été obtenue dans le cadre des systèmes de pension grâce à l'ADR (sic !), l'ADR va garantir le retour de la justice sociale (sans la définir) au niveau communal... Le succès relatif de l'ADR lors des dernières élections communales est ainsi à considérer, faute de contenu programmatique, dans la popularité de leurs candidats - pour un grand nombre d'entre eux des transfuges d'autres partis où ils se sentaient injustement laissés sur la touche - et leur image de parti populo-contestataire. Ce qui ne suffit définitivement pas pour s'imposer, le résultat de l'ADR aux élections européennes l'a déjà clairement démontré. La grande différence entre les élections de 1993 et celles de 1999 réside dans le fait qu'il y a six ans, le scrutin communal était le précurseur des élections législatives, tandis que cette année, il se situe à peine quatre mois après l'échéance législative. Que les élections communales soient pour autant, comme d'aucuns le pronostiquent, une première occasion pour marquer un désaccord avec la nouvelle politique gouvernementale, ne sera que partiellement vrai. Ainsi, le moratoire du plan hospitalier aura à coup sûr des répercussions dans la région du Sud et surtout à Dudelange, l'enterrement du BTB influera le vote dans la région de la capitale, l'abolition de l'impôt commercial communal pourra jouer ci et là. Mais sinon, les attentes des gens se situent sur un autre niveau lorsqu'il s'agit d'exprimer son vote au niveau local ou national ; surtout lorsque le gouvernement n'est en fonction que depuis deux mois et n'a pas encore véritablement posé ses marques. Mais une présence qui n'est que partielle ne constitue a priori pas un désavantage. Lors des élections communales de 1993, sur cent électeurs ayant exprimé un vote, seuls 80 ont choisi un des partis traditionnels pour ce faire, en 1987 ils étaient encore 87. L'alliance verte entre Gap et Glei a ainsi réussi à décrocher au moins un mandat partout où ils présentaient des candidats, soit 24 élus locaux dans quinze communes. Reste, surtout pour les petits partis, la concurrence des listes plus ou moins indépendantes qui se sont constituées dans différentes communes et qui, bien souvent, empiètent sur leur électorat s'il ne s'agit pas de listes dissidentes des grandes formations politiques.

marc gerges
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