Them Light dans la lumière

d'Lëtzebuerger Land du 10.05.2024

Le 5 novembre 2022, dans ces mêmes pages, nous présentions Sacha Hanlet (et son projet Them Lights), artiste-associé de la Kulturfabrik ; un statut qui devait lui permettre, durant trois ans, de s’adonner corps et âme à sa passion tout en étant rémunéré et avec une liberté quasi totale. Ce soir-là, il fêtait la fin de sa première année avec un concert de toute beauté. La semaine passée, il remettait ça pour, cette fois, clôturer définitivement sa résidence. L’occasion de faire le bilan de cette expérience avec lui.

« Le sentiment que j’ai là tout de suite ? Un peu triste, à vrai dire. Triste que tout se termine mais en même temps super fier de ce qu’on a fait. Franchement, ces trois ans sont passés tellement vite que si tu me disais que ça n’a duré qu’un an, je te croirais ! ». Sacha Hanlet a raison : trois ans, c’est beaucoup et tellement peu à la fois. Surtout lorsque, comme lui, on a une telle soif de création. Parce que, rappelons-le, au début de la résidence, il remettait les compteurs à zéro et offrait une seconde vie à son projet Them Lights.

Il en profite pour nous rappeler les rôles des trois partenaires en présence : la Kuturfabrik, pour toute la partie logistique (mise à disposition d’espace de répétition et de création et, bien entendu, la grande salle pour ce qui est du concert de ce soir), Kultur:LX pour la gestion des contacts, positionnement de l’artiste dans des festivals showcases et networking international et le Rocklab pour la partie coaching, notamment scénique mais aussi l’organisation de cours de chants et de piano et le networking.

Aujourd’hui, Sacha n’est pas tout à fait le même qu’au début de la résidence, c’est évident. Il en a appris des choses en trois ans. Dont la plus importante pour lui est la collaboration. « En fait, je connaissais déjà la collaboration avec un groupe, mais je ne connaissais pas la collaboration synonyme de « tu peux choisir avec qui travailler ». Ça, c’était nouveau pour moi. Et j’en ai profité à fond ! J’ai aussi appris à être plus moi-même, à me laisser me sentir vulnérable. Tout ça m’a finalement permis d’amener un peu d’humanité dans un projet finalement très électro et très ‘machine’ ».

La chronologie de la résidence était assez bien ficelée. La première année était consacrée à la recherche d’une identité musicale ainsi qu’à l’écriture des morceaux. À la question de savoir combien de morceaux il a écrit, il sourit et avoue avoir aujourd’hui du matériel pour plusieurs albums. « J’ai fait un nombre incalculable de démos… dont la plupart ne verront jamais le jour. Mais, j’ai déjà mon prochain EP qui est prêt. Là, tout de suite en sortant de la résidence ! » La deuxième étape était la construction du live avec tout ce que cela comprend : le son, les lumières, la vidéo… mais aussi la présentation sur scène et la façon de bâtir un concert digne de ce nom. Avec le risque que ce soit trop bien construit et ne laisse pas de place à l’improvisation ? Il répond : « Le « trop bien », ça n’existe pas chez moi. Vraiment, je suis tellement exigeant avec moi-même que cette idée n’est jamais rentré en ligne de compte. Et ce fut même, à un moment, une sorte de piège car j’ai l’impression que ce que je fais n’est jamais assez bien. D’ailleurs, si ça n’avait tenu qu’à moi, j’aurais encore attendu avant de faire ce concert., Heureusement, il y a eu des gens pour me dire que c’était prêt depuis longtemps déjà. Tous ces avis externes ont vraiment été bénéfiques. Je savais qu’il fallait maintenant que je sorte et que je monte sur scène. Mais il y a eu des moments de doute où je me suis dit que j’allais tout arrêter et que je n’avais pas le talent ! »

