Cinéma

Das Boot

d'Lëtzebuerger Land du 16.11.2018

Le 12 août 2000, alors qu’il participe à un exercice dans la mer de Barent, le sous-marin nucléaire russe Koursk est secoué par deux explosions gigantesques qui sont enregistrées par des sismologues jusqu’en Alaska. Une torpille a accidentellement détonné à bord, entraînant l’explosion de l’arsenal complet du navire. L’épave du Koursk coule à une profondeur de 500 mètres et devient une prison pour la vingtaine d’hommes qui survivent à l’accident. Pendant neuf jours, la marine russe tente de sauver l’équipage. Mais leur vieil équipement est défaillant et le temps presse. De nombreux pays proposent de l’aide technique et logistique, mais Moscou attend, craignant d’une part de dévoiler des secrets militaires et de l’autre, de perdre la face sur le plan international.

Connu notamment comme co-fondateur du mouvement Dogme 95 et réalisateur de films comme Festen (1998) et Jagten (2012), Thomas Vinterberg, réalise avec Kursk son premier film de commande. Basé sur le livre A Time to die: The untold story of the Kursk tragedy du journaliste Robert Moore, le scénario adapté par Robert Rodat (Saving Private Ryan, 1998), se focalise sur le commandant Mikhail Kalekov (Matthias Schoenaerts), son épouse Tanya (Léa Seydoux) et son fils Misha, interprété par le petit Atermiy Spiridinov, un des rares acteurs russes du casting.

En effet, le film produit par Luc Besson fait un nombre de concessions à la dramaturgie et au caractère commercial du film. Ainsi, Dmitri Kolesnikov, l’officier qui a inspiré le personnage de Mikhail Kalekov n’avait pas d’enfant et les protagonistes, une belle brochette d’excellents acteurs, parlent tous anglais. Jusque-là, des procédés habituels pour un film grand public.

Ce qui dérange plus dans Kursk est son hésitation lorsqu’il s’agit d’aller jusqu’au bout de sa critique. Le fait que Vladimir Poutine, élu président de la Fédération de Russie trois mois avant le naufrage, ne se déplaça pas de sa demeure de vacances au bord de la mer Noire pendant la tragédie n’est pas thématisé. Cinq séquences comprenant le président ont été rayées d’une première version du scénario pour « recentrer l’action ». L’attitude stoïque du gouvernement face aux aides internationales proposées est certes un sujet central dans le film, mais le nom du président n’est pas mentionné.

Pourtant, d’autres moments-clés de l’histoire, comme cette mère d’un sous-marinier qui s’indigne lors d’une conférence de presse des autorités et se fait injecter un calmant devant les caméras, sont rendus consciencieusement. La séquence la plus réussie au niveau de la tension de ce mélange entre drame et thriller est celle où Kalekov et un de ses camarades doivent récupérer des cartouches pour faire marcher le générateur d’oxygène en nageant à travers plusieurs compartiments inondés du sous-marin. La souffrance physique des deux hommes et l’enjeu y est palpable.

Cependant il n’est jamais très clair où Kursk veut en venir à travers son scénario et sa mise en scène souvent conventionnels. Voulait-on réaliser un thriller basé sur une histoire vraie, plonger dans la psychologie des personnages où faire un long-métrage engagé sur l’absurdité des démonstrations de pouvoirs politiques et militaires ? Au final, le drame parle pour lui-même, sans qu’on ait l’impression que le film ait rajouté quelque chose. Fränk Grotz

Fränk Grotz
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