L’acide trifluoroacétique (TFA) s’infiltre partout. Il est le résultat très persistant de la dégradation de certains produits chimiques fluorés et de pesticides PFAS, utilisés dans la réfrigération et de plus en plus dans l’agriculture. Parce qu’il ne peut être décomposé par des processus naturels, il s’accumule inévitablement dans l’eau, le sol, les plantes et même dans le sang humain. Des études du Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), auxquelles le Mouvement écologique a contribuées, ont mesuré la présence de ce « polluant éternel » dans les eaux souterraines et de surface, puis dans les eaux minérales. Sa présence est désormais également avérée dans le vin.
Après l’analyse d’échantillons de vin provenant de dix pays européens, un nouveau rapport du PAN Europe, présenté ce mercredi, s’alarme de l’accumulation du TFA dans ces produits agricoles. Dix vins anciens (millésimes entre 1974 et 2015) et 39 vins jeunes (millésimes 2021-2024) ont été analysés, dont trois vins luxembourgeois du millésime 2023. « Le TFA n’a pas été détecté dans les vins d’avant 1988, alors que les vins de 2021-2024 présentent des niveaux moyens de 122 μg/L, avec quelques pics de plus de 300 μg/L », détaille Helmut Burtscher-Schaden de Global2000 en Autriche, pays dont les vins sont particulièrement affectés.
La contamination des échantillons de vin luxembourgeois – pinot gris, rosé et pinot noir, provenant de l’agriculture conventionnelle – se situe en dessous de la moyenne, avec 50 microgrames par litre. Cela peut sembler rassurant, mais la Direction de la Santé luxembourgeoise a fixé une valeur de référence pour l’eau potable de douze microgrammes de TFA par litre. Les vins luxembourgeois dépassent donc cette valeur d’un facteur cinq. Même si l’on consomme bien plus d’eau que de vin, ces chiffres démontrent néanmoins que la contamination par le TFA est omniprésente et ne doit pas être sous-estimée. Aussi, Michael Müller, professeur de chimie pharmaceutique et médicale à l’Université de Fribourg, qualifie la forte accumulation de TFA dans les aliments végétaux de « signal d’alarme nécessitant des mesures décisives ».
Dans tous les échantillons, les vins présentant des niveaux les plus élevés de TFA sont aussi ceux qui contiennent la plus grande quantité de résidus de pesticides synthétiques. Ce qui prouve que les pesticides PFAS sont la principale source de contamination par le TFA dans l’agriculture et les chaînes alimentaires. Les résidus relativement élevés du fongicide Folpet dans les vins luxembourgeois sont particulièrement préoccupants. Le pinot noir et le pinot gris affichaient des valeurs d’environ 300 microgrames par litre, se situant ainsi parmi les plus élevées, devant d’autres vins européens. Dans le pinot noir, jusqu’à six pesticides différents ont été détectés, contre trois dans les deux autres échantillons (la moyenne au niveau européen étant de trois).
Les auteurs de l’études réclament d’abord une meilleure connaissance des risques que représente le TFA pour la santé humaine car la toxicité des PFAS, sa « substance mère », est, elle, bien établie. Un programme de surveillance complet du TFA dans les produits alimentaires et une réglementation de précaution s’impose également.
Actuellement, plus de trente substances actives PFAS sont encore autorisées dans les produits phytosanitaires pour l’agriculture en Europe. Le 12 mars, les États membres de l’Union européenne ont décidé de l’interdiction du flufénacet, reconnu perturbateur endocrinien. Cependant, un délai de 18 mois a été accordé pour écouler les stocks. Les membre du PAN Europe appellent à une interdiction de tous les pesticides PFAS et des gaz fluorés, alors que les 27 doivent se prononcer mi-mai sur une proposition de la Commission européenne visant à interdire le flutolanil, un pesticide PFAS émetteur de TFA.