Ticker du 12 février 2021

d'Lëtzebuerger Land vom 12.02.2021

Moselle gratis
Dans sa réponse à une question parlementaire posée par le député libéral Gusty Graas, le ministre de la Mobilité François Bausch (Déi Gréng) se dit favorable à une abolition des péages fluviaux sur la Moselle. Le gouvernement luxembourgeois aurait accueilli favorablement la « nouvelle volonté politique allemande » de rendre la navigation fluviale gratuite. Ne restera plus qu’à convaincre la France. Car entre Thionville et Coblence, la Moselle est un fleuve international, un condominium sur lequel les trois États riverains exercent une souveraineté partagée. Selon Bausch, les négociations seraient bien avancées et pourraient être finalisées en cours d’année. Le dossier comporte une difficulté technique puisqu’en cas d’abolition du péage, la Société internationale de la Moselle, qui s’occupe de la perception et de la redistribution du péage, devra être liquidée. Créée en 1956, cette société internationale avait financé la canalisation de la Moselle. Une canalisation à laquelle le Luxembourg avait été longtemps opposé, estimant que ses fabriques sidérurgiques se situaient trop loin du fleuve. Booster la navigation fluviale par une abolition des péages serait une proposition écologique, écrit Bausch. Le transport fluvial nécessiterait 67 pour cent moins d’énergie que le transport par la route et 35 de moins que par le rail. Il se réfère à un papier de stratégie sur la « mobilité durable et intelligente » dans lequel la Commission européenne fixe un objectif de croissance de cinquante pour cent à l’aune 2050 pour le transport par voie de navigation intérieure. Le Luxembourg est loin du compte ; le port de Mertert a encaissé une chute de treize pour cent du trafic global en 2019. bt

Château à vendre
La Croix Rouge vient de publier l’annonce pour la vente par soumission cachetée de son château de Birtrange (située dans la vallée de l’Alzette, entre Schieren, Colmar-Berg et Ettelbruck). Mise à prix : 5,2 millions d’euros. Avant sa mort en janvier 2018, la baronne Claudine de Brocqueville avait légué ce château du XVIIIe siècle (mais dont une tour remonte au XIVe) à la Croix Rouge, avec 80 hectares de forêts et de terres labourables. L’ONG ne savait trop quoi faire de ce château désaffecté (les dernières rénovations remontent aux années 1970) qui avait été classé monument national deux semaines avant la mort de la baronne. Plutôt que d’investir massivement pour restaurer le château et ses dépendances (dont une écurie manège néogothique, une petite maison construite en style datcha russe), la Croix Rouge s’est donc résignée à vendre. Quitte à reverser un tiers de la somme aux héritiers de la baronne. En été 2019, la ministre de la Culture, Sam Tanson (Déi Gréng) avait fait savoir que l’État n’envisageait pas d’acquérir le château. Selon le Wort de cette semaine, les cinq conseils échevinaux constituant la Nordstad songeraient (« spielen mit dem Gedanken ») de participer à la soumission. Les cinquante hectares de forêts se prêteraient à merveille comme surfaces de compensation, lit-on. Le château pourrait être ouvert au tourisme. Les édiles de la « Nordstad » auront jusqu’au 12 mars à 17 heures pour se décider. « Certaines agences » auraient également manifesté de l’intérêt pour le compte de leurs clients, dit-on du côté de la Croix Rouge. Brad Pitt chercherait-il à étoffer la substance économique de sa Soparfi ? bt

Patrons dans la rue
Le secteur de l’horeca reste mobilisé : après une quatrième manifestation samedi (à laquelle participaient plusieurs élus ADR), les restaurateurs étaient nombreux ce jeudi sur la Place d’Armes, devant le Cercle où siégeait la Chambre. La critique contre les dirigeants de la fédération patronale Horesca devient de plus en plus virulente. Samedi dernier, l’ancien secrétaire général de la fédération, Jean J. Schintgen avait ainsi participé à la manifestation, ce qui avait été perçu comme une critique de la direction actuelle. Le mouvement Dontforgetus, qui s’organise principalement via Facebook, cherche à s’imposer comme interlocuteur du gouvernement, contre Alain Rix et François Koepp, décriés comme notables patronaux. L’annonce-surprise de Dan Kersch d’un salaire de remplacement pour indépendants, pourrait calmer la gronde des petits patrons de l’horeca. Car la réouverture des bars et restaurants n’est pas pour demain. bt

