Malodorant tapis de bombes raciste et xénophobes sur le Net

Quand la haine prend ses aises

d'Lëtzebuerger Land du 02.10.2015

La crise des réfugiés a fourni aux agitateurs fascisants l’occasion de répandre un malodorant tapis de bombes raciste et xénophobe sur le Net. Le phénomène est patent mais difficile à quantifier. Un récent rapport de l’organisation allemande jugend-schutz.net fournit cependant à cet égard des observations intéressantes et des éléments de mesure. Le rapport, intitulé « Rechtsextremismus online », porte sur l’année 2014, mais l’organisation en profite pour indiquer que les signalements de contenus inacceptables sur les réseaux sociaux ont triplé lorsque l’afflux de migrants en Europe s’est propulsé à la une. Jugendschutz.net, qui décortique dans ce rapport les méthodes utilisées par les milieux d’extrême-droite pour hameçonner les internautes, les attirer vers leurs sites et de façon plus générale pour attiser les sentiments racistes, en visant en priorité les jeunes. L’afflux des migrants est pour eux une aubaine.

L’organisation jugendschutz.net n’est pas une entité administrative mais indique avoir une « mission légale » encadrée par la loi sur la protection de la jeunesse dans les médias. Dans le cadre de ce mandat officiel, elle identifie les contenus problématiques et entreprend des démarches pour les faire retirer du Net, intervenant auprès des plateformes utilisées pour cette propagande et des fournisseurs d’accès. Dans cet effort, elle peut s’appuyer sur le fait que cette préoccupation règne aussi au sommet de l’État, puisqu’en marge d’un sommet des Nations Unies sur le développement durable à New York, la chancelière Angela Merkel a reçu il y a quelques jours de Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, l’assurance que son entreprise allait traquer de manière plus conséquente les commentaires racistes. Facebook n’a pas encore précisé comment sera mise en pratique l’engagement de son patron, mais la presse allemande s’était déjà faite l’écho de pourparlers en cours entre le ministère allemand de la justice et des représentants de Facebook en vue de parvenir à un effacement plus rapide de commentaires haineux.

Les contenus font appel au sentiment de frustration ou d’insatisfaction, à la peur ou aux préjugés, à une attitude de rébellion, de radicalité ou à l’attrait de l’interdit, mais jouent aussi parfois sur des thématiques relativement inattendues dans ce contexte : ainsi, les protecteurs de la jeunesse de Mainz ont inventorié des posts néonazis qui se réfèrent à la mouvance « vegan » pour promouvoir leur discours de haine, en publiant des liens vers des clips promouvant une vie « saine » et proposant des recettes végétariennes dont le commentaire véhicule des références nazies obliques.

L’organisation met en avant dans son rapport un post particulièrement glaçant publié sur Facebook. Sous l’image de projectiles alignés, un internaute a écrit : « Ich habe für jeden Flüchtling eine Kugel » (j’ai une balle pour chaque réfugié). Un tel a recommandé de « préchauffer les fours », un autre souhaite qu’on « abatte » les étrangers. Les collaborateurs de l’organisation ont relevé en tout plus de 6 100 items d’extrême-droite sur le web en 2013, contre 5 507 l’an dernier.

Le nombre de contenus « illégaux » ou « illégitimes » répertoriés sur le Web a certes légèrement baissé entre 2013 et 2014, mais le nombre de posts sur les réseaux sociaux, Facebook, YouTube et Twitter, ainsi que désormais aussi sur Instagram et Tumblr, a augmenté d’une année sur l’autre, 89 pour cent d’entre eux relevant du pénal selon l’organisation. Il s’agit en général d’incitation à la haine contre les réfugiés, les juifs, les musulmans, les homosexuels ou les roms, ainsi que d’appels à des manifestations – notamment celles devant les centres d’asile dont plusieurs ont eu ces derniers temps des conséquences tragiques. Et lorsque ces manifestations débouchent sur des violences, des billets surgissent sur les réseaux sociaux pour s’en réjouir. L’attention portée aux migrants et au terrorisme islamiste a donné lieu à une forte augmentation des publications racistes ou xénophobes, ce qui fait craindre à jugendschutz.net que l’on assiste en 2015 à une explosion de ses indicateurs.

Jean Lasar
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