Licences UMTS

Le quatrième homme

d'Lëtzebuerger Land vom 29.06.2000

Jean-Claude Bintz n'est pas content. Le patron de Tango a plaidé au cours des consultations sur l'UMTS pour l'octroi de seulement deux licences. La concurrence jouant de toute façon sur les services. Partie perdue : le gouvernement, qui a enfin découvert qu'il dépend davantage des télécommunications que le seul sort de l'Entreprise des postes et télécommunications (EPT), a décidé d'accorder quatre licences UMTS - le maximum techniquement possible.

L'UMTS (universal mobile telecommunications services) est le standard des communications mobiles de la troisième génération. Le successeur donc du GSM. Le plus de l'UMTS sera sa bande passante, et donc les services en ligne qu'il offrira. Au niveau de la seule téléphonie, il n'ajoutera rien de nouveau.

C'est bien sûr injuste, un procès d'intention voire du mépris pour les instances gouvernementales. Mais depuis que le nombre de licences UMTS est connu, il y a surtout une question qui hante les esprits dans le secteur : qui aura la quatrième licence ?  

Les licences seront octroyées à base de dossiers, donc selon un « beauty contest ». C'est très bien. Or, qu'est-on supposé trouver de tellement mieux dans un dossier que dans l'autre ? Les fournisseurs de technologie seront les mêmes, personne ne se donnera de faille sur les sommes à investir et derrière chaque demande on trouvera, d'une manière ou d'une autre, un opérateur de mobile expérimenté. La différence devra venir d'ailleurs. Un critère idéal est dès lors « l'intérêt pour l'économie nationale ». 

Le calcul est simple : la première licence est réservée à l'EPT -- pas de commentaire. La seconde reviendra à la Société européenne de communication (SEC), l'opérateur du réseau GSM Tango - même logique. La troisième, rares sont ceux qui en doutent, ira à Cegedel respectivement à sa filiale Cegecom. Avec la libéralisation du marché de l'électricité, la société s'attend beaucoup de sa diversification dans les télécommunications. Et le gouvernement a encore une petite dette envers les électriciens du temps de l'octroi de la seconde licence GSM. 

La seule question à rester ouverte est celle du partenaire de Cegecom. Qu'il y en aura un n'est pas un secret. Et côté opérateurs internationaux, il y aurait d'ailleurs une demande plutôt grande, en dépit du fait que Cegecom est déterminé à rester majoritaire dans le consortium. Lors du projet GSM de Cegedel, le partenaire opérationnel était Mannesmann, aujourd'hui repris par Vodafone. Une première piste. Dans l'actionnariat de Cegedel on trouve, si on cherche bien, Suez Lyonnaise des Eaux. Une deuxième piste, même si on s'accorde dans le secteur à dire que François Thys, le patron de Cegecom, aura les mains libres dans son choix. Selon les mêmes voix, le favorit serait d'ailleurs ni l'un ni l'autre, mais KPN Mobile, la filiale de l'ancien monopoliste néerlandais. Un groupe qui collabore déjà avec Cegecom. Il ne faudra d'ailleurs pas s'étonner si la SES sera aussi présente dans le paquet Cegecom. À Betzdorf on s'interroge en effet sur les opportunités pour la communication par satellite dans le cadre des réseaux UMTS. 

Pour le quatrième dossier, il faudra aussi, même si derrière on trouvera un grand opérateur étranger, un petit drapeau luxembourgeois. Lors du concours GSM, l'Arbed avait joué ce rôle pour France Télécom. Les Français seront sans doute intéressés de réessayer. Il ne faut de même pas être surpris si Vodafone et Deutsche Telekom pointent aussi le nez.

D'autant plus qu'il n'est pas à exclure qu'ils viseront le Luxembourg - pays à superficie réduite mais au  pouvoir d'achat élevé - comme laboratoire grandeur nature. Une idée d'ailleurs présente dans les négociations actuelles de Cegecom. Les cinq milliards à investir sont à ranger dans le tiroir des peanuts pour ces groupes. C'est moins vrai pour l'EPT, mais elle n'aura pas vraiment le choix de suivre la cadence. Même si d'autres se lancent avant que les technologies soient éprouvées et dans leur état définitif.

Une couverture grand-ducale pour le quatrième projet pourrait aussi venir du Kirchberg et les services techniques de CLT-Ufa, depuis le 1er janvier regroupés dans la filiale BCE. Celle-ci est déjà active dans les télécommunications et il sera, pour le groupe, intéressant de collaborer le plus tôt possible dans un projet UMTS. RTL Group est prédestiné à devenir un fournisseur de contenu pour les services UMTS.

Certes, l'exemple de la seconde licence GSM a montré qu'il vaut mieux être prudent avec les prédictions. Il n'est pas moins qu'il reste probable que dans quatre licences, il n'y aura plus qu'une surprise. 

 

Jean-Lou Siweck
© 2023 d’Lëtzebuerger Land