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Les bons et la Bête

d'Lëtzebuerger Land du 17.09.2009

Quel est le point commun entre Doncols, petit village au nord du grand-duché, et Tim Burton ? Lux­animation ! La société de production spécialisée, comme son nom l’indique, dans le film d’animation, a décidément le vent en poupe ces dernières années. Profitant habilement du système fiscal concernant la production audiovisuelle du Luxembourg, l’entreprise fondée par Lilian Eche multiplie les coproductions euro­pé­ennes, mais aussi internationales, visant de plus en plus haut. Si Bob et Bobette n’a pas bénéficié d’une grande combinaison de salles lors de sa sortie, ce n’est pas le cas de la très ambitieuse production américaine 9. Produit sous le haut patronage de la majesté du royaume de l’étrange, le premier long-métrage de Shane Acker a bénéficié de quelques partenaires habituels de Burton, comme par exemple Pamela Pettler au scénario.

Mais dans la forme, quelle énergie, quelle originalité ! Un enthousiasme qui ne faiblit pas et qui sauve le film de l’ennui. Surfant sur la mode des anti-héros, les personnages ne manquent pas de personnalité. On s’attache vite à chacune des créatures, faites de boulons, de toiles de jute, de boutons et de fermetures éclairs, qui sollicitent et fixent le spectateur de leurs grands yeux interrogateurs. Ils laissent apparaître leurs faiblesses, leurs limites, et parviennent pourtant de cette manière à se sortir d’une situation apocalyptique. Point de lasers électroniques, d’épées-gadgets ou de potions couleur fluo : leurs armes sont faites de bouts de ferraille. Une ode à la récup’ forcée par l’environnement, car le monde tel que nous le connaissons n’est plus que maisons éventrées, poutrelles par-ci par-là.

L’atmosphère maussade est soulignée par des layouts sombres, parfois glauque. Les couleurs dominantes sont marrons, beige, parfois bleuâtre. Le sentiment d’insécurité flotte, étouffant les poupées de chiffons et les exhortant à se battre davantage. Et lorsque l’on voit ces petites figurines avancer pas à pas dans ce décor délabré, c’est la poésie qui prend le dessus sur la science-fiction. 

Le film réussit donc à créer une ambiance visuelle remarquable qui parvient à accrocher l’attention. Mais il a également les défauts de son défi : 9 fut d’abord un court-métrage qui permit à Shane Acker d’être nominée aux Oscar. Passer de onze à 80 minutes est un exercice périlleux qui nécessite plus qu’un feu d’artifice, aussi puissant soit-il : handicapé par un scénario trop banal, le format long-métrage reste loin de l’exceptionnelle pépite que son potentiel pouvait réserver. 

Marylène Andrin
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