Arts plastiques

Un panorama éclectique

d'Lëtzebuerger Land du 16.02.2018

Exposition de groupe chez Zidoun-Bossuyt. Les galeristes ont confié à un de leurs artistes-phares, Tomokazu Matsuyama, le choix de la présentation de Pardon my Language. On y retrouve d’emblée une autre vedette, Wim Delvoye, que Marie-Claude Beaud a rendu célèbre au Luxembourg avec sa chapelle gothico provocante réalisée in situ au Mudam. Actuellement Delvoye aimerait bien installer, au Kirchberg, une sorte de tour de Babel, qui serait un cimetière virtuel...

Toujours est-il que chez Zidoun-Bossuyt, l’exposition commence par des valises customisées. Wim Delvoye chercherait-il une nouvelle fois à poser ses valises chez nous ? Plus sérieusement, ces objets de voyage de tout un chacun, dans notre monde globalisé aux déplacements incéssants, reflète bien l’esprit que cherche à rendre le commissaire de l’exposition Matsuyama : soit la démonstration d’une réappropriation par les artistes d’objets lambda qui, en les travaillant à leur manière, en font des pièces uniques, identifiables en tant qu’œuvre d’art. Les valises sont ici recouvertes d’une coque métallique incisée à la main par des artisans iraniens, qui y reproduisent des décors orientaux. Quand on sait que les Iraniens ne sont pas libres de leur mouvements en ce moment, les Rimowa Classic Flight Multiwheel de Wim Delvoye prennent en outre un tour politique.

L’exposition, de manière générale, présente des détournements. Ainsi d’un miroir vénitien, également présenté dans la vitrine de la rue Saint-Ulrich, cette fois de l’artiste Carlos Rollon. L’Américain, d’origine portoricaine, présente tel un trophée, l’objet baroque customisé avec des chaînes en or, bijoux préférés des bandes de garçons de « mauvaise réputation », travaillées sur un brocard ancien et accroché au mur sur une planche de bois brut. On saute donc aussi dans cette exposition d’une époque à l’autre, du passé au temps présent. L’Américaine Alison Elizabeth Taylor s’empare ainsi d’une technique sophistiquée, utilisée aux époques précédant le XXe siècle pour ennoblir des meubles précieux : la marqueterie. Sauf qu’ici, point de dessus de tables ennoblis ou de commodes princières. L’artisanat de luxe est utilisé pour valoriser des scènes banales, quotidiennes, de personnes lambda. Au Nebraska et en Alabama, soit des États assez « bruts » des États-Unis.

Le détournement du matériau et sa mise en valeur, sont le fait de Jayson Musson, qui a collectionné des pulls vintage tricotés mains en Australie, qui étaient très à la mode dans les années 1970 et très chers. À l’époque, seuls des stars, dont des présentateurs TV célèbres pouvaient se les offrir, faisant ainsi état de leur statut social privilégié mais « porteurs » en même temps du message d’un peuple opprimé, car les tricots se référaient aux motifs de l’art aborigène. Musson en fait des tableaux, des sortes de bas-reliefs végétaux, des paysages marins, c’est-à-dire des horizons nouveaux, rêvés.

Enfin, le commissaire de cette présentation fourre-tout, Tomokazu Matsuyama, artiste plusieurs fois présenté à la galerie, ramène un peu de quiétude sur le mode zen de l’estampe traditionnelle japonaise : l’Extrême-Orient et sa sagesse défient les revendications, chez Zidoun-Bossuyt en particulier, d’artistes nord américains en révolte. Comme Roberto Lazzarini dont on ne sait pas si Bird, présenté au sous-sol de la galerie désormais ouverte au public, est un aigle ou une colombe...

Pardon my Language est à voir à la galerie Zidoun-Bossuyt (6, rue Saint-Ulric à Luxembourg-Grund) jusqu’au 3 mars prochain. Ouvert du mardi au vendredi de 10.00 à 18.00 et le samedi de 11.00 17.00 heures. www.zidoun-bossuyt.com

Marianne Brausch
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