Maux dits d’Yvan

Casserolades

d'Lëtzebuerger Land du 19.05.2023

Les Anglo-Saxons qui ne sont pas spécialement réputés pour leur génie culinaire, le savent pourtant parfaitement : c’est dans les vieilles casseroles qu’on prépare les meilleurs plats. Les Anglais viennent ainsi de couronner un roi de 73 ans, quand les Américains s’apprêtent à choisir comme prochain président entre un jeune octogénaire et un vieux septuagénaire. Nos voisins français, par contre, estiment qu’à 64 ans on est trop vieux pour partir à la retraite, et c’est au bruit des casseroles qu’ils veulent pousser leur jeune président à la retraite. Il est vrai que celui-ci sert une tambouille plutôt indigeste à ceux dont il ne sollicitera plus les voix, ceci expliquant peut-être cela. « Les œufs et les casseroles chez moi c’est pour faire de la cuisine », tance-t-il avec sa condescendance habituelle les manifestants.

Conscient que trop de cuisiniers gâtent la sauce, il a été seul au fourneau pour mijoter sa loi sur les retraites, ignorant par trois fois la démocratie. Agitant sans modération la salière du 49.3, il a trop salé son plat en ignorant le pouvoir législatif. Délaissant le poivrier des corps intermédiaires, il présente une cassolette sans saveur en refusant de discuter avec les syndicats. Remuant frénétiquement le bâton, il a fait tourner la sauce en envoyant ses CRS mâter l’opinion publique. Macron sacrifie ainsi sa légitimité sur l’autel d’une légalité de façade et fait preuve de démophobie, d’une crainte du peuple qui lui fait éviter désormais les foules, préférant envoyer ses ministres au casse-croûte. Avec un cynisme inouï, il oppose le peuple légitime qui vote au peuple illégitime, voire illégal, qui manifeste, oubliant au passage qu’il doit ses deux élections à ce peuple de gauche qu’il méprise tant.

Le débat public sur les retraites affectant évidemment les ébats privés, il n’est pas étonnant qu’en retour un objet aussi privé que la casserole devienne un outil public, une arme de protestation massive. La casserole a toujours fait l’aller-retour entre l’intime et l’extime, comme en témoignent ces fameuses casseroles qui collent aux fesses des politiques qui confondent l’intérêt privé avec l’éthique publique. Aujourd’hui, la batterie de cuisine n’a jamais si bien porté son nom, et elle se trouve désormais dans la rue. En agitant les casseroles, l’opinion veut se positionner du bon côté du manche et fait revivre une tradition qui remonte au moins jusqu’au Moyen-Âge, où le charivari était une cacophonie qui venait perturber la nuit de noces d’un couple mal assorti. Toute ressemblance avec le démariage de Macron et de son peuple est évidemment frappante. La pratique renaît en 1830 sous la Monarchie de Juillet quand les républicains (toute ressemblance avec Les Républicains actuels est évidemment à exclure) organisent des concerts de casseroles pour manifester contre le régime de Louis-Philippe. Pendant la Guerre d’Algérie, les pieds-noirs tapaient sur des casseroles pour manifester leur désaccord avec De Gaulle. Dans le Chili des années 1970, la CIA servait la soupe dans les « casseroles vides » qui marchaient contre le démocrate Allende. On le voit, les casserolades n’ont pas toujours été l’apanage de la gauche.

Quoiqu’il en soit, la politique de Macron est bien loin de celle que prônait dans le temps Edouard Herriot. Pour cet ancien maire de Lyon, qui s’y connaissait forcément en politique comme en gastronomie, la politique devait ressembler à l’andouillette : elle devait sentir la merde, mais pas trop. La cuisine politique de Macron pue le faisandé, et la marinade censée adoucir les morceaux risque de provoquer une forte indigestion en 2027.

Yvan
© 2023 d’Lëtzebuerger Land