Édito

La méthode Coué fonctionne sans couac

d'Lëtzebuerger Land vom 28.02.2020

Split Interrogé mardi matin au sujet de la manière d’appréhender le Coronavirus dans les entreprises (en marge d’un événement sur l’union des marchés des capitaux, voir page 8), le président de la Chambre de commerce Luc Frieden, répond qu’il appartient aux pouvoirs publics de donner le signal en cas de menace. L’avocat Luc Frieden indique lui que son étude EHP a rapatrié ses trois collaborateurs, des Européens, du bureau de Hong Kong. « Surtout pour rassurer les familles », précise-t-il. Le président de la Bil, Luc Frieden, rappelle par ailleurs que l’actionnariat de la banque est (pour 90 pour cent) d’origine chinoise et qu’on n’a pas vu les actionnaires « depuis quelques temps » route d’Esch. Les vidéoconférences deviennent monnaie courante, explique le banquier. Son homologue Guy Hoffmann, président de l’ABBL et patron de la coopérative Raiffeisen, confie avoir évoqué en interne l’éventuelle possibilité que des collaborateurs télétravaillent, en veillant toutefois auprès de la CSSF la possibilité de sortir des données, ou non.

Le risque de pandémie de Covid-19 pose aussi des questions de droit du travail. L’Aleba affirme ce mardi qu’un établissement de la place a demandé à ses salariés de retour de la zone à risque italienne de rester chez eux en quarantaine en ponctionnant sur leurs congés annuels. Ce qui provoque évidemment l’ire du syndicat majoritaire du secteur : « Cela est totalement inacceptable ! Les employeurs qui veulent imposer une quarantaine à leurs employés doivent leur octroyer un congé extraordinaire ou une dispense de travail pour toute la période concernée », en l’espèce entre 14 et 24 jours. Contacté, le secrétaire général de l’Aleba, Laurent Mertz, évoque le flou juridique autour de la question et la nécessité de préparer des business continuity plans. Les banques consultées, dont certaines ont demandé à leurs salariés de télétravailler pour limiter les risques (sans toutefois se soucier de la contagion possible via les autres membres du ménage), et toutes les entreprises semblent évoluer dans le brouillard total. La ministre de la Santé Paulette Lenert (LSAP) n’a informé que mercredi soir sur la marge de manœuvre (limitée) qu’a le monde entepreneurial.

Keep calm and smoke weed La relativement inexpérimentée ministre (elle n’occupe la Villa Louvigny que depuis deux mois et le gouvernement depuis une dizaine de plus) est poussée en première ligne en vertu de la doctrine bettelienne du deal with it. La socialiste tient la baraque avec brio. « Ne paniquez pas, tout est sous contrôle », martèle-t-elle dans un sourire apaisé au côté du directeur de la Santé Jean-Claude Schmit, qui est devenu en trois jours un visage tout à fait familier. La communication éminemment sympathique et humaine tranche avec le potentiel dramatique de la situation. Les émissaires du ministère de la Santé ont été poussés à la tribune par la décision unilatérale de deux écoles internationales de demander à leurs élèves qui sont passés dans les zones à risque de rester chez eux pendant quinze jours. Un représentant du gouvernement aurait-il pris la parole sans cela ou la mise en quarantaine des clients de Luxair Tours à Tenerife ? La pandémie menace le Grand-Duché, lequel « n’est pas une île » (à l’inverse des Canaries) comme l’a rappelé Paulette Lenert. Le problème est éminemment transversal et concerne potentiellement d’autres ressorts ministériels : Éducation, Économie, Finances (la taxe d’abonnement basée sur les encours des fonds et donc les recettes publiques sont potentiellement concernées), etc. Si l’on indique en coulisse que la coopération est de mise, les représentants de l’exécutif donnent surtout l’impression de bosser sur leur core business. Jean Asselborn s’inquiète des droits de l’Homme dans les entreprises et décolle illico pour Moscou. On peut néanmoins s’en étonner quand, d’usage, la moindre initiative politique fait l’objet de battage médiatique. La méthode Coué, qui consiste à ne garder que l’aspect positif des choses, a des vertus sanitaires. D’un point de vue politique, cela tient la route tant qu’il n’y a pas de couac. Continuons donc plutôt de parler légalisation du cannabis.

Pierre Sorlut
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