Art contemporain

Prise de risque

d'Lëtzebuerger Land du 27.07.2012

Il semble de plus en plus lointain le temps où David Brognon travaillait sous son nom de streetartist The Plug. On se souvient des prises électriques graffées parsemant le pavé de la ville à ses débuts. Depuis, Brognon a pris le chemin du white cube. Mais l’esprit de rébellion et de transgression continue d’être à la base de son travail. Via des installations conceptuelles et belles. Ce qui contribue à leur ambiguïté.
Tout semble donc sourire à David Brognon, depuis l’exposition de ses premiers « objets » inspirés par l’univers des stades (le monde clos et violent des Hooligans) et de la prison (les grades de la hiérarchie secrète des détenus en prison). Son portail (malheureusement une installation éphémère) qui barrait l’allée principale dans le Parc central au Kirchbberg, a, de manière moins violente – car ici aussi, il était question de transgression – intrigué plus d’un avec sa forme inversée : franchira ou ne franchira pas ce symbole de la propriété privée installée dans un espace public ?
Actuellement, il expose au Musée d’Ixelles à Bruxelles et il sera invité au printemps prochain à la Maison Rouge à Paris. On pourra le voir aussi à Luxembourg à l’automne au Casino. Mais en attendant, on peut se rendre à la galerie Nosbaum & Reding où l’artiste prend ses quartiers d’été dans l’espace du Scheieschlach.
Cet espace de la galerie est propice à la pénombre. Mais avant cela, on pourra voir une série de photographies solaires : Golden shoot (impression lambda d’arrêts sur image d’une vidéo du même nom). Leur aspect est trompeur : on y voit les pieds et le bas des jambes d’un danseur, pailletés d’or. Au-delà de la finesse des articulations, des pas gracieux effectués et de la peau comme maquillée, il s’agit en fait d’une danse macabre. Le danseur tente d’échapper aux particules scintillantes, ce qui induit le rythme de cette danse macabre. Totentanz, le sous-titre de l’œuvre, renvoie en effet au voyage de trop, mortel, auquel s’exposent les consommateurs de drogues…
On retrouve ce thème récurrent  de la lumière dont l’attirance peut induire l’aveuglement, avec les néons qui cette fois tapissent les murs de la galerie. Leurs arabesques, apparemment abstraites, symbolisent la ligne de destinée de la main de toxicomanes dont David Brognon a pris les empreintes. Leur lumière vient se refléter sur (ou se heurter contre ?) les surfaces de paravents en aluminium brossé (ces pièces sont réalisées avec Stéphanie Rollin) qui occupent l’espace central de manière serrée, le divisant en autant de sous-espaces dont le parcours devient labyrinthique. Comme un chemin de vie accidenté.
Mais le paravent, c’est aussi un objet (désuet aujourd’hui) qui divisait l’espace d’une chambre en deux et où les dames, souvent, jetaient négligemment leurs vêtements, voire leurs dessous avant des étreintes secrètes. Ici, quelques toiles d’araignées remplacent l’ornement des amours volées. Images dont les toxicomanes parfois se tatouent la peau, ces chaînes sont ici en plaqué or ou argent, car, quel que soit le degré des délices, la médaille a un revers…
Brugnon sait assurément mixer les codes enchantés du monde de l’art et de l’analyse sociale. Un monde d’enfants (encore) innocents, on pourra par la même occasion le découvrir au rez-de-chaussée de la galerie. Les grandes fleurs de l’Américain Donald Baechler (né en 1956)  sont d’une incroyable fraîcheur mais pas naïves : l’artiste s’inscrit dans la lignée des grands du pop art d’outre-Atlantique.

Les expositions de David Brognon I am all tomorrow’s broken hearts et de Donald Baechler, sont à voir jusqu’au 22 septembre à la galerie Nosbaum & Reding. 4, rue Wiltheim à Luxembourg-ville ; ouvert du mardi au samedi de 11 à 18 heures ; www.nosbaumreding.lu.
Marianne Brausch
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