À coté des maisons historiques comme Oberweis et Namur, deux jeunes femmes font leur place dans l’univers du chocolat, avec des approches bien à elles. Lola Valerius et Alexandra Kahn se présentent

Gourmandise permise

Chez Genaveh, les pralines  sont moulées puis enrobées  et décorées  à la main
Foto: Sven Becker
d'Lëtzebuerger Land vom 24.12.2021

Elles ont la trentaine, le regard franc et le sourire au lèvres. Ni l’une ni l’autre ne se destinait au chocolat : Lola Valerius a commencé par l’architecture alors qu’Alexandra Kahn a étudié la finance et la gestion d’entreprise en France. Et toutes les deux ont bifurqué vers la pâtisserie par passion. « J’ai commencé par faire des gâteaux pour mes camarades lors de mes études à Vienne avant de me documenter, d’approfondir le sujet et passer un CAP de pâtisserie », rembobine la première. « De retour de Hong-Kong où je travaillais en banque, je voulais faire quelque chose qui me passionne. J’ai donc commencé à suivre des cours de transformation du chocolat et de pâtisserie en France et en Belgique », se souvient la deuxième. Les points communs entre les deux femmes sont donc nombreux, même si leurs réalisations sont différentes. D’une part, Lola qui a ouvert une boutique à son nom en mars 2021 a développé une gamme de bonbons très colorés à l’esthétique intagrammable. De l’autre, Alexandra qui a repris la marque Genaveh en 2017 s’est orientée vers des chocolats plus classiques mais qui ne manquent pas d’audace. La qualité des produits et le travail artisanal étant au rendez-vous tant à Esch qu’à Steinfort, ce qui n’exclut pas une dose de marketing bien pensé.

L’histoire de la petite entreprise installée près de la frontière belge a été déjà été racontée (d’Land 14.12.2018), on peut en rappeler les grandes lignes. Fondée par la biologiste Geula Naveh en 2002, la chocolaterie s’est vite fait un nom pour ses délicieuses pralines (l’occasion de rappeler que les Belges appellent « praline » les bonbons de chocolat de manière générique qu’ils soient pralinés ou non). À son décès inopiné, son mari cherche un repreneur. C’est là qu’intervient Alexandra Kahn, dont le grand-père possédait dans le temps des magasins dans la Grand Rue à Luxembourg-ville. On est en 2017, à quelques encablures de Noël, la plus grosse saison pour le secteur. « C’était assez stressant, heureusement, j’ai pu compté sur l’équipe de cinq collaborateurs qui travaillaient depuis quelques années pour Genaveh », se souvient-elle.

Quatre ans plus tard, la jeune entrepreneuse a bouleversé pas mal de choses dans la société. Elle a d’abord modernisé le look et le packaging avec un bleu clair et une écriture liée où on lit « Chocolatier Artisanal Luxembourgeois ». Un habillage plus jeune et plus élégant. Elle a ensuite développé de nouveaux produits, dont une pâte à tartiner croquante qui fait tourner les têtes, des spécialités thématiques pour les fêtes ou pour Pâques, ou des fruits enrobés de chocolat. En revanche, les recettes classiques et les matières premières sont toujours celles qui ont fait la réputation de la maison, même si de nouveaux parfums (hibiscus, thé matcha, gingembre, rose…) ont fait leur apparition, toujours testés et approuvés par l’équipe avant d’être mis sur le marché. Une ganache végane (à l’huile de colza du Luxembourg), des recherches pour diminuer l’apport en sucre et pour sourcer des producteurs luxembourgeois sont d’autres innovations.

Forte de ces évolutions, Genaveh s’est attaquée au marché international avec une belle visibilité à la Grande Épicerie du Bon Marché de Paris qui lui a ouvert des portes vers le Canada, l’Arabie saoudite ou le Japon… Une success story donc avec une trentaine de revendeurs et un chiffre d’affaires « qui a plus que doublé » en quatre ans. Ces derniers mois, la chocolaterie a profité de la vacance du hall voisin pour faire passer sa surface d’exploitation de 300 à 700 mètres carrés. Elle peut ainsi optimiser la production et le stockage. La prochaine étape sera d’ouvrir une boutique dans la capitale. Un local a été trouvé rue Philippe II où la marque s’installera en mars. Juste à temps pour le boom de Pâques.

Tout en couleurs

C’était justement dans le rush juste avant Pâques 2021 que Lola Valerius a ouvert son atelier et sa boutique à Esch. Après quelques stages et un CAP de pâtisserie en poche, elle a acquis de l’expérience chez Patrick Roger, un Meilleur ouvrier de France, où elle a cependant été déçue par l’ampleur du laboratoire et la mécanisation du travail. Elle décide de se lancer, ralentie dans son élan par la pandémie : « J’ai dû attendre pour trouver mon local, mais j’ai pu continuer à me perfectionner, à développer certaines techniques, à regarder des master classes en ligne », raconte-t-elle, bien décidée à se spécialiser dans le chocolat plutôt que de lorgner du côté des gâteaux, un secteur déjà bien couvert.

La bonne idée de cette passionnée de design et de graphisme est de lancer des œufs (pour pâques) et des bonbons très colorés. Du jamais vu au Luxembourg. Pour y arriver, « il faut penser à l’envers en commençant par l’extérieur ». Les moules sont donc « peints » à l’airbrush avec des couleurs alimentaires, puis la coque en chocolat (blanc, au lait ou noir) est coulée dedans avant d’être remplie par la farce et refermée par une fine couche de chocolat. Entre chaque étape, il faut respecter des temps de repos et de séchage.

Les bonbons ne sont pas seulement spectaculaires, la qualité du fourrage est aussi au rendez-vous. Lola Valerius développe ainsi des recettes avec des produits de saison : caramel au beurre salé, praliné, ganache au yuzu, au fruit de la passion, ou à la rose, massepain, gelée de fruit, Bamkuch… Douze variétés sont proposées, avec des variations saisonnières (une variation autour des épices de Noël pour l’instant). Tout est fabriqué sur place, de manière artisanale : noisettes torréfiées et broyées, caramel, ganaches, purées… Dans la mesure du possible les produits sont locaux comme les fruits de Am Gaertchen, une association basée près de Diekirch qui cultive de manière biologique. Entre deux fournées, la chocolatière travaille à la recherche de nouvelles associations : pop corn, marron et cassis, ananas et muscade. Elle développe aussi quelques produits intemporels pour faire face à la demande comme des dragées de noisette les unes enrobées de chocolat au lait avec une feuillantine pour ajouter du croquant, les autres de chocolat noir au matcha, des tablettes ou des pâtes à tartiner.

France Clarinval
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