Les dépenses de retraite dans l’OCDE atteignent 9,2 pour cent du PIB de la zone,
contre 7,7 pour cent en 2017. Comment s’en sortir à moyen terme ?

Les retraites à l’époque post-Covid

d'Lëtzebuerger Land vom 17.12.2021

Les personnes âgées ont payé un lourd tribut à la pandémie de Covid-19. Au Luxembourg en 2020, le nombre de décès des plus de 65 ans a augmenté de dix pour cent alors qu’il avait légèrement baissé l’année précédente, et que la mortalité baissait de 2,8 pour cent dans les tranches d’âge inférieures. Mais, au Grand-Duché comme dans de nombreux autres pays, les revenus des seniors, notamment leurs retraites* ont bien été protégés pendant la crise sanitaire, comme le montre le « Panorama des pensions de l’OCDE 2021 » paru le 8 décembre. Le document note également que « les droits à pension future ont été préservés grâce à la réponse exceptionnelle des pouvoirs publics face à la crise » (lire encadré).

Mais la pandémie passera et les problèmes de financement seront toujours là. Avec une population âgée de plus en plus nombreuse par rapport aux actifs et plutôt bien couverte sur le plan financier, la situation risque de devenir intenable, faisant craindre « des décisions politiques douloureuses » dans un proche avenir.

Bien que les gains de longévité aient quelque peu ralenti depuis 2010, le rythme du vieillissement démographique devrait toujours être rapide au cours des deux prochaines décennies. L’âge médian dans les pays de l’OCDE (une personne sur deux est plus âgée) a doublé depuis 1975, passant de vingt à quarante ans, et frôlera les cinquante ans dès 2070.

Jusqu’ici les seniors ont assez bien tiré leur épingle du jeu financièrement. L’OCDE montre en effet qu’au cours des dernières années, les revenus des personnes âgées ont augmenté plus vite que pour l’ensemble de la population.

Dans les pays membres, le revenu moyen disponible des plus de 65 ans correspond aujourd’hui à 88 pour cent de celui de la population totale, contre 82 pour cent en 2000. En Italie, il est même identique alors qu’il n’atteignait que 85 pour cent du montant moyen en 2000. Il lui reste inférieur de six pour cent aux États-Unis et de 18 pour cent au Royaume-Uni mais la progression a été très forte, environ dix points de plus dans chaque pays en 20 ans. Une croissance relative moins nette a été observée au Canada, en Allemagne et en France, mais dans ce dernier pays les revenus des seniors étaient déjà très proches de la moyenne nationale en 2000. Par ailleurs, note le rapport, « une tendance récente se dégage clairement, à savoir l’augmentation de la protection des revenus des individus faiblement rémunérés tout au long de leur vie professionnelle ». Dans les pays de l’OCDE, le « filet social » pour les retraités s’élève désormais à vingt pour cent du salaire brut moyen.

Avec des seniors plus nombreux et mieux rémunérés, les dépenses de retraite dans l’OCDE atteignent 9,2 pour cent du PIB de la zone, contre 7,7 pour cent en 2017 ! Comment s’en sortir, sachant que la population des 20 à 64 ans devrait diminuer de plus d’un quart d’ici à 2060 dans la plupart des pays d’Europe du sud, du centre et de l’est, ainsi qu’au Japon et en Corée, provoquant une dégradation accélérée du ratio entre le nombre des personnes de plus de 65 ans et le nombre de celles en âge de travailler : de vingt pour cent au début des années 2000, il est passé à trente pour cent aujourd’hui et doublera d’ici 2060 !

Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, une personne ayant cotisé à un régime obligatoire et effectué une carrière complète au salaire moyen devrait percevoir 62 pour cent de son salaire net quand elle partira en retraite. Mais ce « taux de remplacement » va de moins de quarante pour cent au dans les pays baltes, en Pologne, en Irlande mais aussi au Chili, en Corée et au Japon à 90 pour cent ou plus en Hongrie, au Portugal et en Turquie. 

L’allongement de l’espérance de vie devrait, au moins en partie, être compensé par le relèvement de l’âge légal de la retraite, une mesure qui protège à la fois le niveau des pensions et leur financement. Selon le rapport, les décisions sur le relèvement de l’âge de la retraite ont été limitées au cours des deux dernières années. La Suède l’a fait pour les pensions publiques ; les Pays-Bas ont reporté l’augmentation prévue tout en réduisant l’indexation sur l’espérance de vie ; et l’Irlande a abrogé l’augmentation prévue de 66 à 68 ans. Le Danemark, l’Irlande, l’Italie et la Lituanie ont étendu les options de retraite anticipée.

Cette variable reste néanmoins cruciale et les mesures déjà adoptées laissent prévoir que l’âge normal de départ à la retraite augmentera d’environ deux ans en moyenne dans l’OCDE d’ici le milieu des années 2060, passant d’un peu moins de 64 ans à un peu moins de 66.

