Mise en conformité Fatca

Un challenge de taille

d'Lëtzebuerger Land vom 21.04.2011

Avec le nouveau dispositif instauré par le Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca), les États-Unis ont l’intention de mettre en place un système de communication de renseignements à l’échelon mondial visant les contribuables américains, afin d’identifier ceux qui investissent au travers d’entités non américaines et ne déclarent pas aux États-Unis les revenus ainsi générés. La législation Fatca, entrant en application dès 2013, aura un impact sur les acteurs du secteur financier au niveau mondial et constitue un défi majeur pour les institutions financières luxembourgeoises aussi bien en termes de stratégie que de processus opérationnels et procédures qu’il va falloir adapter à Fatca.

Afin de lutter contre l’évasion fiscale des contribuables américains détenant des titres auprès d’institutions financières non américaines, le dispositif Fatca a été adopté le 18 mars 2010 dans le cadre du Hiring Incentives to Restore Employment (Hire) Act de 2010.

Pour rappel, depuis 2001, la plupart des banques renommées mondialement ont conclu des accords de type Qualified Intermediary (QI) avec l’Internal Revenue Service (IRS) – le fisc américain – afin d’identifier les contribuables américains détenant des titres américains et devant déclarer leurs revenus issus de ceux-ci. La réglementation Fatca, quant à elle, va bien au-delà des dispositions prévues par la réglementation actuelle, qui restera d’ailleurs en place. En effet, la réglementation Fatca couvre tant les revenus issus de titres non américains que ceux issus à la fois de titres américains et non américains, perçus par des entités étrangères dans lesquelles les contribuables américains ont un intérêt1 et qui ne faisaient pas l’objet d’un reporting en application des règles QI.

En août 2010, l’IRS a publié la Notice 2010-60 prévoyant des orientations initiales sur les dispositions que les banques et instituts financiers devront mettre en œuvre afin de respecter les règles Fatca. Cet avis est le premier élément destiné à assister les entités dans la mise en œuvre des systèmes et processus indispensables à la mise en conformité avec les nouvelles obligations de retenue à la source (withholding), de documentation et reporting induites par Fatca. Davantage de détails relatifs à la collecte d’informations ainsi qu’aux exigences d’exécution des due diligence sont attendus d’ici cet été.

Fatca représente un défi considérable pour les institutions financières non américaines. Les entités luxembourgeoises seront considérées soit comme 1. des institutions financières étrangères (Foreign Financial Institutions, FFIs), 2. des entités étrangères ne constituant pas des FFIs (Non-Financial Foreign Entities, NFFEs) mais tombant dans le champ d’application, ou 3. des institutions qui pourraient se trouver en dehors du champ d’application selon de probables dispenses devant être émises par l’IRS2.

Sont des FFIs selon Fatca les entités non-US engagées dans au moins l’une des activités suivantes:

- L’acceptation des dépôts dans le cadre d’une activité bancaire habituelle ou assimilée ;

- La détention d’actifs financiers pour le compte de tiers, comme élément prépondérant de son activité ;

- Dont l’activité principale est soit l’investissement, le réinvestissement ou l’achat et la vente portant sur des valeurs mobilières, des parts de partnerships, des matières premières, ou tout intérêt indirect ou dérivé dans ces instruments et produits.

Sur base de cette définition, les FFIs participant à Fatca incluent dès lors les banques non américaines, les dépositaires, les courtiers, les gestionnaires de fortune, les sociétés d’assurance et les fonds d’investissement (la mesure dans laquelle les fonds d’investissement seront touchés, si toutefois ils le sont, reste à préciser mais jusqu’à présent, il semble que tout contribuable américain – specified US person3 – étant un actionnaire ou un porteur de part d’un véhicule d’investissement devra faire l’objet d’un reporting).

Ainsi, selon Fatca, les FFIs participant à Fatca devront conclure des accords avec l’IRS aux termes desquels ils marqueront leur accord par lesquels ils s’engagent à remplir un certain nombre d’exigences en matière de reporting. Ils seront tenus de déterminer si les comptes en question constituent ou non des comptes américains (comptes4 financiers détenus par un contribuable américain – specified US person – ou par une entité étrangère détenue par un contribuable américain5) en obtenant suffisamment d’informations de la part des détenteurs desdits comptes. Ainsi, les FFIs participant à Fatca devront identifier les détenteurs de comptes américains et devront fournir, sur une base annuelle, un reporting électronique incluant notamment des informations relatives à leurs actifs ainsi que les noms, adresses et codes fiscaux (Tax identication number, TIN) de tous les contribuables américains, leurs numéros de compte, le solde de leurs comptes, les versements et retraits des comptes (américains et non américains). En outre, les FFIs participant à Fatca devront en premier lieu obtenir une décharge de la part de chaque détenteur de compte (si la loi du pays du FFI participant à Fatca le requiert ; le Luxembourg, par exemple), afin qu’ils soient en mesure de communiquer légalement les données clients requises aux autorités fiscales américaines. Dans un tel contexte, il semblerait que le secret bancaire sera levé et l’échange d’informations alors possible.

