Italie

Un pays face à l’extrême droite

d'Lëtzebuerger Land vom 30.09.2022

Après la chute du gouvernement Draghi au mois de juillet et une campagne électorale insolite durant l’été, les élections anticipées de dimanche dernier se sont conclues par la victoire écrasante du parti populiste de droite Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni. La nouvelle coalition de droite avec les partis Forza Italia de Silvio Berlusconi et La Lega de Matteo Salvini déstabilise l’Europe.

Fratelli d’Italia souvent qualifié de « postfasciste » à l’étranger a remporté le plus de suffrages avec 26 pour cent des votes et avec une nette avance sur le Partito Democratico, parti de centre-gauche d’Enrico Letta, qui a obtenu 19 pour cent des voix. En troisième position on retrouve le Movimento 5 Stelle (M5S), parti antisystème de Giuseppe Conte, ex-premier ministre, avec environ 15,4 pour cent. Même s’il a perdu plus de la moitié de ses électeurs depuis les dernières élections en 2018, M5S a su gagner plus de voix qu’initialement supposées, surtout si l’on considère que Conte et son parti ont été parmi les principaux déclencheurs de la chute du gouvernement italien au mois de juillet. 

La coalition de droite a récolté 44 pour cent des voix et obtient ainsi la majorité absolue des sièges parlementaires, c’est-à-dire à la chambre et au sénat. La coalition de gauche n’a par contre obtenu que 26 pour cent des voix, n’étant formée que du PD et de quelques petits partis, excluant d’autres partis centristes comme Azione-Italia Viva ayant obtenu presque huit pour cent des votes. On peut aussi se demander si une alliance entre le Centre-gauche et le M5S, en mettant de côté leurs différences, surtout liées à la chute du gouvernement, n’aurait pas empêché la prise de pouvoir de la droite. 

Le parti de Giorgia Meloni a réussi une impressionnante remontée en quintuplant son score depuis les dernières élections de 2018. Cette remontée a tout de même été en partie réalisée aux dépens de ses alliés de droite. Notamment du parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia, qui n’a pu s’assurer que huit pour cent des voix et le parti de Matteo Salvini qui a obtenu 8,8 pour cent, un score plus bas que celui pronostiqué par les sondages durant la campagne électorale. Il s’agit tout de même d’un changement drastique qui montre une sorte de rébellion de la part de la population qui ne se sent plus justement représentée par les institutions.  

Il est également important de noter que, pour la même raison, le taux de participation aux élections de dimanche dernier était extrêmement bas. Seuls 64 pour cent des 51 millions de personnes autorisées à voter en ont fait usage. Un bon tiers des Italiens ont donc préféré s’abstenir. Certains n’ont peut-être pas eu la possibilité de voter, considérant que le vote par correspondance n’est toujours pas autorisé en Italie et qu’il faut forcément voter dans sa commune de résidence. Beaucoup ont tout de même exprimé leur désaccord en refusant d’aller aux urnes.

Cette perte de confiance dans les institutions est en partie due à la grande instabilité politique du pays. En l’espace de quatre ans, l’Italie a été gouvernée par trois pouvoirs exécutifs différents. Deux des derniers gouvernements depuis 2018 ont été dirigés par Giuseppe Conte du M5S. La chute du dernier de ces trois gouvernements, dirigé par Mario Draghi, a eu lieu au mois de juillet. Ce dernier avait été choisi par le président de la République, Sergio Mattarella, dans une tentative de redonner une stabilité au pays. Une des raisons pour laquelle l’ex-Premier ministre Giuseppe Conte et son M5S avaient voulu faire chuter le gouvernement était la remise en question du reddito di cittadinanza, un instrument social qui vient en aide aux plus pauvres, une sorte d’allocation de base. Conte et son parti n’acceptent pas l’abolition de cette aide financière qu’ils considèrent fondamentale et qui a été sévèrement attaquée par la coalition de droite durant la campagne électorale cette été. 

L’instabilité politique de l’Italie est due, entre autres, à la complexité du système politique. La loi dite « Rosatellum », une mise à jour de la précédente loi électorale de 2015, empêche qu’un seul parti puisse s’accaparer trop de pouvoir. Il s’agit d’un système qui combine un scrutin majoritaire et un scrutin proportionnel. Dans le passé, cette loi avait surtout été instaurée pour éviter de reproduire les désastres liés à l’accession au pouvoir de Benito Mussolini et du fascime. Il est donc légitime de se méfier de certains des projets de la gagnante, Giorgia Meloni, qui a non seulement souvent applaudi plusieurs aspects politiques de Mussolini mais souhaite également abolir cette loi, qu’elle a souvent dit abhorrer. 

Même si Giorgia Meloni assure aujourd’hui de son détachement face au fascisme, on peut voir un hasard troublant dans cette victoire, exactement cent ans après l’ascension au pouvoir de Mussolini, à l’automne 1922.

Maintenant Giorgia Meloni essaye de rassurer les citoyens italiens et européens en affirmant que son probable mandat ne va pas radicalement changer les choses et ne met pas en danger la démocratie. Elle veut représenter tout le peuple italien. Mais bon nombre de ses idées et de ses propos ne vont pas dans ce sens. 

D’un autre côté, il est vrai que Giorgia Meloni a essayé de se distancer des éloges qu’elle avait adressées aux actions de Mussolini. Elle ne semble plus supporter la comparaison avec ce dernier. Elle se montre également moins eurosceptique qu’il y a quelques mois. Elle n’a cependant pas renié ses idées très conservatrices, inspirées en partie par le philosophe anglais Roger Scruton. Elle s’est souvent décrite comme étant avant tout une femme, une mère et une chrétienne. En effet l’un des points fondamentaux de sa politique réside dans les valeurs de la famille traditionnelle. Mettant ainsi à l’arrière-plan, entre autres, les droits des homosexuels.

Avec la victoire de Giorgia Meloni, l’Italie devient l’un des pays les plus populistes d’Europe et un symbole d’inspiration, plutôt déconcertant, pour les autres partis de droite et d’extrême droite du vieux continent. Parmi eux l’on peut trouver Marine le Pen, présidente du parti français Rassemblement national, ainsi que le parti d’extrême droite espagnol Vox, qui félicitent la politicienne italienne. L’Italie a en effet relevé le taux le plus élevé de voix pour l’extrême droite en Europe depuis 1945. Et après la victoire il y a quelques semaines du parti conservateur en Suède, dit d’extrême droite, on peut se demander quelles en seront les répercussions pour l’avenir de l’Europe.

Montebrusco Sara
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