Directive sur les redevances aéroportuaires

Le Luxembourg demande l’annulation

d'Lëtzebuerger Land du 28.10.2010

Le sort de l’aéroport de Luxem­bourg a été au cœur des débats, le 21 octobre dernier, devant la Cour de justice de l’UE (Plaidoiries dans l’affaire C-176/09 Luxembourg /Parlement et Conseil). Le grand- duché a demandé l’annulation d’un article, voire de toute la directive 2009/12 du Parlement et du Conseil du 11 mars 2009 relative aux redevances aéroportuaires. Le texte fixe un socle de règles communes pour la perception des redevances payées par les compagnies aériennes aux aéroports. En cause : le champ d’application de la directive, qui concerne tous les aéroports dont le trafic annuel est supérieur à 5 millions de passagers, ainsi que – et c’est ce qui ne plaît pas au Luxembourg – l’aéroport qui draine le plus de passagers dans chaque État membre. Ce trafic au Findel est de l’ordre de 1,7 million de passagers et le Luxembourg estime qu’il est en situation de concurrence déloyale avec les aéroports régionaux voisins de Hahn et de Charleroi, qui, bien que générant un volume de passagers supérieur à celui de Findel pour une même zone desservie, ne seraient pas soumis aux mêmes obligations, ce qui aurait des effets sur sa compétitivité et entraînerait une discrimination injustifiée.

Pour rappel, la directive vise à établir des principes communs pour la perception de redevances aéroportuaires dans les aéroports communautaires et entend éviter tout abus de position dominante de certains aéroports sur les marchés qui « enregistrent le plus grand nombre de mouvements de passagers » et jouissent « d’une telle position privilégiée en tant que point d’entrée dans cet État membre ». L’idée est de contribuer ainsi à l’amélioration de la concurrence. Or, a souligné le représentant du Luxembourg dans ses plaidoiries, c’est exactement le contraire qui se passe : l’aéroport de Findel ne jouirait pas d’une telle position, mais subirait une situation concurrentielle avec plusieurs aéroports à bas prix à proximité, ainsi qu’avec des aéroports hubs comme Francfort ou Bruxelles, il n’y aurait donc aucun risque d’abus de position dominante de sa part par rapport aux opérateurs. En revanche, on ne peut en dire autant d’autres aéroports régionaux plus importants, exemptés du champ d’application de la directive attaquée, qui seraient les seuls à desservir une vaste région dans certains États membres comme par exemple les aéroports de Turin (3,5 millions de passagers), Bordeaux (3,4 millions de passagers), ou Londres City (2,9 millions de passagers). Aussi, le Luxembourg s’était-il opposé, lors du vote de la directive, à la non prise en compte de ces aéroports régionaux dans le champ de la directive et estimait-il que la politique des transports européenne devait viser à la réalisation d’un marché intérieur intégré, sans égard aux frontières nationales. Il a réaffirmé devant les juges de l’UE sa conviction qu’en intégrant l’aéroport du Findel « le législateur communautaire a commis une erreur manifeste d’appréciation ». Le Luxembourg soutient en outre que cette situation pourrait être réglée au niveau national tant que le seuil de 5 millions de passagers ne serait pas atteint et ce en vertu du respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité. Aussi demande-t-il d’annuler l’article qui concerne ces aéroports nationaux, « point d’entrée ». Le Luxembourg a été soutenu par la Slovaquie.

Selon le Conseil, le Luxembourg n’a pas démontré que les aéroports de Charleroi et de Hahn jouiraient d’une position privilégiée, à l’instar des aéroports principaux dans leur État respectif, ni que les compagnies aériennes habituellement basées à Findel seraient amenées à lui préférer Charleroi ou Hahn. Aussi, de tels aéroports ne sont-ils pas comparables à celui de Findel. Le Parlement estime pour sa part qu’il est très improbable que les obligations découlant de la directive attaquée puissent entraîner des coûts d’une importance telle qu’ils pourraient mettre l’aéroport de Findel en désavantage par rapport à des aéroports non soumis à celle-ci, ce que confirme la Commission. Bruxelles indique en outre qu’en vertu de sa localisation aux abords du centre urbain, de sa réputation, de la qualité de ses infrastructures et de l’existence d’une clientèle d’affaires peu sensible aux variations du prix du billet d’avion, il était indéniable que l’aéroport de Findel soit un point d’entrée au sens de la directive et soit inclus dans son champ d’action. Quant à l’annulation partielle de la directive, le Conseil, le Parlement ainsi que la Commission estiment qu’elle serait de nature à affecter la définition de la portée même de celle-ci. La suite du feuilleton se tiendra lors des conclusions, indépendantes, de l’avocat général et ensuite lors du jugement de la Cour de justice qui devrait intervenir d’ici à 18 mois environ.

Sophie Mosca
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