Clownwise

Comme une farce

d'Lëtzebuerger Land du 20.06.2014

Prague, de nos jours. Oskar (Didier Flamand) en est parti depuis plus de trente ans. Il est revenu, pour quelques jours, pour une représentation. Oskar est clown, un vrai, un blanc. La salle est pleine mais il ne voit que l’absence de Viktor (Jiri Labus) et de Max (Oldrich Kaiser). Parce qu’il y a trente ans, ils étaient trois. Oskar pensait qu’en revenant en République Tchèque, avec sa nouvelle épouse et partenaire de scène Fabienne (Julie Ferrier), ses anciens complices, sa famille et les médias oublieraient les obscures raisons de son départ et de son silence. Or, sa seule interview à la télévision tourne à l’interrogatoire, sa fille lui en veut et ses amis se détournent de lui. Trente ans, c’est long, on oublie des choses, on en rumine d’autres. Max est atteint d’un cancer qui menace sa petite vie paisible et confortable aux côtés de sa jeune épouse et leurs deux enfants. Viktor peine à contenir les errements de sa femme Sylva (Kati Outinen), qu’on croit d’abord fantasque avant que le nom d’Alzheimer soit prononcé par Viktor.

Car on croit d’abord beaucoup de choses, dans Clownwise, réalisé par Viktor Taus et coproduit par Tarantula Luxembourg. On croit ce qu’on nous raconte, que la vie est passée par là et que c’est le temps qui nous sépare. Que surtout, la poésie peut nous réunir. Et on aimerait y croire, vraiment, à cette poésie, universelle et pleine d’humour, au slapstick salvateur. Malheureusement, rien ne permet au scénario de prendre son envol. Il y a d’abord dans ce découpage indéchiffrable, incompréhensible, une vraie mise à distance qui sonne complètement hors de propos. De la plongée, de la diagonale, du fondu enchaîné... Cette mise en scène n’a rien d’absurde ou de comique, elle est tout simplement incompréhensible et on ne met pas longtemps avant de voir le cœur des personnages s’éloigner des nôtres. Lorsque l’on apprend les vraies raisons de l’éclatement du trio, il est déjà trop tard, la lassitude est installée.

Pourtant, les personnages sont grandioses, il y a dans ces trois clowns un émerveillement, une facilité à exploser le quotidien. Le film le touche du bout des doigts, comme la visite du jardin de Viktor avec son agent immobilier ou la tentative de dédramatisation de Max lors de sa seconde chimio. Mais ses séquences laissent un goût de calibrage et de réflexion redondante au vu des suivantes. On aurait aimé s’attacher, évidemment, à Sylva, dont on comprend le véritable rôle un peu tard, autrement que par la présence de tics de jeu stéréotypés. Clownwise reste là où il aurait du commencer, justement, à l’exploration de l’absurdité et en rire. Se moquer de la vraie vie et de ses maladies. Dommage alors d’en faire un tel pensum.

Marylène Andrin
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