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Ever Closer Union ?

d'Lëtzebuerger Land du 13.02.2003

En français, la notion d'une « Union sans cesse plus étroite », qui introduit les traités européens, n'a jamais fait un tabac. En anglais par contre, « ever closer Union » compte sans doute parmi les citations les plus connues du droit communautaire et, pour les eurosceptiques, parmi les plus dangereuses. Or, cette ère devrait venir à terme.

La semaine dernière, Valéry Giscard d'Estaing, président de la Convention sur l'avenir de l'Europe, a présenté des « suggestions » pour les seize premiers articles de la future constitution européenne. Ils définissent les objectifs de l'Union, les droits fondamentaux de ses citoyens ainsi que les compétences de l'UE. L'« Union sans cesse plus étroite » a disparu du texte. Les eurosceptiques ne seront cependant pas encouragés par le fait qu'on parle maintenant d'une Union « qui gère, sur le mode fédéral, certaines compétences en commun ». C'est la première apparition du « F-word » dans un traité européen.

Les premières réactions au sein de la Convention aux propositions de Giscard étaient mitigées. Les critiques les plus fortes sont venues du Royaume-Uni et des eurosceptiques. Instaurant les principes de base de l'Union, les articles tracent le rayon de ses compétences de manière très large. Ce ne sera cependant que dans une deuxième phase, lors de la rédaction du corps de la constitution, que l'étendue réelle des pouvoirs communautaires sera définie.

Parmi les déçus, on trouve aussi les avocats d'une délimitation stricte du rôle de l'Union et plus encore ceux qui espéraient que la Convention pourrait amorcer un retour de compétences vers les États membres. 

VGE propose de retenir dans la constitution trois types de compétences. Les exclusives sont réservées aux seules institutions européennes : union douanière, politique commerciale commune et politique monétaire (pour les pays de l'eurozone). 

Les compétences partagées n'appartiennent aux États membres qu'aussi longtemps que l'Union n'a pas légiféré elle-même. Elles couvrent, entre autres, le marché intérieur, la cohésion économique et sociale, la santé publique ou encore la protection des consommateurs. Parmi les grands acquis de la Convention européenne compte l'inclusion dans cette catégorie des questions de coopération judiciaire et policière. 

En troisième lieu, l'Union peut mener des « actions d'appui » dans certains domaines. Il s'agit notamment de l'emploi, de l'éducation ou encore de la protection contre les catastrophes. Son rôle est ici moins celui d'un législateur que celui d'un « think tank » et d'une centrale de coordination. 

L'Union conservera une certaine flexibilité dans l'interprétation de ces compétences. Pour les adeptes d'une Europe plus fédérale, les textes proposés par Giscard ont néanmoins trop tendance à fixer une fois pour toutes les pouvoirs de l'Union.

Le « praesidium » de la Convention continuera à présenter de manière régulière de nouveaux articles de la future Constitution au cours des mois à venir. Les 105 « conventionnels » peuvent alors introduire des amendements qui seront débattus en plénière. L'influence des uns et des autres dans ces débats reste toujours la grande inconnue des travaux de la Convention, première de son genre. Il s'agira en tous les cas du processus de rédaction d'une constitution le plus transparent jamais vu.

 

Jean-Lou Siweck
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