Dynastie d’acier
Le numéro un mondial de la sidérurgie ArcelorMittal a annoncé ce jeudi la nomination d’Aditya Mittal, 45 ans, comme directeur général à la place de son père Lakshmi, 70 ans, fondateur du groupe. Le conseil d’administration, où figurent deux Luxembourgeois, a validé cette succession « naturelle ». « Aditya s’était vu confier de nouvelles responsabilités d’années en années. Il a été préparé. Il travaille main dans la main avec Lakshmi Mittal », raconte Michel Wurth, 66 ans, au Land. Le président d’ArcelorMittal Luxembourg explique en outre que les deux hommes ont une relation « fusionnelle ». « C’est assez remarquable cette relation père-fils. Je n’ai jamais assisté à aucune dispute », détaille celui qui siège au conseil d’administration du groupe depuis 2014. Son ancien camarade au board, Jeannot Krecké, se satisfait de cette nomination. « Je suis content parce qu’Aditya a grimpé les différentes marches pour devenir un véritable industriel. C’est aujourd’hui un homme bien informé de tout », remarque celui qui officiait au ministère de l’Économie lors de la fusion d’Arcelor et de Mittal en 2006. « Lakshmi avait un profil industriel et Aditya était un pur financier », se rappelle Jeannot Krecké. Les deux hommes vivent et confinent à Londres, « mais l’activité de siège reste à Luxembourg ». « Lakshmi Mittal a récemment confirmé le maintien du siège au Grand-Duché », ajoute Michel Wurth qui a, selon Jeannot Krecké, œuvré pour faire rester le sidérurgiste au Luxembourg.
Le groupe sidérurgique a par ailleurs publié ses résultats, en nette amélioration malgré le contexte de pandémie. ArcelorMittal a divisé sa perte nette par plus de trois par rapport à 2019, à 733 millions de dollars. Le sidérurgiste a même renoué avec la profitabilité au quatrième trimestre 2020 avec un bénéfice de 1,2 milliard de dollars, grâce notamment à l’amélioration des conditions de marché. Les perspectives 2021 sont par ailleurs positives pour ArcelorMittal qui prévoit une hausse de la consommation mondiale d’acier concomitante avec la fin d’une longue période de déstockage. pso

Où sont les multinationales ?
32 entreprises et l’Union luxembourgeoise de l’économie sociale et solidaire (Uless), qui regroupes 200 acteurs économiques, se déclarent favorables à une loi nationale pour une diligence raisonnable en matière de droits humains et de l’environnement. L’initiative pour un devoir de vigilance, qui mène la lutte localement, s’est félicitée mercredi du volontarisme du monde économique pour que les entreprises ayant leur siège au Grand-Duché prennent des mesures de gouvernance afin d’éviter les violations des droits de l’Homme. « Une législation sur la diligence raisonnable en matière de droits humains et de l’environnement contribuerait effectivement à créer à la fois une sécurité juridique et des conditions de concurrence équitables », est-il écrit dans l’engagement signé par des PME et des grandes sociétés luxembourgeoises, notamment de l’agroalimentaire (comme Luxlait, Grosbusch, d’fair Mëllech, Naturata). Les multinationales basées au Grand-Duché comme Socfin ou Ferrero tendent à privilégier une législation européenne. Une réglementation continentale faciliterait évidemment la vie aux groupes pour leur épargner un mille-feuilles réglementaire et une exposition multiple aux tribunaux nationaux. Puis la législation européenne en cours de discussion prendra probablement des années à être gravée dans le marbre, estime Jean-Louis Zeien, représentant de l’initiative pour un devoir de vigilance. Le level playing field s’apparente souvent à jouer la montre. pso

Durablement incompris
Le gouvernement a présenté mardi sa stratégie de finance durable dans le brouhaha Openlux via une conférence de presse qualifiée de « komplett Farce » par l’éditorialiste de RTL Annick Goerens. Carole Dieschbourg (Déi Gréng) et Pierre Gramegna (DP), respectivement ministres de l’Environnement et des Finances, ont dévoilé en ligne l’ambition du centre financier et des services gouvernementaux et paragouvernementaux de faire de la place financière un centre d’excellence international de l’investissement durable. Financer la transition énergétique est un enjeu international reconnu et présente un fort potentiel de développement. Le plan luxembourgeois repose sur trois piliers : une cartographie des initiatives et des acteurs, un plan d’actions avec des indicateurs de performance et une campagne de promotion. De ce point de vue, l’histoire du LSFI commence très mal avec une critique, partagée par la profession journalistique, quant au déficit démocratique de la mise en scène de l’événement (photo : capture d’écran). Un modérateur-maison de l’agence gouvernementale Luxembourg for Finance et une sélection de questions qui évite tout simplement le sujet brûlant, Openlux. A contrario de l’épisode Luxleaks, l’exécutif a limité son exposition aux journalistes à sa portion la plus congrue : c’est-à-dire des passages sur RTL. Pas de réunion avec l’ensemble de la presse. Au niveau des moyens mis à disposition du LSFI, la communication fait état de trois employés : un directeur général, un conseiller en durabilité et un responsable comm’. Les ressources financières et le budget sont tus. pso

