La CSSF a ouvert ses archives

Glasnost

d'Lëtzebuerger Land du 17.11.2017

Ce fut l’un des derniers actes officiels de Jean Guill en tant que directeur général de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). En décembre 2015, il signait une convention avec les Archives nationales de Luxembourg (Anlux) pour lui verser plus d’un kilomètre de rayonnages courants de documents. (Les archives de l’Arbed, transférés à partir de 1989, mesurent, quant à elles, 4,5 kilo-
mètres.) Si, d’après Guill, ce fut Marc Limpach, juriste à la CSSF et figure de la scène culturelle, qui avait été le « spiritus rector » de cette ouverture des archives, il fallait néanmoins la volonté politique du directeur général – qui était alors à quelques semaines de sa retraite – pour la concrétiser.

Comme souvent, ce fut un déménagement qui forçait l’institution à systématiser sa politique d’archivage. « Nous avons dû vider chaque cave et chaque armoire, dit Jean Guill. Nous y avons trouvé des papiers dont plus personne n’avait besoin, et nous les avons physiquement détruits. Mais nous y avons également trouvé des papiers qui présentaient un intérêt historique, mais dont nous n’avions plus besoin au quotidien. » Les documents archivés par l’Anlux proviennent de la CSSF et de ses précurseurs, le Commissariat au contrôle des banques (1945-1983) et l’Institut monétaire luxembourgeois (1983-1998). Certains documents remontent même jusqu’au années 1920. Ils permettent, grosso modo, deux approches : par le haut, via les archives de direction ; et par le bas, via les archives des entités régulées. Pour y avoir accès, le chercheur doit exposer son projet de recherche à la direction de la CSSF et solliciter son autorisation.

Un des premiers chercheurs à fouiller ces archives est le doctorant Benjamin Zenner. Après un Master 2 en histoire européenne contemporaine à l’Université du Luxembourg – qu’il a consacré à une analyse des réclames de voyage publiées dans la Revue –, il entame en novembre 2016 un doctorat sur la régulation bancaire. (Zenner s’intéresse plus à la genèse qu’à l’application de celle-ci.)

Dans le cadre de sa recherche, il parcourt les procès-verbaux de toute une série de cénacles successifs où les acteurs étatiques et privés se rencontraient pour préparer la législation : le « Conseil de contrôle des banques » (1971), la « Commission pour l’amélioration de l’infrastructure législative » (1989), le « Comité pour développement de la place financière de Luxembourg » (2000) et le « Haut comité de la place financière » (2010). Les PV sont plus ou moins détaillés, dépendant du secrétaire des réunions : « Des fois, c’est juste un ordre du jour, une liste des présences et un résumé des décisions. Mais, surtout à partir des années 1970, ils deviennent plus détaillés. » Combinées à d’autres travaux futurs, ces recherches pourraient un jour déboucher sur un premier ouvrage de référence sur la place financière. Or celui-ci ne devrait pas sortir de sitôt. Porté par le C2DH, le premier projet d’envergure dédié à la place financière, au-delà du scandale et de l’apologie, a ainsi été recalé le 30 octobre par le Fonds national de la recherche.

Bernard Thomas
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