Le gouvernement et les friches industrielles

Passons aux actes !

d'Lëtzebuerger Land du 11.05.2000

Conscient de son rôle important en matière d'aménagement du terri-toire, le gouvernement souligne dans l'accord de coalition la nécessité d'accorder une priorité au dossier des friches industrielles et situe l'action correspondante dans le cadre du plan régional SUD. 

Quelles sont les initiatives lancées jusqu'ici par l'État en vue de concrétiser cet objectif ? C'est à cette question que je voudrai répondre ici.

 

L'État et l'Arbed ont fondé en 1996 le GIE-Ersid qui a pour objet l'étude et la détermination des sites sidérurgiques luxembourgeois à intégrer dans un concept global de reconversion.

L'étude Agiplan, finalisée au mois de décembre 1997, a retient quatre sites prioritaires, à savoir Belval-Ouest, Éhlerange, Terre-Rouge et Rodange. C'est à la même époque que l'Arbed fait don du haut-fourneau A au peuple luxembourgeois. 

Le deuxième semestre de 1998 voit l'élargissement du GIE-Ersid et la participation des bourgmestres des communes concernées aux réunions du Conseil de gérance ; le développement des projets Utopolis et « Rockhal » ainsi que le début des travaux préparatoires en vue de l'élaboration d'un master plan pour Belval-Ouest. C'est également à cette époque que se situe le début des négociations financières entre l'Arbed et l'État en vue d'une acquisition des terrains Arbed traités par l'étude Agiplan. En date du 30 octobre 1998, le gouvernement retient la mise sur l'inventaire supplémentaire des sites et monuments nationaux des deux hauts-fourneaux A et B ainsi que le principe de la constitution d'une société de développement.

Au cours du 1er semestre 1999 le projet du master plan Belval-Ouest est concrétisé. C'est à la même époque que ce situe le vote d'une loi autorisant le gouvernement à faire aménager une salle de concert pour jeunes dans une des deux ailes du Hall des soufflantes.

... pour être structuré et concrétisé par le nouveau gouvernement

La reconversion des friches industrielles est un dossier complexe impliquant une multitude de ni-veaux d'intervention, de partenaires et de projets concrets. Il exige en plus un travail considérable en termes de négociations et d'élaboration de textes réglementaires.

Une gestion efficace de cet ambitieux projet d'ensemble devra garantir à la fois :

- l'intégration du dossier dans le cadre de l'aménagement du territoire et plus particulièrement dans le plan régional Sud ;

- l'aboutissement des négociations avec les propriétaires des terrains ;

- le développement d'un schéma intégré des transports permettant d'assurer la continuité de la politique menée en la matière au niveau de la Grande Région SLL+, du Grand-Duché et de la région Sud ;

- une intervention directe de l'État en vue d'assurer la réalisation des travaux d'infrastructure indispensables à la viabilisation des terrains ;

- la concrétisation de l'objectif de la décentralisation ;

- l'implication des communes con-cernées dans le processus de développement ;

- la matérialisation de l'action sur le terrain par la réalisation de projets concrets.

Il a semblé indispensable au gouvernement issu des élections de juin 1999 de structurer et de concrétiser sa démarche en la matière, raison pour laquelle il a chargé au mois de novembre 1999 le ministre de l'Intérieur de la coordination du dossier des friches industrielles dans le cadre de ses compétences en matière d'aménagement du territoire.

En tout et pour tout, une cinquantaine de réunions ont été organisées depuis en vue de faire avancer le dossier. Elles ont permis d'associer au débat en plus des ministres et des communes directement concernées, des mandataires politiques de différents partis ainsi que des représentants des syndicats et d'associations pour la protection de l'environnement. En plus, la revalorisation des friches industrielles a été l'un des principaux sujets discutés à l'occasion de la première conférence régionale organisée en tant qu'action commune du ministère de l'Intérieur et des communes de la région Sud le 10 décembre 1999 à Esch-sur-Alzette.

Le dossier des friches industrielles sera poursuivi en parallèle et de manière intégrée à trois niveaux d'intervention (État, région, communes) et sur quatre grands axes d'action (plan régional, valorisation des sites repris dans l'étude Agiplan, priorité au site Belval-Ouest, réalisation rapide de projets d'infrastructure et d'équipements sur ce site).

C'est en se basant sur cette structure que le gouvernement s'est donné des orientations politiques et des objectifs précis.

