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La presse brésilienne boycotte Google News

d'Lëtzebuerger Land vom 26.10.2012

Il n’y a pas que les éditeurs de journaux belges ou français qui ont des soucis avec Google News : ceux du Brésil en ont assez de voir le site de news du moteur de recherche aspirer leurs informations et en proposer le titre et les premières lignes aux internautes. L’Association nationale des journaux (AJN) l’a fait savoir ces derniers jours. Elle demande à Google de soit payer pour le droit de publier ces extraits soit de ne plus reprendre les contenus de ses membres. La réponse de Google ne s’est pas fait attendre : c’est un « não » clair et net opposé aux demandes de paiement des éditeurs, avec une analogie tirée du monde du tourisme : vouloir nous faire payer, ce serait comme « taxer un chauffeur de taxi pour emmener les touristes au restaurant ». En d’autres termes : éditeurs, nous vous amenons du trafic, au fond c’est vous qui devriez nous payer.
Si les journaux brésiliens maintiennent leur position, et même si la majeure partie de leurs contenus reste accessible gratuitement en ligne, Google devra continuer de se plier à leur décision. Déjà, Google Notícias est constitué de nouvelles tirées surtout de médias de second rang, les grands quotidiens comme Estado de São Paulo ou Folha de São Paulo étant absents du cocktail habituellement servi par l’agrégateur. L’AJN s’en est félicitée, faisant remarquer que son boycott avait rendu le site brésilien de Google News « plutôt déficient » en l’absence « des contenus offrant la plus grande qualité et crédibilité du pays ». Elle a réitéré son appel à Google d’accepter de négocier une compensation financière pour l’utilisation des contenus de ses membres.
L’AJN affirme que la pratique de Google News prive ses membres d’accès directs de la part des internautes. En d’autres termes, les internautes se satisferaient du titre et des deux ou trois lignes du début de l’article, et du coup ne cliqueraient pas sur le lien vers le contenu original (par définition, Google ne copie ni n’héberge ces contenus). Elle précise aussi avoir cherché à trouver une solution de « partenariat » à travers des négociations en vue d’une « rentabilisation de  l’utilisation des contenus par voie digitale ». Entre autres, l’AJN dit avoir cherché à convaincre Google de ne reprendre qu’une seule ligne de contenu par article. Une solution qui a échoué, toujours selon l’ANJ, parce que cette mesure affectait « radicalement le ranking des résultats montrés lors de recherches ».
Par rapport à d’autres pays dont le milieu de la presse est plus fragmenté, le Brésil a l’avantage de disposer d’une instance représentative des quotidiens relativement puissante, l’ANJ regroupant 150 journaux et couvrant 90 pour cent du tirage des quotidiens. Le Centre Knight pour le journalisme dans les Amériques, de l’Université du Texas à Austin, qui a couvert l’affaire dès la semaine dernière, a cité le stratège digital Robert Andrews estimant que « le Brésil a une classe moyenne de plus en plus digitale et riche, et a cessé d’être un marché émergent pour être un marché réel ». Dès lors, « si Google ne parvient pas à avoir les éditeurs à bord, il peut perdre une grande opportunité en Amérique latine ».
À l’autre extrême, le site techno Techdirt s’est moqué des éditeurs sous le titre « les journaux brésiliens ne semblent pas vouloir de trafic ». Son journaliste Mike Masnick évoque les journaux belges et allemands qui ont également tenté de se faire payer pour être cités par Google News, et les Français « cherchant à obtenir le même cadeau ridicule » aujourd’hui. Il a cité Google qui rappelle qu’au total, il génère quatre milliards de clics vers des sites d’informations par mois. « Les gars des journaux semblent assumer que sans Google News, les gens iraient tout droit vers leur site, ce qui est une hypothèse osée. Ils assument aussi que les gens qui regardent Google News ne cliquent pas sur les liens vers les articles. Ces deux hypothèses sont très osées et pourraient bien être tout à fait fausses », affirme-t-il, avant de conseiller aux journaux non-membres de l’ANJ de profiter de cette situation pour essayer de piquer le trafic des grands journaux.

Jean Lasar
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