Le recul sera plus important (trois ans) en Finlande, en Corée mais aussi aux Pays-Bas, un pays où le départ se fera à 69 ans comme au Danemark, en Estonie et en Italie. En revanche au Luxembourg les hommes pourront toujours prendre leur retraite à 62 ans, tout comme en Colombie et en Slovénie. Les femmes continueront à partir plus tôt que les hommes en Colombie, en Hongrie, en Israël, en Pologne et en Suisse.

Mais le simple recul de l’âge de la retraite n’est pas suffisant. Il faut lui adjoindre d’autres mesures propres à objectiver les changements (aux Pays-Bas, deux tiers des gains d’espérance de vie passent dans l’augmentation de l’âge de la retraite) et à assurer l’équilibre financier du système dans le temps.

Pour ce faire, de nombreux pays ont introduit dans leurs systèmes de retraite des mécanismes d’ajustement automatique (MAA) qui modifient des paramètres-clés tels que l’âge de la retraite, les prestations ou les taux de cotisation, lorsque les indicateurs démographiques, économiques ou financiers changent. Environ deux tiers des pays de l’OCDE (24 sur 38) les utilisent : sept pays lient les conditions d’accès à la retraite à l’espérance de vie tandis que 6 autres indexent les prestations sur l’évolution de l’espérance de vie, de ratios démographiques ou de la masse salariale. Encore six pays disposent de régimes de capitalisation à cotisations définies où l’espérance de vie n’a aucun effet sur le financement des pensions.

L’étude de ces mécanismes montre qu’au fil des ans, ils ont parfois été suspendus, voire supprimés, afin d’éviter les réductions des prestations de retraite et les augmentations de l’âge de la retraite. De plus certains MAA introduits en temps de crise pour rétablir la viabilité financière peuvent être remis en cause une fois l’économie relancée.

Pourtant les MAA rendent les ajustements moins erratiques, plus transparents et plus équitables entre générations que des vastes réformes successives sans grande cohérence. L’OCDE plaide pour leur généralisation parmi les pays membres pour aider à faire face à l’impact du vieillissement..

Des MAA variés

Selon l’OCDE, c’est en Suède et en Finlande que l’on observe les MAA les plus efficaces.

La Suède conjugue l’ajustement automatique des prestations en fonction de l’espérance de vie avec un mécanisme permettant d’assurer la solvabilité du régime. La Finlande ajuste à la fois les prestations et les âges de la retraite en fonction de l’espérance de vie et les complète par un mécanisme d’équilibrage qui modifie les taux de cotisation si nécessaire. L’Italie indexe l’âge légal de la retraite sur l’espérance de vie en tenant compte des variations du PIB. En Allemagne, le mécanisme d’équilibrage ajuste les pensions et les taux de cotisations en fonction de l’évolution démographique. Au Canada existe un « filet de sécurité » garantissant l’équilibre financier tout en privilégiant explicitement une solution politique en cas de déficit : le mécanisme automatique est déclenché à défaut d’accord sur d’autres interventions possibles.

Bonnet d’âne pour la France, un des sept pays membres à ne pas avoir adopté de MAA, ce qui permettrait, par exemple, de prendre en compte la progression de l’espérance de vie. Dans ce pays, qui se caractérise par des cotisations sociales record et un âge moyen de sortie du marché du travail très bas (60,6 ans) « le morcellement des règles des différents régimes (il en existe 42) ne permet pas d’espérer pouvoir piloter le système à partir d’un mécanisme d’équilibrage automatique ». Cette fragmentation favorise « l’opacité de la gestion financière du système de retraite français » dont la réforme est reportée aux calendes grecques pour cause d’élections en 2022. gc

Les retraites et le virus

Pendant la pandémie, dans la zone OCDE, les montants des pensions n’ont pas été affectés, permettant de soutenir la demande des seniors. Par ailleurs les pays membres ont majoritairement mis en place des mesures de compensation des revenus des actifs touchés par les restrictions. En plus de préserver leur consommation, ces dispositifs ont permis de maintenir en partie le niveau des cotisations. Malgré cela, ces dernières ont diminué et plutôt que de pénaliser les systèmes de retraites, les États ont préféré couvrir les déficits sur leurs propres budgets, mettant entre parenthèses certaines règles de bonne gestion des finances publiques.

Les jeunes ont été durement touchés par la crise et, soumis à une « double peine » ; ils pourraient voir leurs prestations futures diminuer, surtout si la pandémie laisse des traces à plus long terme et engendre des difficultés à construire leur carrière. Autoriser l’accès anticipé à l’épargne retraite pour compenser les difficultés économiques, comme on l’a observé dans des pays comme le Chili, peut également conduire à des problèmes à long terme : à moins qu’une épargne future plus importante ne compense ces retraits, des prestations de retraite plus faibles en seront la conséquence. gc

* Selon une étude sur le revenu disponible des ménages français comptant au moins un senior, environ 94 pour cent perçoivent des pensions mais presqu’autant (92 pour cent) perçoivent aussi des revenus du patrimoine, 28 pour cent des revenus d’activité et plus de 18 pour cent des prestations sociales non liées à des cotisations préalables. Les pensions représentent moins des deux tiers (64,3 pour cent) du revenu avant impôts directs de ces ménages.

Georges Canto
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