 

La reconversion des friches industrielles dans le Sud du pays constitue une chance unique pour cette région. En effet l'importance des surfaces en jeu (1 200 hectares) ainsi que leur localisation par rapport aux infrastructures existantes doivent être mises à profit pour y réorienter l'utilisation du sol compte tenu des impératifs d'un développement durable.

Par conséquent, une politique cohérente en matière de friches industrielles englobera la totalité des friches existantes avec leurs prolongements éventuels au-delà des frontières (par exemple Terre-Rouge). Elle prendra en considération tous les modes d'utilisation du sol concevables et impliquera dès lors les ac-tivités économiques, les services publics et privés, le logement, les loisirs, la culture et la conservation du milieu naturel. Elle garantira la participation de tous les partenaires concernés - État, communes, propriétaire - à sa mise en oeuvre et elle sera mise à profit pour matérialiser la politique de décentralisation également définie comme priorité par le gouvernement. Enfin, elle développera sur base d'un état des lieux complet en parallèle des propositions ciblées pour le long terme (plan régional Sud), le moyen terme (mise en oeuvre de l'étude Agiplan) et le court terme (Belval-Ouest).

Le gouvernement s'est donné cinq grands objectifs pour mettre en oeuvre ces orientations.

 

La conférence régionale du 10 décembre dernier a permis de définir de nombreuses pistes concernant le développement de la région Sud en général et le dossier de la reconversion des friches industrielles en particulier, ceci avec la participation active des forces vives de la région et même du pays. Le ministère de l'Intérieur encourage et accompagne les travaux lancés dans ce contexte par les communes. L'élaboration du plan régional est bien engagée et les communes envisagent la création d'un syndicat régional. Entre-temps, la précision du plan régional est poursuivie par le groupe des mandataires politiques composé des bourgmestres de la région.

Il est par conséquent prévu de poursuivre activement la coopération avec les communes en vue de la concrétisation du plan régional et il est envisagé d'organiser avec les élus une journée de réflexion en vue de structurer la poursuite des travaux compte tenu de l'évolution récente du dossier des friches industrielles. Les groupes de travail thématiques mis en place lors de la conférence régionale seront également encouragés à poursuivre leurs travaux, ceci en vue de garantir une intégration continue des forces vives au débat.

 

L'étude Agiplan se compose d'un volet environnemental, d'un volet « étude des besoins », d'un volet « contexte économique et social » et d'un volet « aménagement du territoire ». Elle comprend également des propositions allant dans le sens d'une utilisation multifonctionnelle des friches industrielles et définit les sites dont il faudra viser en priorité la reconversion. Alors que l'étude en question restera la base de référence fondamentale pour développer des projets précis à intégrer dans le contexte plus général du plan régional, il est prévu :

- de poursuivre dans une première étape les travaux relatifs aux quatre sites prioritaires proposés par l'étude Agiplan, à savoir Belval-Ouest, Lentille Terre Rouge, Crassier d'Éhlerange et la partie Ouest de Rodange. Il s'agit ici d'un ensemble de terrains dont la surface est chiffrée à environ 226 hectares ;

- d'approfondir dans ce contexte, et ceci toujours sur base des conclusions de l'étude Agiplan, le projet de revalorisation de Belval-Ouest, considéré comme « priorité des priorités » ;

- d'élargir dans une deuxième étape le champ d'action de manière à inclure les autres terrains traités par l'étude Agiplan qui couvrent un ensemble de terrains de 422 hectares.

 

La libération des friches industrielles permet à l'État de satisfaire à ses objectifs et responsabilités en matière d'aménagement du territoire. D'autre part, l'Arbed est prête à contribuer, en tant que propriétaire, à la démarche esquissée par Agiplan pour le moyen terme. L'État et l'Arbed ont par conséquent décidé de mettre en commun leurs efforts et d'assurer la valorisation des friches industrielles par le biais d'une société de développement de droit privé à laquelle chacun des partenaires participera à cinquante pour cent.

La mission de la dite société consistera à viabiliser et développer les friches industrielles dans un sens favorable à l'intérêt général et tenant compte des impératifs économique, social, écologique, culturel à respecter en la matière ainsi que du contexte défini par l'aménagement du territoire. La société fonctionnera selon les principes de gestion et de valorisation de l'économie privée.

Si le conseil d'administration de la société sera composé de représentants des deux partenaires qui fournissent l'apport matériel indispensable pour garantir la mise en oeuvre de ses objectifs, à savoir l'État et l'Arbed, l'intégration du secteur communal est cependant recherchée au niveau des organes chargés d'orienter sa politique générale ou encore d'accompagner la réalisation de projets concrets sur le terrain. On y reviendra plus tard.

