La nuit au circque

Les clowns sont tristes

d'Lëtzebuerger Land vom 27.06.2002

Une soirée au cirque et tout doucement on pénètre dans le monde de l'imaginaire, mais aussi dans les symboles et dans la critique de l'environnement social actuel. Olivier Py est un auteur costaud pour sa théâtralité linguistique, son dialogue avec le public se fait par la force de ses textes joués. Le comédien dispose de beaucoup de place pour l'orientation de son jeu, il se voit affronter une interprétation forte de la langue de Py.

Quelques spectateurs, comme d'habitude, une chaleur écrasante, faut-il rappeler la configuration du lieu, le Centaure n'est pas grand mais il est intime. Et intimes sont les spectacles qu'il nous accordent.

La nuit au cirque d'Olivier Py avec une mise en scène de Paul Kieffer au Théâtre du Centaure. Un décor kitscheux mais digne des kermesses populaires ou cirques de villages. À cour : quelques bottes de foin surplombées de bestioles-peluchonneuses scrutant les moindres mouvements des créatures, à jardin, un grand détail d'une caravane, cabine de hors contexte...

Une trentaines de loupiottes multicolores, accrochées précautionneusement au dessus de l'univers cirque. Assurément il en fallait, un véritable cirque se doit de revêtir sa parure lumineuse. Nous sommes tous heureux de nous rapprocher enfin de nos rêves les plus étranges, où nous étions un coup Dracula, un coup la fée Morgane et un autre coup le clown.

Un couple jeune, mais plutôt mûr vieux atterrit dans un petit cirque piteux. Ceux qui n'ont rien avoir avec les spectacles somptueusement snobinards de la principauté de Monaco... et pourtant nous sommes à Luxembourg. Et dans ce contexte géographique et social justement, imaginons ! Ce petit couple luxembourgeois, d'une part à la recherche d'autre chose et d'autre part horriblement basé. Ici : Alcmène faussement naïve et Amphitryon ennuyé. Face au spectacle de magie, la dame est emballée et Amphitryon, matérialiste raisonnablement raisonné doute. Et c'est par la grâce d'un tour de passe-passe conventionnel qu'il se retrouve dépossédé des ces croyances. Mais en avait-il ? Alors se souvenant du temps où juste le meilleur de lui-même se faisait apparent, il réapprend à écouter son écho, entouré de la Femme-Serpent, de la Lanceuse de couteaux, du Squelette de cotillon et de la Clownesse bouffeuse d'accordéon.

Quant au jeu des comédiens, les dix premières minutes sont laborieuses, mais la chaleur, l'apprivoisement du charme de Py ne sont pas évidents. Remarquable de force : Alexis Flanagan dans le rôle d'Amphitryon, un véritable comédien avec une très belle diction et une présence puissante. Michèle Clees, tout aussi touchante qu'un vraie Alcmène, surtout dans son interprétation allemande. Et puis la petite Clownesse, Pat Wengler juste ce qu'il faut en délicatesse, juste ce qu'il faut en douceur et de naïveté, son petit visage triste nous renvoie tellement vite dans ce monde féerique, peu importe s'il est tout de paillettes parsemé. Le thème de la mutation se voulait roi dans le récit d'Olivier Py et Paul Kieffer accompagné de ces créatures de la nuit a su l'évoquer à sa manière. Un petit clin d'oeil au cinéma, Monsieur Kieffer serait-il un peu cinéaste : les derniers mouvements de scène sont virevoltants et un temps soi peu clippeux, une fois de plus juste ce qu'il faut pour nous laisser sur un sensation de chavirement interne. Pas de prétention, sentir que cette bande d'acteurs s'éclate sur scène est simplement agréable et ce pour tout public.

 

Karolina Markiewicz
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