Étude OEDT

The Hard Stuff

d'Lëtzebuerger Land du 04.10.2001

Disposer de données concrètes, chiffrées, permettant d'observer les évolutions de la toxicomanie au Luxembourg afin de pouvoir comparer la situation nationale aux autres pays européens, c'est déjà un progrès énorme par rapport aux années 1990. Lorsqu'en 1994, 29 personnes sont mortes de surdoses, vingt en 1995, l'opinion publique s'alarma et la politique resta perplexe, sans explication. Seul constat : la politique du tout répressif était un échec. Depuis lors, de nombreuses réformes ont été entreprises : celle, d'abord, frileuse et très critiquée de la législation, puis de nouvelles associations et initiatives d'aide aux toxicomanes furent créées et soutenues, il y eut un changement de vocabulaire officiel - ne qualifiant désormais plus les toxicomanes de « criminels » mais de « malades » - et, partant, toutes les responsabilités sur le secteur furent regroupées au ministère de la Santé. 

Regroupement qui a entre autres facilité l'établissement de méthodes de relevé anonyme de données sur la population toxicomane - comme si souvent, suite aux demandes européennes de travailler en réseau. Ainsi, le réseau Relis (Réseau luxembourgeois d'information sur les stupéfiants et les toxicomanies), opérationnel depuis 1995, relève de manière multi-sectorielle les données recueillies par tous les partenaires : hôpitaux, instances thérapeutiques, forces de l'ordre, associations d'aide etc. Le Point focal de l'office européen OEDT, établi lui aussi au ministère de la Santé, vient de publier la première Estimation de la prévalence nationale de l'usage problématique de drogues à risque élevé et d'acquisition illicite, une « étude comparative multi-méthodes 1997-2000 » établie par le Point focal en collaboration avec le CRP Santé.

Bien que le premier problème de cette étude reste méthodologique ou mathématique - partant d'un échantillon plus ou moins fiable car vérifié par des recoupements, les données restent une estimation - les auteurs affirment néanmoins avoir obtenu des chiffres fiables. Sur le nombre de personnes à usage problématique de drogues à haut risque, dites dures, par exemple : la population concernée atteignait l'année dernière 2 450 personnes, contre 2 100 en 1997. Tendance à la hausse qui s'est ralentie, mais hausse quand même. Sont considérées comme drogues à haut risque (HRC) les opiacés comme l'héroïne notamment, la cocaïne, les amphétamines, les hallucinogènes comme la MDMA. Les médicaments ne sont pris en compte que s'ils sont détournés de leur usage proprement thérapeutique, le cannabis et la marihuana, bien que forcément d'« acquisition illicite », ne sont pas définis comme « à haut risque ».

On apprend donc par exemple encore qu'en 1999, 33 personnes sont mortes d'overdoses ou des suites directes ou indirectes de la consommation de drogues HRC, contre trente en 1998. Ou que, comme pour les autres drogues, trois quarts des consommateurs HRC sont des hommes, que presque la moitié a néanmoins un logement stable, 42 pour cent vivent au Sud du pays contre neuf pour cent seulement à l'Est, dix pour cent au Nord et 39 pour cent au Centre. Le produit le plus répandu reste l'héroïne, 53 pour cent l'utilisent en administration intraveineuse et 29 pour cent par d'autres techniques. Ce qui étonne, c'est que les maladies infectieuses continuent à progresser, et ce malgré les mesures de réduction de risques (VIH de trois à quatre pour cent, hépatite C de trente à quarante pour cent, seule l'hépatite B a diminué de 29 à 25 pour cent).

La cocaïne est, selon les statistiques, très peu répandue, information qui devrait néanmoins être légèrement nuancée, les cocaïnomanes se situant la plupart du temps dans les couches sociales aisées pour qui la consommation et surtout l'acquisition sont moins problématiques. Ces consommateurs risquent donc de constituer ce que le rapport appelle la « population cachée », n'ayant aucun contact ni avec la police ni avec les associations d'aide.

Scientifique et très clinique, le rapport du Point focal analyse le phénomène avec beaucoup de distance et un grand sérieux et contribue ainsi certainement à démystifier les débats sur la toxicomanie et à mieux orienter la politique dans le domaine : offre thérapeutique à développer, définition des programmes pilotes à lancer - tout, ici, parle pour une introduction des piqueries et de la distribution d'héroïne sous contrôle médical - ou, dans le pire des cas, réorientation de la politique de répression. Tout dépendra de l'usage qui en sera fait. 

 

Alain Origer : Estimation de la prévalence nationale de l'usage problématique de drogues à risque élevé et d'acquisition illicite - Etude comparative multi-méthodes 1997-2000, Séries de recherche, n°2, Point focal OEDT Luxembourg - CRP-Santé-Luxembourg.  Contact : Alain Origer : téléphone 478 56 25 ; e-mail : alain.origer@ms.etat.lu. www.relis.lu

 

josée hansen
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