Le langage structuré de Thomas Arnolds et le dessin de Jeanne Mons en devenir. À la galerie Nosbaum Reding

Des formes et des récits

d'Lëtzebuerger Land vom 06.10.2023

Thomas Arnolds revient chez Nosbaum Reding avec une troisième exposition monographique. Six grandes peintures à l’huile sur toile format portrait et une toile de deux mètres de long sur 1,50 mètre de haut. L’accrochage de RUN (Frühstück) est extrêmement sobre. Neuf fusains, tous de 42 x 29,5 cm complètent dans la petite salle, cette série accrochée à l’économie sur les grands cimaises de l’espace sur rue.

RUN (Frühstück) vient à la suite de RUN Light, présenté en 2021 à la galerie bruxelloise de Nosbaum Reding et d’Augmented Bonsaï à Luxembourg en 2019. On peut ajouter la participation à l’exposition collective récente en 2022, de Malerei, toujours rue Wiltheim. Mais peut-on parler de continuité dans le travail de Thomas Arnolds ? D’un fil conducteur dans son œuvre classée néo-expressionnisme allemand ?

Il faut évoquer son parcours de formation. Né en 1975 à Geilenkirchen, Thomas Arnolds travaille la maçonnerie et étudie la sculpture. Il participe ensuite à la restauration de bâtiments religieux où en effet, il exerce comme sculpteur. Puis, il s’arrête de travailler et enchaîne avec cinq années d’études à la Hochschule für Bildende Künste à Braunschweig (2001-2006). Il s’installe à Cologne en 2005 et peint. Il est classé néo-expressionniste par la critique. On s’interroge : Arnolds est-il un peintre figuratif ou abstrait ?

Dans RUN (Frühstück), qui correspond à son expression actuelle, la palette de ses couleurs est importante. Celle des fonds noir, gris, vert pomme, rose chair. Uniforme ne veut pas dire lisse. On voit les coups de brosse, des blancs minuscules de la toile nue. C’est une matière-relief sur laquelle se découpe l’objet de l’œuvre, tracée au trait épais, en noir, bleu, rouge. La main prédomine. Support d’équilibre pour une sorte de demi-sphère qui semble être l’objet fétiche d’Arnolds. Mais il y a d’autres objets récurrents, comme la colonne antique. Et un briquet, aux cannelures presque identiques à celles de la colonne.

Ce sont ici les fils conducteurs d’Arnolds qui, au cours de sa carrière, a travaillé la matière de manière épaisse, fine, grattée, entortillée comme des pelotes de fils ou rappelant – presque – des tissus tissés. Les dessins au fusain de RUN (Frühstück) sont sans doute les plus révélateurs de la récurrence chez Arnolds de ce qui semble être des paysages architecturaux. On croit voir un briquet, un gilet, un demi-chapiteau posé à l’horizontale. Et, pourquoi pas, la Statue de la Liberté ? On laisse découvrir au visiteur de quel dessin il s’agit. Les assemblages de Thomas Arnolds montrent qu’au-delà de son talent de dessinateur, le maçon et le sculpteur sont ancrés en lui, arts accentués par le positionnement central des « objets ».

Au Project Room, voici tout autre chose. Amour, vous ne savez pas ce qu’est l’absence de Jeanne Mons, est curaté par Vincent Vanden Bogaard, acteur important dans la galerie bruxelloise Nosbaum Reding, comme l’avait déjà été le premier travail de Gladys Bonnet (voir d’Land du 02.06.2023). Voici à nouveau une toute jeune artiste, française, de 22 ans, qui elle aussi a fait ses études à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Nous avions intitulé l’article sur Gladys Bonnet La narratrice. En voici encore une.

Le décor, c’est la nature, où elle plante des scènes dans lesquelles les protagonistes sont un couple. Ils posent en une sorte de jeu de rôle. Les corps de l’homme ou de la femme sont représentés de manière tout à fait réaliste, comme l’appréhende un élève en classe de nu. Une autre silhouette féminine est par contre comme inexistante, blanche, vide. Le corps masculin est puissant, voire portant une armure guerrière de la mythologie grecque. Le corps féminin est visiblement fragile, voire anorexique ou a des formes parfaites, comme la tyrannique l’image de soi sur la toile.

Vincent Vanden Bogaert, dans le texte d’accompagnement, évoque la bande dessinée des années 1980-1990, les titres des œuvres évoquent eux un vécu réel ou une mise en scène autofictionnelle. Ce sont de longues phrases poétiques qui correspondent à la recherche de soi-même de la silhouette fantomatique. On a personnellement pensé à l’époque Art Déco, un peu kitsch, un tantinet décadente. Amour, vous ne savez pas ce qu’est l’absence, est un premier essai, à suivre selon la manière de penser et de travailler que développera Jeanne Mons.

RUN (Frühstück) de Thomas Arnolds et Amour, vous ne savez pas ce qu’est l’absence de Jeanne Mons, sont à voir jusqu’au 4 novembre à la galerie Nosbaum Reding

Marianne Brausch
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