Chèques-service

Panique dans le poulailler

d'Lëtzebuerger Land du 21.05.2009

Depuis l’introduction des chèques-service pour l’accueil des enfants, le 1er mars 2009, l’agitation est palpable. Des parents, des gestionnaires de foyers et crèches et des agents communaux ne s’y retrouvent plus. C’est pourquoi le ministère de la Famille a mis sur pied un call center1, qui a reçu des centaines d’appels de personnes déconcertées et qui tente de mettre de l’ordre dans le brouhaha ambiant. 

D’abord, beaucoup de parents dont les enfants étaient déjà inscrits dans une structure d’accueil ne savaient pas qu’ils étaient obligés de se présenter à la commune pour obtenir leur carte. Un deuxième contretemps fut la mauvaise préparation de certaines communes, dont le personnel n’était pas à même d’utiliser correctement les logiciels pour enregistrer les données destinées aux services du syndicat intercommunal Sigi. Pour pallier ces lacunes, des formations supplémentaires ont été organisées, précise Mill Majerus, responsable pour la mise en œuvre du nouveau système auprès du ministère de la Famille.

Ensuite, il regrette que certaines crèches privées ont profité de l’occasion pour justifier une hausse importante de leurs tarifs. « Il y en a qui ont le toupet de motiver cette hausse par une prétendue obligation d’embaucher du personnel administratif, s’offusque Mill Majerus, alors que c’est le contraire. La facturation se fait entièrement par le syndicat communal Sigi ! » 21 000 factures ont été émises depuis le mois de mars. D’autres établissements ont changé les contrats avec les parents avec des durées de présence qui vont jusqu’à soixante heures par semaines – peu importe que les enfants soient présents ou non pendant toute cette durée. D’au­tres ont exigé une avance de un ou deux mois pour surmonter la période de transition. D’autres encore exigent des parents, dont la facture s’élève à un montant inférieur à 300 euros, de régler en espèces. « En fait, nous voulions éviter de nous mêler des relations entre les gestionnaires et les parents, gronde Mill Majerus, mais par ces agissements, nous estimons qu’il faudra aussi revenir sur ces points-là dans le cadre des accords de collaboration du ministère avec les crèches privées. » 

Le subventionnement public de la garde d’enfants risque d’être absorbé par des entreprises privées qui en profitent pour augmenter leurs tarifs. Un peu comme les subsides destinés à l’aide au logement. Cepen-dant, les crèches privées ont de moins bons arguments par rapport aux crèches conventionnées, car ces dernières sont obligées d’embaucher plus de personnel qualifié. En principe, elles coûtent plus cher de l’heure – leur tarif est plafonné à 7,5 euros – alors que le tarif privé tournait jusqu’ici autour des cinq euros. « Les crèches doivent se demander si elles ont vraiment intérêt à suivre cette politique-là, au lieu de rester attractives, ajoute Mill Majerus, surtout que le secteur des crèches conventionnées n’est plus aussi saturé qu’il y a quelques années. » Ces propos sont aussi repris par Claude Janizzi, le responsable des crèches au ministère de la Famille : « Celles qui menacent de diminuer leurs effectifs et de devoir fournir un service moins bon à cause de l’introduction des chèques-service ne sont pas crédibles. » 

Surtout qu’une grande partie du subventionnement total de l’État revient aux crèches commerciales. Une bonne chose, selon Claude Janizzi, car elle permet l’admission de familles à revenu modeste qui étaient jusqu’ici exclues des crèches privées. Le gouvernement avait prévu vingt millions d’euros pour l’année 2009 et une ligne de crédit illimitée consacrée à l’introduction des chèques-service. « Heu­reusement, ajoute Mill Majerus, car nous pensons que nous franchirons les 25 millions cette année. »  Claude Janizzi estime que la part du gâteau pour les crèches conventionnées se limitera de 3,8 millions d’euros par an – comme la participation des parents était déjà majorée en fonction de leur revenu, avant mars 2009. 

Certaines maisons-relais et foyers de jour ont aussi la fâcheuse tendance à devenir plus strictes. Ainsi, certaines refusent dorénavant l’admission d’enfants pour une heure seulement, ou bien elles facturent les repas, même si l’enfant est excusé. Dans ces cas, les parents peuvent s’adresser aux services de Mill Majerus qui compte remette les pendules à l’heure. Comme la flexibilité des admissions a toujours été l’argument de vente des maisons-relais, il n’est pour lui pas question d’en arriver à un cadre trop strict.

Un grand point d’interrogation demeure la nouvelle façon de facturer les montants dus par les parents. Des rumeurs d’inexactitudes et de copinage circulent – le personnel communal qui aurait tendance à inscrire des montants de salaires inexacts selon la tête du client. Comme les données sont immédiatement effacées après leur enregistrement, le calcul ne peut être retracé.  « Les personnes qui ont un doute peuvent appeler le call center pour refaire le calcul, précise Mill Majerus, pour ce qui est des données financières enregistrées par la commune, elles sont masquées pour éviter des abus. Mais l’agent doit préciser sur base de quel document il a fait son opération : la feuille d’impôt, la fiche de salaire etc. Il est donc possible de retracer les calculs. »

Surtout que la différence de tarifs peut varier énormément selon le statut matrimonial des parents. Pour les couples non mariés, l’affaire est plus intéressante que pour les couples mariés ou pacsés. « La consigne est de considérer le revenu du parent qui a la charge des enfants, précise Mill Majerus. Que dire des familles recomposées dont les enfants sont considérés comme une unité ? Ils profitent aussi du fait que le tarif baisse à partir du premier enfant et là, personne ne vient se plaindre non plus. » 

Dès l’automne, les chèques-service seront étendus aux cours de musique et aux clubs de sports – pour autant qu’ils remplissent quelques critères de qualification de personnel et d’infrastructures d’accueil.

1 numéro de téléphone : 80 02 11 12

anne heniqui
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