La web-série grand-ducale W. est de retour en ligne pour une deuxième saison. Huit épisodes qui gardent les défauts de la première saison, tout en renonçant à un certain nombre de ses points d’intérêt

W. face à la cybercriminalité

d'Lëtzebuerger Land du 30.09.2022

Une web-série luxembourgeoise, en luxembourgeois, imaginée, réalisée, produite et jouée par des Luxembourgeois, jusqu’en janvier 2020, c’était du jamais vu ! Le pays avait déjà tâté de la sitcom (Weemseesdet, Comeback), de la série de fiction (Zëmmer ze verlounen), de la série dramatique (Bad Banks, Capitani), de la série documentaire (routwäissblo) et surtout de la série animée (Michel, Grenadine & Peppermint, Zoli & Pokey, Ernest et Célestine, Fox & Hare, Barababor…), mais pour de la web-série il a fallu attendre W.

Dans cette série écrite, réalisée et produite par Frédéric Zeimet (scénariste de la série Comeback et du film Doudege Wenkel), le spectateur suit l’histoire de Charlotte « Charly » Bech, une jeune femme atteinte du syndrome d’Asperger. C’est le même trouble du spectre autistique que des personnages connus tels que Sheldon Cooper dans The Big Bang Theory, Shaun Murphy dans Good Doctor, Morgane Alvaro dans HPI ou encore Astrid Nieslen dans Astrid et Raphaëlle. Comme tous les autres personnages (de fiction) touchés par ce syndrome autistique, Charlotte a d’énormes capacités cognitives, mais également de grandes difficultés dans les interactions sociales. En plus, elle a perdu la mémoire.

Dans la première saison, elle est découverte par la police, seule dans les bois, avec des vêtements tâchés de sang. Elle finira, en cinq épisodes de cinq à dix minutes, par aider les flics à résoudre un cas de kidnapping d’enfants. Moins d’une heure au total, c’est court. Difficile de vraiment développer la psychologie des différents personnages. De plus, c’est réalisé avec un budget rikiki, ce qui impose un nombre réduit de personnages, de décors, de jours de tournage… La série a donc plein de petites imperfections, mais quelque chose fait que l’ensemble se tient. Catherine Elsen assure dans le rôle principal et le travail sur l’image et le son en lien avec le ressenti intime de Charlotte est une réussite.

Résultat, la web-série totalisera plus de 100 000 vues sur les différentes plateformes web (facebook, youtube, vimeo, instagram, videmic, flixxo) et obtiendra la reconnaissance du petit monde de la web-série avec des nominations internationales et des trophées prestigieux : Gold Award au DC Web Fest, meilleur scénario à dieSeriale et au TO Webfest, sans oublier un titre de vice-championne à la Web Series World Cup.

De quoi donner envie à l’équipe de se remettre au travail et d’offrir une suite à la série. Ça tombe bien, la première saison se terminait sur un cliffhanger, avec Charlotte découvrant que son mari et son fils disparus ont besoin d’elle. Le spectateur voulait en savoir plus. Le voilà servi depuis le 15 septembre dernier. Un Kapitel II en huit épisodes que la production distille une nouvelle fois sur les plateformes web au rythme d’un ou deux épisodes par semaine, selon les besoins de l’intrigue et l’impatience de la communauté des spectateurs. Tom, le policier en charge de la première enquête, est mort, son subordonné et ami, Greg, va prendre du galon. De simple wingman offrant un ressort humoristique à la série, il va devenir un second personnage principal de la série aux côtés de Charlotte.

Après les kidnappings d’enfants, le Luxembourg doit faire face à un vaste piratage informatique. De grandes sommes et de nombreuses données personnelles ont été volées et tous les systèmes informatiques de l’état ont été bloqués. La petite équipe de policiers en charge de la cybercriminalité a besoin des compétences de Charlotte pour avancer sur l’enquête, d’autant plus que l’affaire semble avoir un lien avec la disparition de la famille Bech. Cette nouvelle enquête policière va permettre à Frédéric Zeimet de parler de sujets actuels : du Covid bien sûr et la manière dont il a chamboulé nos vies, mais aussi d’homosexualité, de sexisme, d’amour et d’amitié... De sujets évoqués, plus que traités, faute de temps, mais bien présents et bien évidemment pertinents.

Reste que la manière de les amener est déroutante. L’épisode 2 de la nouvelle saison se résume en une consultation chez le psy de Greg, tandis que le tome 3 est entièrement axé sur une crise d’angoisse de Charlotte. Le réalisateur donne ainsi une plus grande profondeur aux personnages, il valorise le travail de ses acteurs, mais avec ça, l’enquête ne débute vraiment qu’à l’épisode 4. Un sacré risque scénaristique, pas certain qu’il se révèle payant. Au-delà de ça, dans le but de ne pas faire la même chose que dans la première saison, cette suite délaisse trop souvent l’aspect visuel et sonore qui participé grandement à la réussite de la première saison de la série. C’est bien dommage. D’autant plus qu’un budget une nouvelle fois serré n’a pas permis à l’équipe d’éviter un certain nombre d’imperfections.

Le personnage de Charlotte aussi particulier que bien interprété, l’aspect « whodunit » de la série avec la tension qui monte au fur et à mesure– surtout à la fin de l’épisode 7 – et ce jeu de pistes composé des titres d’épisodes en une seule lettre qui forment un mot important pour le récit. À voir si ça suffira pour redonner envie à la communauté W. de suivre cette nouvelle saison avec la même assiduité que lors de la première saison.

W. de Frédéric Zeimet avec Catherine Elsen, Frank Grotz, Frédérique Colling, Elena Spautz, Claude Faber, Konstantin Rommelfangen. Production : Six Letters

Pablo Chimienti
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