Terminaux mobiles

Une guerre de brevets vise Android

d'Lëtzebuerger Land vom 05.08.2011

Entre Google et ses principaux rivaux, dont Apple et Microsoft, la hache de guerre est déterrée. L’enjeu, ce sont une série de brevets des firmes Nortel et Novell récupérés par les rivaux de Google. Selon ces derniers, ces brevets sont utilisés abondamment et de manière indue par la plateforme pour terminaux mobiles de Google, Android.

Le début des hostilités a été marqué par un post publié sur le blog de Google par un de ses juristes, David Drummond. « J’ai travaillé dans l’informatique pendant plus de deux décennies. Microsoft et Apple se sont toujours furieusement attaqués, donc lorsqu’ils se mettent ensemble il y a lieu de se demander ce qui se passe », dit Drummond. Il continue en expliquant qu’Android marche si bien que 550 000 appareils Android sont activés tous les jours. C’est ce succès qui selon Drummond a amené certains de ses concurrents dont Microsoft, Oracle et Apple à lancer une « campagne hostile, organisée, contre Android », par le biais de « brevets bidon ». Les groupes qui ont racheté des brevets de Nortel et Novell exigent 15 dollars de royalties sur chaque appareil Android vendu, affirme Drummond, qui voit dans cette démarche une tentative anti-cocurrentielle pour rendre les appareils Android plus chers. Le Département de justice suit avec attention ce dossier, ajoute-t-il, d’autant que le prix du paquet de brevets de Nortel a bondi de manière surprenante d’environ 1 milliard de dollars à 4,5 milliards lors de son rachat par Microsoft, Apple et les autres, regroupés au sein d’une coalition appelée CPTN.

Microsoft a répliqué du tac au tac : son conseil principal Brad Smith a publié un tweet cinglant affirmant que « Google dit que nous avons acheté des brevets Novell pour empêcher Google d’y avoir accès. Vraiment ? Nous leur avons demandé de faire une offre conjointe avec nous. Ils ont dit non ». En Frank Shaw, responsable de la communication de Microsoft, de publier l’email d’un autre juriste de Google, Kent Walker, notifiant, sur un mode quelque peu informel mais néanmoins parfaitement clair, le refus de Google de participer à une telle offre conjointe.

Google a donc tort de jouer aux vierges effarouchées : comme les autres, il a envisagé de mettre la main sur ces brevets convoités. On apprenait début juillet qu’il avait participé aux enchères, mais de manière quelque peu bizarre, puisque ses offres avaient été libellées en chiffres un peu spéciaux : 1 902 160 540 dollars, 2 614 972 128 dollars et 3,14159 milliards de dollars : il s’agit de grandeurs mathématiques bien connues à savoir la constante de Brun, la constante de Meissel-Mertens et pi. On ne saura sans doute jamais pourquoi Google a utilisé ces chiffres pour participer à ses enchères mais il est clair que le géant ne les prenait guère au sérieux. Il semble d’autant plus mal placé pour reprocher à ses concurrents de chercher des poux à Android. Drummond fait valoir qu’un smartphone peut donner lieu « jusqu’à 250 000 plaintes (largement discutables) ». « Au lieu de jouer la compétition pour créer de nouvelles caractéristiques pour leurs appareils, ils se battent à travers des actions en justice », regrette-t-il.

Ces grands groupes jouent-ils vraiment la carte de l’innovation en acquérant à coups de milliards des brevets sur des inventions protégées par un droit des brevets pas toujours très regardant ou cohérent ? De la part des grands groupes, les tentatives échevelées de faire enregistrer comme inventions des caractéristiques innovantes de programmes, de sites ou d’appareils dans l’univers du Net sont fréquentes. Une partie de ces demandes aboutissent, même lorsqu’on a du mal à comprendre pourquoi. Dans ce cas, elles ont surtout pour effet de défavoriser les entreprises de petite taille, incapables de faire face aux énormes frais liés à des actions en justice, et en définitive de décourager l’innovation. Il n’en reste pas moins que Google, en retard par rapport à ses concurrents car disposant de beaucoup moins de brevets accumulés, apprend à ses dépens qu’il est périlleux de sous-estimer cette dimension de la guerre économique.

Jean Lasar
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