Brad Kahlhamer

Mystic Giverny

d'Lëtzebuerger Land vom 29.04.2010

Où en est la peinture dans la création contemporaine ? Qui détient les meilleurs peintres aujourd’hui ? L’Europe ou les États-Unis ayant repris le flambeau depuis les années 1950 ? Le livre d’Annie Cohen-Solal paru en 2000 était intitulé Un jour ils auront des peintres. L’avènement des peintres américains Paris 1867- New York 1948. Les peintres américains sont aujourd’hui représentés en force et détiennent les cotes les plus hautes du marché. Une nouvelle veine picturale est en train de s’ouvrir et de se développer de l’autre côté de l’Atlantique, notamment à New York, une peinture fraîche, trans-culturelle, à la fois ancestrale et hyper-contemporaine, dont un exemple représentatif est visible actuellement à la galerie Nordine Zidoun avec le Solo Show de l’artiste américano-indien Brad Kahlhamer représenté par Deitch Projects à New York. La peinture du futur ? En tout cas il s’agit bel et bien une peinture du présent.

Né en 1956 à Tucson en Arizona, Brad Kahlhamer opère un étrange mélange dans sa peinture issue de ses origines indiennes, de la culture de l’Ouest américain, de son expérience de graphiste et sa vision de la société américaine dans laquelle il vit. L’exposition à Luxembourg présente ses dernières créations réalisées à l’occasion d’une résidence passée à Giverny. Sa peinture énergique et gestuelle à l’huile sur toile qui doit beaucoup à l’expressionnisme abstrait américain contient des éléments mystiques de la culture indienne, comme des totems, crânes, allusion certaine à la mort et animaux (chevaux, coyotes, taureaux) qui se chevauchent dans des compositions souvent chaotiques et paysages désertiques où des rapaces, tel l’aigle américain démultiplié, s’entredéchirent à coups de bec dans les plumes.

Grand dessinateur, mais aussi sculpteur, Brad Kahlhamer emmène dans un monde fantasmagorique et visionnaire appartenant à la tradition de l’art primitiviste et naïf américain. L’artiste attiré par la musique rock, jouant lui-même dans un groupe et faisant des concerts, introduit un rythme visuel dans ses créations habitées de smileys, de formes géométriques graphiques aux couleurs très vives, reflets lumineux agressifs comme les rayons du soleil, de femmes sexy dépravées, de croix, de visages grimaçants et de lettres typographiques formant des messages textuels dont ici l’expression Jeev revient régulièrement comme un spot télévisé répétitif clignotant. « À Giverny, je me suis inspiré de la musique de Mozart, je n’ai pas trouvé la lumière de Monet mais plutôt une lumière obscure. J’ai mixé l’héritage français de Normandie, avec la psychologie, un style Pop new-yorkais et la peinture du sud-ouest américain », explique Brad Kahlhamer.

Cette exposition marque un tournant dans la peinture de l’artiste à la recherche d’une lumière nouvelle comme un impressionniste. Ses œuvres traversées par le chamanisme sont comme des voyages, rêves ou cauchemars, des visions fiévreuses de l’avenir qu’il fait partager au spectateur. Son monde est une expérience à vivre, une épopée vers des contrées oubliées, menacées par des éclairs foudroyants lancés par les dieux, à la rencontre d’un cheval sans nom, une observation de la nature confrontée à la dureté et la vitesse des villes contemporaines. Il projette des représentations du réel dans des espaces visionnaires appelés troisième espace par l’artiste (Third place), un espace de transition spirituel entre le sexe et la mort. La mort étant ici comprise comme une suite à la vie. Un gri-gri indien est même accroché au-dessus d’une des portes de l’exposition. Ses peintures, dont l’exécution reprend un tracé volontairement enfantin, sont emplies d’impressions magiques (blanches et noires) et taches de couleurs bleues, rouges, jaunes flottantes, d’autoportraits de l’artiste portant des cheveux longs, de symboliques et d’une atmosphère néo-underground propre a un style américain résolument avant-gardiste.

Solo Show de Brad Kahlhamer jusqu’au 22 mai, Galerie Nordine Zidoun, 101 rue Adolphe Fischer, L-1520 Luxembourg ; ouvert du mardi au samedi de 11 à 19 heures ; téléphone : 26 29 64 49 ; Internet : www.galeriezidoun.com.
Didier Damiani
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