Il a également été retenu dans le cadre des accords entre les partenaires que la société de développement acquerra de l'Arbed l'ensemble des terrains, assainis au préalable, qui ont été considérés dans le cadre de l'étude Agiplan et que la libération du capital se fera de façon progressive au fur et à mesure de la mise à disposition par l'Arbed des terrains assainis. 

En outre, la valorisation des friches industrielles devra être mise à profit pour garantir à la fois la protection et une gestion appropriée de sites naturels et de paysages de valeur et la mise à disposition des espaces de loisirs et de récréation dont la population a besoin. Il est par conséquent prévu que l'État acquerra directement de l'Arbed des forêts et zones vertes d'une superficie de 480 hectares situés dans le sud du pays. 

À l'heure qu'il est, il reste à arrêter de façon précise les statuts de la société de développement pour mettre ensuite en place ses organes décisionnels ainsi que ses services techniques et administratifs. C'est également dans ce contexte qu'il faudra clarifier dans quelle mesure il pourrait s'avérer utile et opportun d'avoir recours à un outsourcing des missions à accomplir dans les domaines de la conception, de la gestion, du marketing ou encore de la recherche d'investisseurs potentiels. 

 

Les communes seront impliquées à trois niveaux dans le dossier des friches industrielles : elles garan-tiront la définition et l'intégration du projet d'ensemble dans le projet de plan régional, elles seront associées à l'élaboration de projets concrets pour les sites prioritaires et elles seront appelées à donner à ces projets une base réglemen-taire dans le cadre de leurs attributions en matière d'aménagement communal.

Cette implication se traduira également en termes de structures. 

Il est en effet prévu d'inclure au Conseil de surveillance de la société de développement des représentants du syndicat régional qui sera crée en vue d'assurer l'élaboration et le suivi du projet de plan régional. En outre, le Conseil d'administration de la société s'appuiera sur des Comités de gestion individuels qui seront institués pour chaque site afin d'accompagner la réalisation et la mise en oeuvre des projets particuliers y relatifs. Les communes directement concernées seront représentées avec voix consultative dans ces comités. Ce partage des compétences permettra de garantir l'autonomie des communes en matière d'autorisation de plans d'aménagement et de permis de construire au moment ou elles seront appelées à prendre leur responsabilité en la matière.

Actuellement, c'est-à-dire en attendant la constitution de la société de développement, le GIE continue à fonctionner, ce qui permet entre autres d'assurer l'intégration continue du secteur communal à la discussion. En effet, le Conseil de gérance élargi du GIE comprend également des représentants des communes directement concernées par l'étude Agiplan - à savoir Mondercange, Esch, Pétange, Sanem et Differdange.

 

C'est en vue de préciser et d'approfondir le master plan de Belval-Ouest, compte tenu des idées et des propositions existantes, qu'un groupe interministériel a été mis en place. Le dit groupe sera élargi d'ici peu aux représentants des communes d'Esch et de Sanem ainsi qu'à des représentants de l'Arbed et préfigurera de ce fait le Comité de gestion pour Belval-Ouest tel qu'il est prévu dans le cadre de la future société de développement. 

Par ailleurs, il a été décidé de confier à un bureau d'études la mission de traduire sous forme de propositions urbanistiques alternatives les propositions formulées par le groupe interministériel au moment ou celui-ci aura été élargi par les représentants des communes et de l'Arbed. Le but recherché est d'aboutir sur base de ce processus à un projet de plan qui pourra ensuite être soumis à la procédure d'approbation prévue par la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes. À ce stade, le groupe de travail a réuni dans un premier rapport de synthèse des propositions d'utilisation du sol qui relèvent des domaines de l'éducation secondaire, du logement, de la formation-recherche, du développement économique, de la culture et des réseaux de transport.

La démarche esquissée ici et adoptée en relation avec Belval-Ouest sera également poursuivie en ce qui concerne les autres projets particuliers.

Le moment est maintenant venu pour lancer un large débat public au sujet de la reconversion des friches industrielles. Dans une première étape, l'ensemble des idées et projets évoqués ici feront l'objet d'un rapport détaillé du ministre de l'Intérieur à la Commission des affaires intérieures de la Chambre des députés. La réunion en question a été fixée au 31 mai prochain et constituera le coup d'envoi officiel du débat qui sera ensuite poursuivi avec les communes concernées ainsi que les forces vives dans les enceintes appropriées.

 

L'auteur est ministre de l'Intérieur

 

Michel Wolter
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