Procureur à livre ouvert
Jean Bour, ancien avocat, magistrat puis procureur d’État à Diekirch publie ce mois-ci l’ouvrage Les crimes devant les magistrats luxembourgeois. Cette plongée dans l’univers judiciaire s’opère par paliers avec d’abord un ensemble d’explications institutionnelles et de réflexions plus philosophiques propres au juge. « À la base de toute prise en considération de l’acte humain, y compris de ceux pertinents pour l’application des règles de droit, se trouve le libre arbitre qui consiste en dernière analyse à distinguer le bien du mal », écrit Jean Bour. « En réalité, la justice est rendue par des hommes. L’appréciation quant au taux de la peine à prononcer contre un individu dont la culpabilité a été reconnue dépend essentiellement du fonctionnement intellectuel du juge, de son sens de l’équité, de sa raison, de ses sentiments, de sa conception de la vie, etc. (…) tout l’art pour un bon magistrat consiste à trouver une juste balance entre sa subjectivité personnelle et l’objectivité inhérente à l’exercice de la Justice », détaille encore l’auteur. Avant d’aborder des comptes rendus d’audiences dignes d’intérêt, Jean Bour relève le rôle de la presse « et les efforts entrepris par le journalisme d’investigation qui ont permis de diligenter bon nombre d’enquêtes pénales ». Toujours bon à prendre. pso

Mind the gap
En volume, les allocations retraites des résidents luxembourgeois sont, par genre, les plus discriminatoires d’Europe. En 2019, la différence entre les montants versés à une femme et un homme de plus de 65 ans s’établit à 44 pour cent en moyenne au Grand-Duché, alors qu’elle se « limite » à 29 pour cent dans l’ensemble de l’Union européenne et à seulement deux pour cent en Estonie, selon les chiffres publiés par Eurostar la semaine dernière. Interrogé par le Land, le démographe du Statec Senyo Fofo Amétépé explique que la situation des personnes à la retraite aujourd’hui au Luxembourg tient d’abord au nombre d’années prestées et cotisées par les hommes et les femmes, celles-ci ayant été « pour une part non négligeable à la maison toute leur vie ». « Les écarts de taux d’emploi entre les hommes et les femmes étaient importants », nous explique-t-on. C’est là où le Luxembourg se distingue notamment des pays voisins, note un autre statisticien Guillaume Osier. Plus 21 points de pour cent en 2005, contre 15,7 points pour la Belgique, 11,8 pour la France et 12,5 pour l’Allemagne. Ensuite, celles-qui travaillaient au Luxembourg occupaient « souvent des emplois non qualifiés à temps partiel » ou encore connaissaient un parcours professionnel « plus accidenté », par des choix familiaux ou des situations de chômage. Enfin, le Statec relève que les femmes sont moins bien payées, mais que cet écart baisse. « Il est passé de 9,2 pour cent en 2009 à trois pour cent en 2018 », relève Senyo Fofo Amétépé. Le Statec envisage une étude sur le sujet « prochainement » pour répondre aux interrogations encore en suspens. En attendant, on ne peut s’empêcher de noter que tous les pays de l’UE ayant appartenu la Yougoslavie ou au Pacte de Varsovie sont en dessous de la moyenne européenne. Sans le Danemark et la Croatie, les pays d’Europe occidentale seraient les plus inégalitaires en la matière, les « Peco » les plus égalitaires. pso

Précision capitale
Consécutivement à la parution de l’article « Blurred Lines » (d'Land, 5.02.21), le président de l’administration des biens du Grand-Duc Norbert Becker précise que Chékéba Hachemi, conseillère auprès de la Grande-Duchesse, a été nommée membre du conseil d’administration de la Fondation Engie le 2 Juillet 2019, « donc plusieurs mois après le Forum (Stand Speak Rise Up !). Le don de la Fondation a été effectué avant le Forum » (organisé à Luxembourg fin mars), conclut l’homme d’affaires. La maréchale de la Cour Yuriko Backes (qui n’avait pas trouvé de temps pour répondre oralement à nos questions) insiste sur la claire séparation entre la fondation du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse et la Maison du Grand-Duc (que Yuriko Backes dirige). « La Maison du Grand-Duc a été instituée par Arrêté grand-ducal du 9 octobre 2020 comme conséquence du rapport Waringo publié en janvier 2020, et ne peut donc être impliquée dans les constatations du même rapport. Cette ‘petite’ précision appert cruciale alors que l’article en question jette le discrédit sur la Maison du Grand-Duc et suggère qu’elle continue et défend des pratiques passées. Je conteste fermement cette présentation erronée. La Maison du Grand-Duc émane du souhait du gouvernement de départager les activités et finances privées de la Cour grand-ducale des activités financées par des deniers publics. Elle est soumise dans sa mission aux autorisations et vérifications de la Direction du Contrôle financier et de la Cour des Comptes. La Maison du Grand-Duc est la ‘réponse claire’ pour remédier aux déficiences constatées », signe la maréchale Yuriko Backes. pso

Bernard Thomas, Pierre Sorlut
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