Macro-économie

Docteur, j'ai peur

d'Lëtzebuerger Land vom 06.02.2003

Le rêve est-il fini ? Les Luxembourgeois doivent du moins se poser la question, alors que l'économie nationale a pris congé des temps de plénitude. Ils semblent d'ailleurs disposer d'un nez assez fin pour la santé conjoncturelle du Grand-Duché. Bien avant que les médias ne colportent, en septembre dernier, l'annonce statistique du ralentissement de l'économie luxembourgeoise, on était dans les magasins sur ses gardes dès juillet 2002. C'est ce que révèle l'« indicateur de confiance des consommateurs », un indicateur macro-économique certes des plus ordinaires mais qui, jusqu'ici, faisait défaut au Luxembourg.

Depuis un an, ce n'est plus le cas. La Banque centrale du Luxembourg (BCL) a publié la semaine dernière les premiers chiffres relatifs à la confiance des consommateurs. Avec les données de janvier 2003, l'institution dispose pour la première fois de chiffres comparables sur douze mois. L'indicateur de confiance synthétise le sentiment des Luxembourgeois quant à leur situation financière, la conjoncture en général, le chômage ainsi que leur capacité à épargner au courant de l'année à venir.

Quand la BCL a lancé ses enquêtes, le soleil brillait encore. Tout au long du premier semestre 2002, l'indicateur affichait un résultat résolument positif avec des valeurs comprises entre huit et quatorze points. L'économie réelle ne tournait cependant depuis la mi-2001 plus qu'au ralenti. Les consommateurs ont réagi à partir de juillet -- et comment. En seulement quatre mois, l'indicateur de confiance passe à moins cinq en novembre. Depuis, en décembre et janvier, il s'est un peu repris. Mais, à une valeur de zéro, il reste loin de l'optimisme du début de 2002. Quant à leur situation personnelle (situation financière et capacité d'épargner), les Luxembourgeois restent en fait assez sereins. Pour le pays dans son ensemble (situation économique générale et chômage), ils se montrent par contre plus pessimistes.

La grande question que soulèvent de tels indicateurs de confiance est celle du lien entre, d'une part, la perception des consommateurs et, d'autre part, la situation réelle ainsi que leur comportement personnel. Au sujet de l'inflation, la BCL constate ainsi que perception et réalité statistique n'ont que peu en commun. Début 2002, les Luxembourgeois estimaient que les prix augmentaient alors qu'ils étaient plutôt stables. Au second semestre, la crainte des consommateurs s'est atténuée alors que l'inflation réelle reprenait.

Quand il s'agit de leur comportement personnel, les sondages auprès des consommateurs semblent mieux à même de saisir la réalité économique. En comparant l'évolution de l'indicateur de confiance à celle du chiffre d'affaires du commerce de détail, force est de constater que c'est en effet à partir de juillet 2002, que l'activité se tasse. Sur un an, le chiffre d'affaires des commerces luxembourgeois augmente ainsi au premier semestre 2002 en moyenne, mais recule aussi bien en juillet qu'en août et septembre. Les chiffres sur les trois derniers mois de l'année manquent encore.

Les consommateurs ont donc mis le frein. À moyen terme, l'optimisme semble cependant l'emporter. En ce qui concerne l'intention de procéder à des dépenses importantes, à l'exemple de l'achat d'une voiture ou l'acquisition d'un logement, les indicateurs de confiance sont restés plutôt stables tout au long de 2002. Ce que les visages satisfaits des distributeurs automobiles après deux semaines de festival confirment.

Jean-Lou Siweck
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