Numérique

Modèles bouleversés

d'Lëtzebuerger Land du 28.06.2013

Beau succès de foule à l’ICT Spring qui se déroulait les 19 et 20 juin à Luxexpo. Pour cette quatrième édition, les organisateurs avaient mis les petits plats dans les grands. Des têtes d’affiche comme Jimmy Wales, connu pour avoir porté sur les fonts baptismaux l’encyclopédie en ligne Wikipedia, Trip Hawkins, le fondateur de l’éditeur de jeux Electronic Arts, ou encore Peter Sondergaard, Senior Vice-President de Gartner, une entreprise américaine de conseil et de recherche dans le domaine des techniques avancées, ont ainsi pris la parole pour esquisser l’avenir de l’industrie numérique.

Près de 3 300 visiteurs, venus des quatre coins du monde mais principalement de la Grande Région, avaient pris part à cette grand-messe des technologies de l’information et de la communication. Aux côtés de 150 entreprises solidement établies, 120 startups avaient été sélectionnées pour participer gratuitement au salon et promouvoir leurs innovations. Rien d’étonnant à ce qu’on ait beaucoup parlé affaires, clients, prospects, partenaires potentiels et surtout investisseurs dans les allées de Luxexpo. Et pas seulement que dans les allées d’ailleurs : des tables-rondes étaient organisées par des capital-risqueurs et des investisseurs et l’espace Experts accueillait des présentations de startups et des master classes. Quant aux 26 conférences prévues pendant les deux journées, elles étaient également très orientées business et souvent d’un intérêt limité pour quiconque n’était pas un professionnel de l’informatique. Alors, que doit retenir de cette ICT Spring 2013 le profane du numérique ? Mis à part quelques innovations susceptibles de toucher immédiatement le grand public (lire ci-contre), les conférences des trois orateurs cités plus haut ont permis de mieux comprendre les bouleversements qui nous attendent.

Dans son exposé sur la numérisation de l’entreprise, Peter Sondergaard a analysé les quatre tendances convergentes qui se renforcent mutuellement : le cloud computing (ou l’accès à des données et services sur un serveur distant), la mobilité, les médias sociaux et la croissance exponentielle des données en termes de volume, de rapidité, de nombre et de diversité des sources. Selon lui, cette convergence des forces sociales, culturelles et technologiques va transformer le fonctionnement des entreprises, entraîner l’adoption de nouvelles formes de collaboration et de communication et transférer le pouvoir de l’entreprise à l’utilisateur. Pour que les entreprises demeurent concurrentielles, les ressources informatiques doivent mieux être réparties – « il n'y a plus de budget informatique. Tout budget est un budget informatique » – et les chefs des services informatiques peuvent offrir une valeur commerciale concrète en transformant les nombreuses données détenues par l’entreprise en source de revenus. « Par exemple, les banques de détail devraient exploiter les informations qu’elles détiennent sur leurs clients de la même façon que les supermarchés utilisent les cartes de fidélité pour proposer des offres adaptées aux besoins de leurs clients. »

Jimmy Wales a, quant à lui, réécrit La République de Platon avec son discours sur la démocratie et l’Internet. Pour lui, la Toile démocratisera les pays en voie de développement en rendant le monde plat, en ouvrant les marchés, en favorisant l’échange et en leur donnant les ressources nécessaires pour participer à l’économie du XXIe siècle. Avec le doublement du nombre d’internautes d’ici les cinq à dix prochaines années (avec une majorité en provenance des pays en développement), Wales affirme qu’Internet combattra les stéréotypes, la censure, le contrôle des médias et les monopoles et permettra dans le même temps aux citoyens des pays en développement de mieux faire entendre leur voix. « Il ne faut pas beaucoup de technologie pour favoriser le dialogue et le débat. Même les technologies les plus simples comme les mailing lists, les wikis, les blogs peuvent déjà beaucoup. Ce qui est surtout important, c’est de plus en plus de contenu dans les langues locales et un soutien de tous pour que chacun puisse se joindre à la conversation globale. »

Trip Hawkins a évoqué la fracture dans le monde du jeu électronique et l’émergence des jeux sociaux. « Autrefois, les joueurs jouaient pour gagner. Le jeu était une fin en soi. Aujourd’hui, avec la fracture provoquée par des produits comme les smartphones et les réseaux sociaux comme Facebook, un nouveau marché émerge avec des clients qui veulent des jeux plus simples, plus conviviaux, où ce n’est plus le jeu mais la dimension sociale qui importe. Les joueurs ne veulent plus jouer seuls mais avec d’autres grâce aux réseaux. »

Stéphane Etienne
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