On en vient à se demander à quoi ressemblerait Them Lights s’il n’avait pas fait cette résidence. Il réfléchit un bon moment avant de répondre : « Je n’y ai jamais pensé… mais ce qui est sûr, c’est que je ne serai pas là où je suis aujourd’hui. Cette résidence m’a offert une liberté totale et m’a permis de vraiment m’améliorer à plein de niveaux. J’ai repris des cours de chant et de piano. Si j’étais resté tout seul, je n’aurais définitivement pas eu toutes ces opportunités. »

Pense-t-il alors qu’il y ait des choses à encore améliorer à la formule ? Sa réponse est nette : « Je ne vois pas comment on aurait pu faire mieux. Tout avait finalement été bien planifié, notamment lors de réunions avec les partenaires. Et puis, j’ai aussi eu cette grande chance de pouvoir me tromper sur certaines choses… et avoir le temps de me remettre en question, recommencer autrement et améliorer les choses. Aujourd’hui, je me sens totalement prêt à défendre ce projet pour l’amener au stade suivant. Si demain, un artiste vient me voir en me demandant un conseil avant une résidence de trois ans, je lui dirais simplement de réfléchir à ce qu’il veut, ce qu’il sent, au plus profond de lui-même. Ensuite, je lui dirais, surtout si c’est un musicien, de collaborer dans tous les sens et avec un maximum de personnes ! »

On termine la discussion en lui demandant ce qui a le plus changé en vingt ans dans la musique au Luxembourg parce que oui, ça fait plus de vingt ans qu’il vit dans ce milieu. « Beaucoup de choses ont changé : l’état d’esprit a changé, la confiance chez les jeunes musiciens a changée, le professionnalisme a changé et la diversité musicale s’est fortement épanouie. Et tout ça, c’est le travail acharné de plein de gens qui, pendant toutes ces années, se sont battus pour que ça évolue. »

Concert calé au décibel prêt

On en arrive au soir du concert pour voir l’enfant prodige (re)monter sur scène avec la promesse d’une soirée énorme et d’un show visuel impressionnant qui, pourtant, autant le dire d’emblée, nous laissera un peu sur notre faim du point de vue visuel.

Maehila débute la soirée avec un set carré et un style pas si éloigné de l’univers de Them Lights mais au féminin. Le show est sexy, intense mais manque, paradoxalement, d’un peu de chaleur. L’envie semble en tout cas être là. À revoir donc prochainement. Napoléon Gold monte ensuite sur scène. Un choix un peu étrange vu le peu d’actualité le concernant, mais un choix venant du cœur, les deux artistes se connaissant depuis près de deux décennies. Pour ce retour sur scène, Napoléon Gold a dépoussiéré son set et c’est plutôt une bonne nouvelle. Plus organique et plus rock qu’auparavant, le choix s’avère finalement payant. Bien vu !

Il est passé 22 heures quand Them Lights débute son set qui ressemble quand même beaucoup à ce qu’on avait vu il y a deux ans et demi. Même disposition scénique, même ambiance sombre et gothique, un jeu de lumières bien étudié, pertinent, mais assez loin de ce que l’on nous avait promis… ou de ce que l’on nous avait fait imaginer. La faute, peut-être, à une communication un peu immodeste de la part des partenaires. Heureusement, musicalement, c’est très réussi ! Calé au décibel prêt, le set envoie du lourd. Et si on a un peu perdu en groove, on a assurément gagné en intensité, c’est certain. Côté public, c’est du « gagné d’avance ». Them Lights jouant en terrain connu et devant un parterre tout acquis à sa cause. Pas de véritable surprise ce soir si ce n’est la présence, en rappel, de l’électron libre Maz comme invité.

Après une bonne heure de set qui aura notamment permis d’entendre quelques nouveaux morceaux, le concert se termine et l’on se dit que, cette fois c’est certain, le garçon est prêt pour la grande aventure. C’est définitivement gagné d’un point de vue national, aux partenaires maintenant de s’activer pour faire décoller la fusée Them Lights à l’international. On croise les doigts…

Romuald Collard
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