Abolition des monopoles publics

Nouvelles conditions générales pour le téléphone

d'Lëtzebuerger Land du 26.06.2003

Le monde était encore un peu plus simple, au début des années 1990, quand l'idée d'une abolition des monopoles publics dans le secteur des télécommunications est née à Bruxelles. Les services visés étaient encore largement synonymes du bon vieux téléphone, du moins en ce qui concerne le marché des particuliers. On en est loin : dans certaines villes européennes, le téléphone peut être branché aussi bien au réseau classique de téléphonie qu'à la câblodistribution, tous les deux bien sûr en concurrence avec le mobile. Cisco, qui fabrique bon nombre des boîtes noires qui font tourner les réseaux mondiaux de l'Internet, lance pour sa part des publicités grand public pour vanter les mérites de la téléphonie « IP », donc à travers les réseaux fonctionnant selon l'« Internet Protocol ».

En réaction à ces évolutions, l'Union européenne a dû revoir ses législations régissant le secteur. Le « paquet télécom » d'avril 2002 a entre-temps aussi atterrit au Luxembourg. Pour l'adopter avant le 1er juillet prochain, comme le prévoit la Commission européenne, ce sera cependant un peu juste.

Deux grandes idées dominent le nouveau cadre légal : réduire les contraintes administratives et rapprocher le marché des télécommunications aux règles qui régissent tous les autres secteurs. Les quatre projets de loi présentés mardi par François Biltgen, ministre délégué aux Communications, abolissent ainsi le principe des licences pour les opérateurs de télécommunications. Plus besoin de demander une autorisation pour devenir actif. Il suffit d'en informer l'Institut luxembourgeois de régulation (ILR). Une taxe continuera cependant à être levée sur le chiffre d'affaires des entreprises. L'ILR ressemblera de même un peu plus à une autorité de concurrence. 

Alors que jusqu'ici, il s'agissait surtout de veiller au respect des règles du jeu par l'« opérateur historique puissant », il s'agit maintenant de veiller au bon fonctionnement du libre marché. Une nouvelle mission attend ainsi l'ILR : la définition de marchés et des acteurs ayant une « position dominante ». Plutôt que de regarder la position globale des P[&]T Luxembourg, il se pourra que dorénavant certains sous-secteurs, à l'exemple de services s'adressant aux entreprises, tombent sous la simple libre concurrence alors que d'autres, toujours dominés par les P[&]T, continueraient à être étroitement surveillés.

Même si l'ILR devra s'approprier des notions du droit de laconcurrence, le gouvernement s'est abstenu de fusionner le régulateur avec la future autorité de concurrence luxembourgeoise, dont le projet de loi attend le dépôt à la Chambre. « Je peux m'imaginer que d'ici 2010 cette question se posera, » estime François Biltgen.

Sur les grands principes de la libéralisation, le nouveau « paquet télécom » ne change pas grand chose. Le Luxembourg profite cependant de l'occasion pour clarifier les règles sur la gestion des « ondes radioélectriques », dont la responsabilité incombait jusqu'ici de facto aux P[&]T et à RTL. La nouvelle loi devrait surtout augmenter la transparence dans ce secteur où domine parfois le sentiment du service à la tête du client.

Grâce à l'initiative européenne, c'est surtout le consommateur qui bénéficie de la nouvelle législation. Plus question ainsi de devoir accepter toutes les publicités électroniques (spamming) sauf celles qu'on refuse expressément. Cette disposition « opt-out »de la loi sur le commerce électronique sera remplacée par un système de « opt-in ». On ne reçoit alors plus que les pubs pour lesquelles ont s'est enregistré.

En cas de litige avec un opérateur de télécom, une procédure de conciliation sera mise en place sous la responsabilité du Centre européen des consommateurs. Les règles pour connaître l'identité d'un appelant en cas d'appels malveillants ne sont par contre pas encore définies. Il faudra attendre le règlement grand-ducal pour savoir si la victime ou seules les autorités auront accès à cette information.

Les nouvelles règles confirment aussi le droit des abonnés à une facture détaillée gratuite de la part de l'opérateur. 

Or, bien que cette obligation existe depuis un an, les P[&]T semblent toujours incapables d'y donner suite.  

 

Jean-Lou Siweck
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