Tzeedee

Des vagues et autres formes

d'Lëtzebuerger Land du 17.05.2019

Fruit d’une résidence à Opderschmelz, le troisième album du Marly Marques Quintet, Sea Change dénote dans la discographie de la formation. Pour rappel, leur premier disque Só ar ser se présentait sous la forme d’un acte de naissance prometteur mais inégal. On découvrait ainsi une formation maligne à la complicité non feinte mais surtout une voix, dense et devenue centrale au sein de la scène autochtone. Leur deuxième projet, Encounter, dans la même veine, délaissait toutefois un peu l’aspect world fusion du premier pour plus de mainstream jazz. Sur les deux pochettes, on retrouvait Marly Marques, leadeuse de la troupe, tête baissée et lumière chaude. Ce nouveau disque diffère déjà dans son esthétique. Aucune photographie mais une illustration signée Ruth Lorang. Des vagues et autres formes ondulantes comme tracées au stylo bleu en arrière-plan d’un logo, épuré et reprenant les initiales de la chanteuse. Onze titres pour une heure de musique composent ce projet étonnant.

La composition du quintet reste inchangée. Jitz Jeitz est aux cuivres, saxophones et clarinettes, Paul Fox est à la batterie, Claude Schaus est au piano, Laurent Peckels est à la section basse et enfin Marly Marques donne de sa voix. Quatre guests qui en imposent sont aussi de la partie, à savoir Claire Parsons, Eric Dürrer, Barbara Witzel et Riaz Khabirpour. La guitare électrique maitrisée de Khabirpour se fait déjà entendre sur l’introduction du disque, Cycles. Le saxophone est discret, il suit le débit de la chanteuse et en devient presque une partie à part entière. La structure du morceau, qu’on retrouvera sur quasiment tous les autres titres, est classique. Un leitmotiv, suivi de solos généralement improvisés avant une conclusion reprenant le leitmotiv initial. Fleeting Ecounter ensuite est un cha-cha-cha où le violon de Barbara Witzel est entraînant. Le saxophone est dansant et la chanson représente à nouveau un terrain de jeu pour les musiciens. Arrive Sea change, morceau éponyme qui est en fait un véritable duo entre Marly Marques et Claire Parsons. Leurs deux voix à l’unisson se confondent presque.

Wabi Sabi she said est une chanson de crooneuse sous forme de morceau ludique mais dont le caractère faussement enjoué et jazzy à souhait peut laisser indifférent. Alors que les quatre premières pièces étaient composées par Paul Fox et Katy Fox, ce qui est le cas pour la majorité des morceaux de l’opus, Noite e dia est une composition de Jitz Jeitz et de Marly Marques elle-même. Une contrebasse puissante, des percussions retentissantes, des cuivres qui pleurent pour un fado. Mono no aware, plus long morceau du disque, est nébuleux puis nostalgique. Le chant est impeccable mais on aurait aimé avoir les textes qui font défaut dans la version physique. La structure habituelle se fait entendre sur Play it loud avant que ne défile Samba do assassina, une jolie chanson signée Claude Schaus et Annick Coelmont. Ce huitième titre vient relever un album, dont les deux premiers tiers, bien que maitrisés et aux structures assez complexes, se trouvaient être, il faut l’avouer, assez mous du genou.

Dark Satanic Mills, neuvième et meilleur titre du projet est une incantation, sous forme de musique circulaire, qui offre un incroyable moment lorsqu’un solo venu de nulle part mixe l’oriental au chiptune. Sur Rise and fall, le violon est de retour et offre un aspect de musique celtique bienvenu. La conclusion Triste sina, est une reprise d’un fado de Nóbrega e Sousa e Jerónimo Bragança, qui démontre là encore le talent de la chanteuse et vient conclure un projet imparfait mais surprenant.

La release de l’album aura lieu ce soir, vendredi 17 mai, à 20 heures au Opderschmelz dans le cadre du Festival Like a Jazz Machine ; plus d’informations : jazzmachine.lu.

Kévin Kroczek
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