Moteurs de recherche

Blekko joue la transparence

d'Lëtzebuerger Land vom 04.11.2010

Blekko est un moteur de recherche lancé récemment par un entrepreneur chevronné de la Silicon Valley, Rich Skrenta. Skrenta a fait partie dans les années 90 de l’équipe de l’Open Directory Project, racheté par Netscape. Plus tard, il a lancé Topix, une start-up centrée sur le marché des agregateurs de nouvelles et des forums. Fort de quelque 25 millions de dollars levés auprès de business angels et d’investisseurs, il revient à présent avec cet outil qui entend se tailler une part du marché de la recherche sur le Web. Skrenta et son équipe travaillent sur Blekko depuis environ deux ans et demi.

Comment peut-on espérer percer sur ce marché largement dominé, pour ne pas dire écrasé, par Google, avec Yahoo à la traîne et Bing qui peine à s’établir malgré les sommes considérables investies par Microsoft ? Une étude publiée par un autre moteur de recherche, yauba.com, estimait récemment qu’un moteur de recherche, même petit, peut aujourd’hui être hautement profitable : selon cette étude, une part de un pour cent du marché peut représenter trois milliards de dollars de chiffre d’affaires. Toutefois, beaucoup de projets de moteurs de recherche n’atteignent pas la masse critique et sont contraints de mettre la clé sous la porte. Ainsi, Cuil, mis en ligne en juillet 2008 par des anciens de Google, a débranché ses serveurs en septembre dernier. Pour ses premiers pas, Blekko bénéficie d’une presse circonspecte mais plutôt positive dans l’univers des spécialistes du référencement et de l’optimisation pour moteurs de recherche. Né dans le contexte des réseaux sociaux et de Twitter, Blekko se veut un outil coopératif. Une de ses principales spécificités sont les « hashtags », des filtres apposés aux mots-clés de recherche et précédés d’une barre oblique qui permettent de privilégier par exemple certains types de publication (blogs, site de news, Twitter…), certains genres, des orientations politiques, de trier par date, d’obtenir une définition etc. Certes, la plupart de ces possibilités sont également offertes par Google par le biais de ses outils avancés. Mais Blekko fait mieux encore en proposant aux internautes de créer leurs propres hashtags et de les mettre à disposition des autres internautes s’ils le souhaitent. Blekko se voit en quelque sorte comme un réseau social de la recherche sur le Net, intégrant les tendances en temps réel qui agitent Internet et donnant accès direct aux interfaces de recherche des grandes plateformes, notamment celles où bruissent les buzz du moment.

Parmi les autres innovations de ce projet figure un bouton « spam » qui permet d’exclure certains sites de ses résultats à jamais. Plus généralement, Blekko se targue d’être capable, grâce aux hashtags et à ce bouton, d’éradiquer les spams qui polluent un nombre croissant de résultats sur les termes de recherche les plus courants.

Se voulant résolument ouvert et transparent, Blekko s’adresse notamment aux professionnels du référencement, qui peuvent voir en lui un partenaire plutôt qu’un obstacle. S’il parvient à se créer une audience stable dans ce milieu, cela représentera déjà un avantage non négligeable auprès d’acteurs influents. De façon plus générale, il est probable que les utilisateurs intensifs du Net seront séduits par la malléabilité de l’outil, qui fait de lui, à première vue, un véritable moteur de recherche open source.

Restent la question du modèle d’affaires et celle du risque que ses concurrents, Google en tête, l’imitent et adoptent à leur tour les hashtags, sous cette dénomination ou une autre. Pour la question des revenus, des exemples récents ont montré qu’elle peut être résolue en chemin, une fois qu’un seuil critique d’adoption a été atteint : Search Engine Land opine ainsi que le modèle d’affaires de Blekko s’appelle « transparence ». Sur le second point, le même site fait valoir que « ce ne sera pas facile pour Google d’égaler (Blekko) sans changer une partie de sa philospohie fondamentale relative à la recherche ».

Jean Lasar
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