Cryptomonnaies

Bitcoin et blockchain ont le vent en poupe

d'Lëtzebuerger Land vom 08.01.2016

Le bitcoin vient de traverser une phase de relatif calme médiatique. Le net repli de sa valeur par rapport aux monnaies traditionnelles y est peut-être pour quelque chose. La lamentable déconfiture de Mt. Gox, la plateforme basée au Japon qui était devenu son principal comptoir mondial, est aussi passée par là. Il serait cependant erroné d’en conclure que la cryptomonnaie s’essouffle.

D’abord, son cours s’est quelque peu repris ces derniers temps, même s’il reste loin, à un peu plus de 400 dollars, de ses plus hauts historiques. Mais surtout, on constate que ceux qui s’intéressent aux cryptodevises regorgent d’idées susceptibles de faire exploser leur utilisation.

Ainsi, en novembre dernier, une start-up américaine, Coinbase, a lancé la première carte de débit en bitcoins. Coinbase gère 2,8 millions de portefeuilles virtuels en bitcoins (wallets) à travers le monde. Il peut sembler contre-intuitif de vouloir introduire une lamelle en plastique pour une devise qui est native du Net. En réalité, la « Shift Card » de Coinbase est susceptible d’étendre l’utilisation du bitcoin en ce qu’elle permet d’effectuer des paiements auprès de commerçants équipés d’un terminal conventionnel pour cartes de crédit. Pour l’instant, son utilisation est approuvée pour les résidents de 25 États américains et ouverte à tous ceux qui disposent d’un compte Coinbase. La start-up espère encourager l’utilisation du bitcoin comme moyen de paiement, alors que selon ses propres constatations, quelque 80 pour cent des transactions avec des bitcoins relèvent encore de la spéculation.

Un autre signe prometteur est l’attention dont fait l’objet la technologie qui sous-tend les cryptomonnaies, le blockchain, de la part de plusieurs intervenants de l’univers financier classique. En septembre dernier, le Nasdaq, Visa et des boutiques d’investissement comme Citi Ventures ou Capital One Financial se sont regroupés au sein de la startup Chain pour étudier conjointement les possibilités offertes par le blockchain pour fluidifier et rendre moins chères différents types de transactions, y compris sur des actions, des obligations ou d’autres valeurs financières. Le blockchain, défini comme « un historique décentralisé des transactions effectuées depuis le démarrage du système réparti », présente en effet un potentiel non négligeable comme mémoire distribuée et infalsifiable de transactions. Ainsi, la Securities Exchange Commission (SEC) a approuvé en décembre l’émission par la firme Overstock, un commerçant en ligne, d’actions sur Internet, et ce à l’aide d’une technologie de type blockchain développée par le commerçant.

Une troisième évolution révélatrice sont les efforts en cours pour créer un cadre transactionnel unique compatible avec toutes les cryptomonnaies. Le bitcoin est la plus connue d’entre elles, mais il en existe plusieurs autres, les plus récentes pouvant d’ailleurs présenter certains avantages fonctionnels par rapport à la première parce qu’ayant bénéficié de l’expérience accumulée avec celle créée par Satoshi Nakamoto. Les plus connues sont Dogecoin, Litecoin, Ripple ou Ethereum, certaines étant vouées à des usages plus spécifiques. Face au risque que les différences de protocole entre ces différents projets ne freinent globalement leur développement, un projet, intitulé « interledger protocol », mené par les animateurs de Ripple et rejoint par de grands noms comme Microsoft et le consortium World Wide Web (W3C), vise à mettre en place un protocole de paiement œcuménique, censé d’ailleurs pouvoir intégrer aussi les devises tradtionnelles. Pour éviter de devoir demander à chaque intervenant financier d’intégrer le protocole propre à chaque cryptodevise, ce protocole fonctionne de manière indépendante pour chaque transaction en demandant aux partenaires de l’effectuer sur un serveur tiers, sur la base de la consignation et du consensus, ce qui délie les participants de l’obligation d’adouber le serveur tiers en lui accordant leur confiance, une procédure lourde et coûteuse. Une fois adopté par une masse critique d’intervenants, un tel protocole est de fait susceptible de faire bénéficier l’ensemble de l’univers financier de l’efficacité et de la fluidité des cryptodevises.

Jean Lasar
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