En termes de sanctions, à partir du 1er janvier 2013, les FFIs non participant à Fatca et les détenteurs de comptes américains encourront des sanctions. En effet, une retenue à la source de 30 pour cent sera appliquée sur tous les revenus de source américaine n’ayant pas conclu d’accord avec l’IRS. La retenue de 30 pour cent sera également applicable pour les personnes n’ayant pas signé de décharge, ainsi que sur les revenus de source américaine6 et les intérêts et dividendes provenant de la vente d’instruments générant de tels revenus à partir de sources américaines. Cependant, selon les clauses de conservation des droits acquis (grandfathering provisions), les paiements reçus sous certaines obligations toujours en suspens au 18 mars 2012 ne seront pas imposés. Cepen-dant, la date effective pour les nouvelles règles d’équivalence des dividendes couvre les paiements effectués à partir du 14 septembre 2010.

Comme ce fût le cas lors de la mise en œuvre du régime QI, les institutions financières Luxembourgeoises devront consentir des efforts très importants en vue de la mise en œuvre de Fatca. En effet, les renseignements et processus actuels déployés selon le régime QI ne suffiront pas pour identifier l’ensemble des comptes américains selon les termes du dispositif Fatca et de pouvoir communiquer à l’IRS toutes les données précises exigées. Les institutions financières luxembourgeoises qui ne souhaiteraient pas se mettre en conformité avec Fatca devraient tout d’abord envisager de se poser les questions élémentaires suivantes pour lesquelles il importe de savoir si elles ont l’intention de :

- garder les contribuables américains en tant que clients (directs ou indirect), auquel cas les institutions financières devront conclure des accords avec l’IRS afin de devenir un FFI participant à Fatca et devront adapter leur modèle opérationnel en conséquence

• inclure les titres américains dans leurs portefeuilles de produits destinés aux clients et/ou pour l’achat et la vente de titres pour leur propre compte, auquel cas les institutions devront conserver leur statut de QI et devenir un FFI participant à Fatca.

En outre, le choix d’exclure totalement les clients et les titres américains afin d’éviter de devenir un FFI participant à Fatca ne sera pas sans conséquences, notamment sur le modèle stratégique de chaque institution concernée, et représentera également un vecteur de risques ayant trait à la réputation de chaque institution concernée.

D’un point de vue back office, Fatca requiert la rédaction et la modification de procédures ainsi que l’établissement de systèmes capables de répondre aux exigences de documentation, de reporting, de traitement des revenus et de retenue à la source. En ce qui concerne le front office, Fatca implique la préparation d’instructions détaillées à destination des clients concernés.

Dans un contexte plus large, à l’échelle groupe, toute institution financière faisant partie d’un « groupe de sociétés au sens large »7 et incluant au moins une institution financière non américaine ayant signé avec l’IRS un accord de FFI participant à Fatca sera tenu d’appliquer Fatca.

De nombreux projets sont gérés essentiellement à partir des sièges des différents groupes et sont articulés autour des services piliers d’une banque (par exemple : gestion de fortune, banque d’investissement, banque d’entreprise et banque de détail). Afin d’intégrer les nombreux enjeux, de tels projets Fatca à l’échelle des groupes doivent tenir compte de chaque entité du groupe et de chaque fonction. Les entités luxembourgeoises sont ainsi confrontées, par exemple, à des questions spécifiques liées notamment aux services liés à des titres pour les fonds d’investissement et au rôle des agents de transfert dans l’assistance au réseau de distribution afin d’identifier le client final.

Fatca est dès lors un projet d’envergure mondiale ayant une dimension locale ; les spécificités du marché luxembourgeois ne doivent pas être sous-estimées. Les entités luxem­bourgeoises pourraient également envisager de former des groupes de travail locaux sur des questions spécifiques telles que le secret bancaire ou la protection des données.

Peu d’institutions financières luxembourgeoises ont suffisamment commencé à réfléchir et travailler sur le sujet de Fatca, et ce malgré les lourdes implications stratégiques et opérationnelles. Or, les institutions ont peu de temps pour adapter leur modèle d’entreprise et processus internes aux nouvelles exigences qui entrent en vigueur en 2013.

C’est pourquoi les entités luxembourgeoises devraient dès aujourd’hui envisager la constitution d’équipes en charge de ce projet afin d’appréhender au mieux les nouvelles exigences et d’effectuer une analyse d’impact de haut niveau, suivie par une analyse des écarts identifiés. Fatca ayant considérablement trait à l’opérationnel, l’implication d’équipes pluridisciplinaires, composées de spécialistes en matière de flux transactionnels, de reporting, de compliance, de systèmes IT, ainsi que d’un expert technique Fatca sans oublier un spécialiste Tax, est pré­conisée afin de combler toutes les lacunes identifiées, et surtout, y remédier.

1 Les entités étrangères dans lesquelles les contribuables américains ont un intérêt incluent les contribuables américains détenant toute action ou participation dans un véhicule d’investissement étranger ou plus de dix pour cent du capital d’une société
Christian Daws, Stéphanie Aknin, Christophe Wintgens
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