Festival Sonic Faces

Ton/kopf

d'Lëtzebuerger Land du 04.11.2004

Ses amis l'appelaient Funka. Il avait constamment le nez fourré dans un magazine musical, genre Spex, «parce que j'aimais bien leur style d'écriture alambiqué, très sophistiqué». Aujourd'hui, il s'en est un peu éloigné, «j'étais juste tombé dans la critique musicale quand j'étais petit,» dit-il. Il s'en est libéré aussi. Même s'il regrette la mort du mythique animateur musical John Peel, la semaine dernière - il ne pourra plus lui envoyer ses disques. De ces lectures voraces, son érudition musicale est restée. Dans la vie, Funka aka Olivier Treinen est aujourd'hui journaliste chez RTL Radio Lëtzebuerg. On l'avait repéré en tant que chanteur, guitariste et frontman du trio belgo-luxembourgeois L'Ego, très rock indé, fondé en 1995 déjà, lors de concerts organisés par l'asbl Ekzema, que ce soit au Virus ou lors de la Fête de la musique, derrière les Archives nationales, l'été dernier. Olivier Treinen joue aussi dans une nouvelle formation, Metro, aux côtés de gens comme Mike Tock, qui toutefois n'ont donné aucun concert jusqu'à présent. Or, c'est avec son projet solo, Lo-Fi, qu'il a véritablement cassé la baraque lors du festival Sonic Faces à la Kufa, début octobre. C'était le premier concert de Lo-Fi, une véritable révélation. «Le sound de L'Ego ne me convenait plus, se souvient-il. Alors je me suis acheté tout le matériel nécessaire pour faire ce dont j'avais envie chez moi.» Lo-Fi est né ainsi, de cette envie de pop, de voix, de paysages sonores dans lesquels la voix soit au premier plan. Le nom choisi révèle à lui tout seul la modestie du projet. Or, en un an, entre mai 2003 et cet été, comme boulimique, il a produit une quarantaine de chansons, dont dix qu'il aimait vraiment bien, les a fait écouter à gauche et à droite, et les gens appréciaient. Il en produit un premier CD avec les sept meilleurs titres intitulé N'avez-vous pas confiance en moi ?, se fait repérer par Unki Unkelhäusser et René Penning, têtes chercheuses du Sonic Faces. Puis il a subjugué le public. Comment il compose ? «D'abord, il y a un riff de guitare, puis une mélodie. Le texte ne vient que plus tard, bien sûr, il correspondra à mon ambiance du moment. Mais je crois que s'il le fallait, je pourrais tout aussi bien chanter le mode d'emploi d'un aspirateur, si les paroles avaient la bonne sonorité.» Olivier Treinen est un nerd, un vrai passionné de musique. Il fait partie de ces jeunes Luxembourgeois qui ont grandi avec la scène hardcore à la Kulturfabrik et n'ont plus aimé le blues. Le grunge de Nirvana et les guitares de Sonic Youth sont leurs mythes fondateurs, après l'avènement des musiques électroniques et le minimalisme du postrock, les guitares et les voix sont redevenues possibles. Ils incarnent le renouveau du pop-rock à guitares au Luxembourg, on le rapprochera forcément de Raftside. Le disque de Lo-Fi s'écoute comme un voyage à travers l'histoire récente de la musique, entre les réminiscences de la scène indépendante new-yorkaise et les break-beats plus récents, on a l'impression de déceler les clins d'oeil tantôt au Bowie de Major Tom, à Lou Reed forcément, à la new-wave des Cure ou encore à Pearl Jam, tous ces monstres sacrés du pop-rock à guitare et du songwriting. Lo-Fi assume cette filiation et en joue, sachant pertinemment qu'après cinquante ans d'histoire du rock, on ne peut plus en faire innocemment. Lo-Fi est un projet solo. Pourtant, à lui tout seul, il est déjà multiple. Puis pour la scène, il s'adjoint les services d'autres musiciens. À Esch par exemple, Olivier Treinen a joué avec un bassiste (Jean-Luc Maas) et un batteur (Gianni Trono) pour un son plus puissant, plus rock'n'roll, dans lequel les bruitages poétiques des passages entre deux chansons - le gazouillis d'oiseaux ou le rire d'enfants qui jouent - contrastaient plus encore avec l'ambiance un peu grungy du moment. Lors de son prochain concert prévu, dans un bar, il jouera probablement avec un autre guitariste pour un duo. Sur le CD, dans le homestudio dans sa chambre, il est seul, par nécessité  et par désir d'indépendance, compose,  écrit, joue la guitare, programme les accompagnements, chante toutes les voix. Ce qui nous vaut de belles surprises quant au spectre de la sienne, de voix, et de sa créativité, entre l'entêtant Toy et le très pop Dayly grind, voire même les choeurs sur P.O.P. Des mondes séparent l'intimisme et la liberté du studio de l'émotion et l'immédiateté du live. «Monter sur scène reste pour moi très abstrait, comme si ce n'était pas vraiment moi, estime Olivier Treinen. Mais je fais enfin la musique que je voulais faire depuis toujours.» 

Lo-Fi se produira en concert dans le cadre du projet [vitrin]sonore au Café Interview, rue Aldringen à Luxembourg, jeudi 18 novembre 2004. Contact : funka26@hotmail.com.

 

josée hansen
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