Dur dur d’être militant pour les droits de l’Homme ces temps-ci. L’initiative pour un devoir de vigilance est née en 2018, quelques mois avant les législatives pour que les partis s’engagent à voter une loi contraignant les entreprises à respecter les principes directeurs des Nations unies adoptés en 2011, sur toute leur chaîne de valeur. Étaient notamment visés les groupes financiers basés au Luxembourg dont les filières d’approvisionnement descendent dans les pays en développement et dont les actionnaires vivent dans les pays riches. L’article du Quotidien du 20 mars 2018 annonçant la naissance de la plateforme, prenait comme exemple « les milliers d’enfants travaillant dans les mines de cobalt au Congo ». Dans son édition de mardi, le Wort consacre son article d’ouverture à une enquête de Global Witness Organisation sur l’implication d’une société luxembourgeoise (Traxys) dans le commerce de cobalt prélevé dans des mines congolaises et exporté illégalement via le Rwanda, sur fond de guerre civile.
Au Luxembourg et (surtout) au niveau de l’UE, le militantisme avait fait son chemin et mené à l’adoption en 2022 et 2024 de directives majeures en matière d’engagements sociaux pour les entreprises, CSRD (publications en matière de durabilité) et CSDDD (devoir de vigilance). Elles n’étaient pas forcément à la hauteur des attentes des ONG, mais ces dernières espéraient que les États hausseraient le niveau d’exigence en transposant les textes. Mais la Commission et le Parlement européens, dominés par la droite et/ou les libéraux ont encore porté atteinte aux attentes de la société civile cette année en votant la directive Omnibus. Le texte voté le 3 avril au Parlement repousse l’application des CSRD et CSDDD et en diminue la portée, que cela soit en matière de droits humains ou de protection environnementale. Reste aux États à se prononcer.
L’Initiative pour un devoir de vigilance s’en émeut évidemment et lance cette semaine sa campagne « Luxembourg, tenons le cap » pour « défendre les droits humains face à la dérégulation européenne ». Au cours d’une conférence de presse mardi matin à la Mënscherechtshaus, le coordinateur de l’initiative, Jean-Louis Zeien, a fait valoir que le périmètre des entreprises concernées et le coût lié de la directive CSDDD étaient limités, « 0,13 pour cent des dividendes versés aux actionnaires », lesquels auraient augmenté de 74 pour cent depuis 2014. Toujours dans une quête de renouvellement pour véhiculer son message, la plateforme d’ONG s’est associée à huit personnalités pour alerter sur « cette dérégulation qui profiterait essentiellement aux multinationales aux détriment des droits fondamentaux, des travailleurs, des populations vulnérables et de la planète ». Figurent par exemple le patron de la PME Peintures Robin, Gerard Zoller, l’ancien ministre socialiste Jean Asselborn, l’ancien candidat écologiste et avocat Charles Muller et Jana Degrott, entrepreneuse et ancienne candidate libérale aux élections.