Cinéma

Vacances romaines

d'Lëtzebuerger Land du 13.07.2012

David (Patrick Huard) n’a pas grand chose pour lui. Livreur de viande dans la boucherie familiale, il a la réputation d’être peu fiable, dans sa profession comme dans sa relation. Sa copine Valérie (Julie LeBreton), qui attend leur premier enfant, ne veut plus de lui et de sa vie chaotique. En plus de cela, David doit encore 80 000 dollars à une bande de malfrats qui s’impatiente de plus en plus. C’est à ce point malheureux de sa vie que cet antihéros est rattrappé par une histoire vieille d’une vingtaine d’années. Sous le pseudonyme de Starbuck, il avait fait à l’époque don de son sperme à plusieurs reprises dans un hôpital qui en a fait une utilisation abusive. Alors qu’il se bat pour être le père de l’enfant de Valérie, David se retrouve tout d’un coup « père » de 533 enfants qui viennent d’intenter un recours collectif pour dévoiler l’identité de leur géniteur.

Nommé d’après une race de taureau canadienne qui a révolutionné l’insémination, Starbuck aborde de manière humoristique le débat autour d’un vide juridique qui a longuement occupé les esprits en Amérique du nord. Est-ce que les droits fondamentaux d’une personne peuvent annuler une clause de confidentialité signée par un donneur ? Le meilleur ami de David (Antoine Bertrand), avocat, se lancera dans l’affaire. Le protagoniste, quant à lui, n’arrive pas à résister à ses instincts paternels et rendra visite à quelques-uns de ses nombreux enfants...

Partant d’une donne pour le moins exceptionnelle, le comique québéquois Martin Petit et le réalisateur Ken Scott ont créé une intrigue entraînante truffée de pointes d’humour subtiles. Le choix d’un point de vue exclusivement masculin sur la famille, à travers David, l’avocat, les frères et le père s’avère finalement plus intéressant et varié que l’on pourrait le croire. Le film soulève de nombreuses questions sur la responsabilité parentale et les structures familiales, sans se permettre de donner des réponses précises là où il n’y en a pas.

Est-ce que David devrait adopter le fils lourdement handicapé et orphelin dont il ignorait l’existence ? Où s’arrêtent la responsabilité et l’empathie d’un donneur ? Ces questions difficiles  mènent Starbuck plus loin que la simple rédemption d’un quadragénaire irresponsable. Patrick Huard, lui-même humoriste, réalisateur et comédien, rend le loser David très attachant et authentique. Le scénario confère au personnage principal une véritable évolution tout en  préservant ses traits de caractère.

Au niveau de la mise en scène, on regrette la quasi absence d’un langage cinématographique digne de ce nom. Les plans par lesquels Ken Scott parvient à raconter son histoire par les images se comptent sur les doigts d’une main. Malgré ce bémol qui réduit Starbuck au niveau visuel d’une production de télévision, cette comédie offre un moment de divertissement intelligent. Grand succès dans son pays d’origine, cette production canadienne fera l’objet d’un remake hollywoodien par la société Dreamworks, dans lequel Vince Vaughn aura du mal à faire mieux que Patrick Huard dans le rôle de David.

Marylène Andrin
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